Eglises d'Asie

Un prêtre papou risque sa vie pour combattre l’injustice

Publié le 14/02/2018




Le père John Djonga, 59 ans, prêtre du diocèse de Jayapura dans la province de Papua, n’a pas peur des menaces de mort quand il s’agit de défendre les pauvres ou de servir de messager entre l’armée et les indépendantistes papous.

Les menaces de mort, les pistes en mauvais état ou encore les interrogatoires pour soupçons de trahison n’ont pas abimé, l’année dernière, la volonté du père John Djonga de servir la province agitée de Papua en Indonésie. Le prêtre de 59 ans, du diocèse de Jayapura, a servi durant plus de trente ans dans ces régions reculées, qui sont non seulement difficiles d’accès, mais aussi très pauvres malgré leur richesse en ressources naturelles. Le père Djonga a quitté en 1988 sa maison de Flores, à l’est de l’île de Komodo, pour venir ici comme catéchiste. Quand les prêtres sont devenus rares dans la région, inspiré, il a rejoint le séminaire du diocèse de Jayapura en 1990 et fut ordonné prêtre en 2001.

Une entreprise risquée

Exercer ses devoirs religieux à Papua est une entreprise risquée… La région, majoritairement chrétienne, est devenue une zone particulièrement sensible depuis que la province a été annexée par l’Indonésie, il y a cinquante ans. Un groupe prônant l’indépendance a multiplié les attaques ces dernières années, laissant dans son sillon une série de victimes malgré les nombreuses arrestations effectuées par la police.
Un rapport de la Coalition Internationale pour Papua indique que les arrestations ont quadruplé entre 2015 (1 083 arrestations) et 2016 (5 361 arrestations), survenues pour la plupart lors de manifestations pacifiques. Des rapports récents estiment que l’affirmation du gouvernement, prétendant que les Droits de l’Homme s’améliorent à Papua, est inexacte. Djonga, aujourd’hui curé de la paroisse du Christ-Roi de Wamena, confie qu’il rencontre régulièrement des gens affirmant qu’ils ont été persécutés par les forces de l’ordre. Certains disent avoir été torturés – et le prêtre n’a pas peur de demander que les soldats coupables soient sanctionnés et mis à l’écart. « J’ai choisi d’être prêtre non seulement pour les croyants, mais aussi pour ces groupes prônant l’indépendance, qui se cachent presque tous dans la forêt », explique-t-il.
Le prêtre ajoute que peu de ses confrères choisissent de fraterniser avec ces groupes insurgés : « Ils font partie de mon troupeau et ils ont besoin de moi, quelle que soit leur appartenance politique. Je suis proche d’eux. Je suis également proche des soldats et de la police. » Le père Djonga espère aider à calmer le jeu en jouant, en quelque sorte, le rôle d’intermédiaire. « Même si les militaires et certains groupes prônant l’indépendance sont musulmans, quand je parle d’humanité, il n’y a pas de barrières entre nous. » Toutefois, le prêtre admet qu’il reçoit régulièrement, parfois quotidiennement, des menaces de mort entre autres formes d’intimidations.
En 2007, après s’être plaint auprès du gouverneur de la province de Papua des méthodes utilisées par les militaires pour intimider les locaux, le père Djonga confie avoir reçu un appel terrifiant de la part d’un militaire inconnu. « Il m’a dit que je serais enterré vivant 700 mètres sous terre. Mais je n’ai pas peur, parce que je sais que c’est un risque à assumer à cause de mon ministère. » En 2016, il a été interrogé par la police pour avoir présidé une célébration à laquelle participaient des membres connus d’un parti séparatiste papou. Il fut ensuite relâché. « J’ai dit à la police que je dois les servir, qu’ils soient pro-Indonésie ou indépendantistes. C’est mon devoir. »

Au-delà de la violence

La sous-alimentation et le manque d’éducation font partie des autres problèmes qui tourmentent la région. Plus de 72 enfants du district de Asmat, une région reculée de la province la plus orientale du pays, sont morts ces derniers mois à cause de la malnutrition tandis qu’environ 650 autrs enfants ont contracté la rougeole, explique le chef du district, Elisa Kambu. Des équipes médicales et des militaires ont été envoyés et un état d’urgence a été déclaré le 15 janvier, selon les médias locaux.
Ce n’est pas la première fois que le père Djonga entend parler de ce genre de morts tragiques. L’année dernière, il a été impliqué dans les recherches d’un groupe de volontaires, afin de documenter les morts de près de cent personnes du district de Yahukimo. Les morts sont survenues sur une période de quelques mois seulement. « Ces morts tragiques sont fréquentes ici, et pourtant, on ne voit toujours pas de véritable effort pour changer la situation », regrette le prêtre. Furieux de constater les efforts trop mesurés de l’état, il a finit par intervenir auprès d’une chaîne nationale de télévision le mois dernier afin de critiquer le gouvernement.
Ses commentaires sur MetroTV ont suscité un vif débat avec un ministre indonésien qui participait à la même émission. « Je lui ai fait part de mes remarques en me basant sur ma propre expérience. Il y a des cliniques à Papua, mais pas d’infirmières ni médicaments. Comment le gouvernement peut-il promettre que la situation va s’améliorer, s’il ne prend pas en compte des problèmes de base comme celui-ci ? » Le prêtre ajoute que les enfants sont privés d’une éducation décente à cause du manque de personnel éducatif. « Les écoles sont bien là, mais sans enseignants, ni livres… J’ai travaillé ici durant trente ans, mais il n’y a eu aucune amélioration. »

Un « pasteur idéal »

Le père Djonga pense que s’impliquer dans ces causes sociales fait partie de sa réponse à l’appel du Seigneur. « Comme pasteur, je dois servir mon troupeau par les sacrements. Mais je sens aussi que je dois m’impliquer directement dans les problèmes quotidiens qu’ils traversent », explique le prêtre, qui a appelé l’Église à s’impliquer davantage à Papua, vu les difficultés vécues par la population. Le prêtre croit que Jésus aurait encouragé ceux qui ont la foi et qui sont capables, à s’impliquer afin d’aider cette province agitée, aujourd’hui embourbée dans des problèmes politiques et sociaux.
En reconnaissance pour son combat, le père Djonga a reçu en 2009 le prix Yap Thiam Hien. Il a partagé ce prix prestigieux indonésien, célébrant les droits de l’homme, avec un avocat chinois reconnu pour son action. Le meilleur ami du père Djonga, le pasteur Benny Giay du Synode des Églises chrétiennes de Papua, confie qu’une des forces du père Djonga est sa capacité à fraterniser avec des gens venant de tout le spectre social. « C’est un pasteur idéal. Un pasteur qui veut partager les souffrances des autres. Il peut aussi enseigner les gens. Il leur dit : ‘Sortons de cette situation.’ »
Theo Hesegem, chef du groupe de défense pour le renforcement des lois et pour les droits de l’homme, confie que le père Djonga n’a pas peur de mettre sa vie en danger quand il se bat pour améliorer la vie des gens : « Nous travaillons beaucoup ensemble et son engagement est très clair. C’est un pasteur exemplaire qui veut se tenir en première ligne pour se battre pour la justice. »

(Ucanews)