En apprenant la langue des signes pour pouvoir communiquer avec la population sourde de Jakarta, Fransiskus Xaverius Dwi Susanto a osé ce que peu entreprennent. Ce père de deux enfants, 36 ans, utilise la langue des signes depuis trois ans afin de rendre la messe dominicale accessible à une quarantaine de catholiques sourds, de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, la cathédrale de Jakarta. « Je veux rendre Dieu présent aux sourds », explique-t-il. Yohana Yunianti Effendi, 58 ans, assure que le service rendu par Fransiskus est inestimable : « Avant, je devais me concentrer pour lire les lèvres du prêtre à chaque fois que j’allais à la messe, ce qui à la longue est épuisant », précise-t-elle. « Mais grâce à Fransiskus, c’est bien plus confortable. »
Ce dernier s’est intéressé à la langue des signes en 2001. Alors séminariste au grand séminaire Jean-Paul II de l’archidiocèse de Jakarta, il rendait service aux personnes handicapées. « Avec le temps, je me suis surtout tourné vers les sourds aux côtés de l’association Daya Dharma. J’ai alors pris des cours pour apprendre le braille et la langue des signes, puis j’ai participé régulièrement à leurs activités » ajoute Fransiskus. L’association, fondée en 1962, vient en aide aux pauvres et aux handicapés de l’archidiocèse de Jakarta. La communauté catholique des sourds, appelée « Paturka », a été créée en 2001.
En 2004, Fransiskus a fini par abandonner et a décidé de quitter le séminaire : « J’ai tout arrêté pendant au moins six mois. J’avais l’impression que les gens ne voyaient que le séminariste en soutane, et pas ce que j’essayais de faire pour eux. » Il ajoute que les sourds catholiques ont fini par mieux apprécier ce service, lui donnant une « seconde chance ». Pourtant, il éprouvait toujours du remords pour avoir quitté le séminaire, ce qui l’a poussé à faire une retraite dans la province de Java centrale, dans le sud de l’archipel (à l’est de Jakarta). La rencontre providentielle qu’il y a faite avec le cardinal Julius Riyadi Darmaatmadja l’a beaucoup inspiré. Depuis 2010, le cardinal n’avait plus la charge de l’archidiocèse de Jakarta et vivait dans une maison de retraite, sur le terrain de la « Retraite Emmaüs » à laquelle participait Fransiskus.
Comme l’argile se laisse faire…
« Je lui ai demandé si Dieu était en colère contre moi », se souvient-il. « Le cardinal m’a répondu en citant un passage des Écritures [Jer 18, 4] : ‘Le vase qu’il façonnait de sa main avec l’argile fut manqué. Alors il recommença, et il fit un autre vase, selon ce qu’il est bon de faire, aux yeux d’un potier.’ » Ces mots ont encouragé Fransiskus à aller de l’avant. Pourtant, sa première rencontre avec la communauté Paturka ne s’était pas bien passée. En 2009, il avait proposé d’utiliser le langage des signes pendant la messe du dimanche dans la paroisse du groupe, sans demander l’avis du prêtre, et il fut jeté dehors. « Certains étaient dérangés par ma présence » explique-t-il. Déterminé, il a continué d’essayer de persuader le prêtre de le laisser apporter son aide et finalement, en 2014, il a obtenu gain de cause.
Fransiskus confie son rêve de fonder d’autres groupes comme celui de Paturka dans d’autres diocèses. Il voudrait aussi former et guider une nouvelle génération d’interprètes. Une chose est sûre : ce genre de position est rare. Selon le père Yohanes Rusae, président de la commission liturgique des évêques d’Indonésie, seul l’archidiocèse de Jakarta assure un tel service pour les sourds. Des études indiquent que plus de 12 % des 260 millions d’Indonésiens souffrent d’un handicap. Même si les sourds sont minoritaires parmi les paroissiens, « ils ont le droit d’obtenir de l’aide ».
« Je ne suis pas appelée à réussir »
Fransiskus ajoute que communiquer avec un groupe de paroissiens avec le seul usage de ses mains implique beaucoup de difficultés. Parfois, il doit improviser pour se faire comprendre : « Je n’ai rien fait de bien important. Mais je trouve ma force dans les mots de Mère Teresa, qui disait : ‘Je ne suis pas appelée à réussir, mais à être fidèle.’ » Ce père de famille est par ailleurs consultant en ressources humaines et paroissien de Saint Léon le Grand, une église de Bekasi, une ville de banlieue dans l’est de Jakarta. L’année dernière, il a participé à un atelier pour les catéchistes voulant apprendre le langage des signes pour devenir interprètes durant la messe dominicale.
La commission liturgique de l’archidiocèse a organisé la session : « Le problème était que nous n’avions pas suffisamment de temps pour bien étudier », estime Fransiskus, qui ajoute qu’il est « particulièrement difficile » de trouver de nouveaux interprètes. « Il n’est pas du tout sûr que toutes les personnes intéressées soient capables de faire ce travail », ajoute le père Hieronymus Sridanto Ariwibowo, président de la commission. « Nous avons besoin d’un programme d’apprentissage sur le long terme. »
(Ucanews / Katharina R. Lestari, Jakarta)