Eglises d'Asie

En un an, les attaques contre les chrétiens ont doublé

Publié le 21/02/2018




Selon un nouveau rapport, les victimes de persécution sont souvent accusées de crimes graves comme le blasphème. Avec la montée du nationalisme hindou, les chrétiens se sentent de moins en moins en sécurité.

En 2017, selon un nouveau rapport, les attaques hindoues contre les chrétiens sur le continent indien ont doublé. Cette montée du nationalisme tend à représenter les chrétiens comme agissant contre l’état, contre sa tolérance religieuse et ses valeurs, selon ce rapport. Selon Persecution Relief (Secours contre la persécution), un forum œcuménique enregistrant les persécutions et soulageant les victimes, le pays a connu, en 2017, 736 attaques contre des chrétiens, contre 348 attaques en 2016.
Selon ce rapport, la police reçoit également des dépôts de plaintes contre les chrétiens, les accusant d’esprit de révolte, de discrimination, de travailler contre la tolérance religieuse et contre l’unité nationale, de dégrader des lieux de prière ou encore d’insulte contre les religions… « C’est une nouvelle vague d’accusations contre les chrétiens », rapporte Shibu Thomas, fondateur de Persecution Relief. « Si les accusations sont prouvées, l’accusé peut parfois être condamné à perpétuité. »
Le fait que certains déposent de telles plaintes « montre bien que ceux qui s’opposent aux chrétiens veulent les représenter comme une menace sérieuse contre la sécurité de l’état », analyse Thomas. Les responsables chrétiens affirment que depuis que le parti pro-hindou Bharatiya Janata Party (BJP) a pris le pouvoir en 2014, des groupes hindous multiplient les violences contre les chrétiens. Ces groupes tentent de représenter les minorités religieuses, comme le christianisme ou l’islam, comme antipatriotiques.
Cette année, les chrétiens ont subi des violences dans tout le pays, des incidents ayant été rapportés dans 24 des 29 états indiens. La plupart de ces actes de violence sont des « attaques physiques » contre des représentants de l’Église ou contre des fidèles, selon le rapport. Près de 57% des incidents ont eu lieu dans les quatre états de l’Uttar Pradesh, de Madhya Pradesh, de Tamil Nadu et de Chhattisgarh.

Accusés à tort

L’Uttar Pradesh, dans le nord du pays, où le BJP a pris le pouvoir en 2017, a enregistré 96 attaques (contrairement à 39 incidents en 2016, quand le parti socialiste Samajwadi était au pouvoir). L’état de Madhya Pradesh, que le BJP dirige depuis quinze ans, a enregistré 52 incidents, une augmentation de 54% par rapport à 2016, tandis que l’état du Tamil Nadu a rapporté 48 incidents (pour une augmentation de 60%).
Le pasteur Anil Andrias, qui vit dans l’Uttar pradesh, confie que depuis que le très charismatique Yogi Adityanath est Chief Minister (ministre en chef) de l’état, il est devenu risqué pour les chrétiens d’y vivre, à cause de groupes hindous croyant bénéficier du soutien du gouvernement. « Dans ces conditions, les chrétiens ne sont plus en sécurité en Inde », regrette Anil Andrias, ajoutant que le BJP est au pouvoir à New Delhi ainsi que dans 19 des 29 états indiens. « Les difficultés que les chrétiens vont devoir surmonter risquent de se multiplier si le parti au pouvoir remporte également les élections nationales de 2019. »
Anil Andrias ajoute que des hindous se sont attaqués à des assemblées en prière, s’attaquant physiquement aux responsables et aux congrégations ayant défié les interdictions de rassemblement. Andrias confie que les attaquants ont ensuite déposé des plaintes auprès de la police, accusant les victimes d’avoir provoqué eux-mêmes les attaques en offensant les gens et leurs sentiments religieux. «Ils menacent les croyants de mesures restrictives comme le boycott social », ajoute le pasteur. Parmi les tentatives de harcèlement, explique-t-il, les chrétiens sont par exemple exclus des plans sociaux, interdits de collecte d’eau auprès des puits publics, ou encore d’embrunter les routes publiques…
Shibu Thomas, de Persecution Relief, confie que certaines affaires sont montées de toutes pièces : «Dans 99% des cas, ils font appel à des faux témoins et les victimes chrétiennes sont parfois condamnées à des peines sévères. Si les victimes font appel à l’aide de la police, elles se retrouvent accusées. ‘C’est vous les coupables’ se voient-ils répondre. C’est un signe inquiétant. Malheureusement, la police est de mèche avec les fanatiques et choisit des membres qui soutiennent leur action. »
Pourtant, Sheela Santiago, une catholique et membre dirigeante du BJP dans l’état de Madhya Pradesh, assure que son parti et ses membres n’ont été impliqués dans aucun incident contre des chrétiens : « Le BJP est un parti national qui travaille au service de tous, sans aucune discrimination. » Sheela admet que « certains groupes hindous extrémistes » ont été impliqués dans des incidents parce qu’ils pensent que les chrétiens tentent de convertir les hindous par la force. Les chrétiens représentent 2,3% (29,9 millions) de la population indienne (1,3 milliards d’habitants), 80% des indiens étant hindous.

(Ucanews)