Eglises d'Asie

Une rencontre entre terroristes et victimes suscite la polémique

Publié le 06/03/2018




Du 26 au 28 février, à Djakarta, le gouvernement indonésien a organisé une rencontre entre terroristes et survivants d’attaques terroristes. L’objectif était d’avancer vers une éventuelle réconciliation, mais des survivants et familles de victimes ont boycotté l’évènement.

Plus de cent personnes condamnées pour terrorisme se sont retrouvées face à des survivants d’attaques terroristes, la semaine dernière à Djakarta. L’évènement, organisé par la National counter-terrorism agency (agence nationale contre le terrorisme), se voulait une nouvelle étape vers la réconciliation.
Cependant, des survivants d’attaques et les proches de personnes tuées ont boycotté l’évènement, qui a eu lieu dans la capitale du 26 au 28 février. Ils affirment ne pas se sentir prêts, psychologiquement, à rencontrer d’anciens terroristes, estimant de plus que ceux-ci bénéficieront davantage qu’eux d’une telle rencontre.
L’évènement controversé, sponsorisé par le gouvernement, a rassemblé 124 anciens terroristes et 51 survivants d’attaques (notamment d’attaques à la bombe à Bali et Djakarta). Durant les trois jours, qui ont eu lieu dans la salle de réception d’un hôtel de la capitale, les participants ont échangé sur leurs expériences. « C’est le premier évènement de ce genre. Nous voulons favoriser un esprit de réconciliation », explique Suhardi Alius, le directeur de l’agence organisatrice.
Suhardi tient à préciser que tous les anciens terroristes ayant participé à l’évènement se sont repentis et ont été déradicalisés par l’agence. Ils ont participé à diverses attaques à la bombe, dont celle de l’ambassade australienne en 2004, celle des hôtels Marriot et Ritz en 2009, ainsi qu’une attaque en 2002 à Bali qui fit plus de 200 morts.
Mokhtar Daeng Lau a bombardé en 2002 un McDonald de Makassar, dans le Sulawesi du Sud, tuant trois personnes. Il confie que la rencontre de la semaine dernière lui a été utile parce que cela lui a permis de mieux comprendre les conséquences de ce qu’il a fait. Mokhtar a été condamné à sept ans de prison et libéré en 2010. « Je me suis repenti et je veux aider le gouvernement à empêcher d’autres personnes de se radicaliser ainsi », explique-t-il.

« Je me suis repenti… »

Sumarno, 40 ans, a participé à l’attaque de Bali, explique que cette rencontre l’a aidé à respecter les différences. « Je regrette profondément ce que j’ai fait. Je ne pensais pas qu’autant de victimes étaient des frères et sœurs », avoue Sumarno, qui enseigne l’islam à Lamongan, dans le Java oriental. Chusnul Kotimah, un survivant de l’attaque de Bali, confie qu’elle a beaucoup souffert, mais qu’elle a pardonné aux responsables de l’attaque. Elle voulait aussi profiter de cette opportunité pour appeler le gouvernement à faire davantage pour les victimes et leurs familles.
Denny Wahyu, un policier blessé lors d’une attaque contre une grande surface à Djakarta en janvier 2016, explique que la rencontre l’a aidé à guérir de blessures psychologiques : « Je ne garde aucune rancune contre eux. J’espère seulement qu’ils apprendront la tolérance à leurs amis, pour qu’ils ne suivent pas leurs traces. »
Suhardi Alius, le directeur de l’agence organisatrice, explique que l’Indonésie a choisi une approche pacifique pour contrer le terrorisme et aider des survivants à s’en sortir. L’agence antiterroriste a construit des internats islamiques pour des enfants de terroristes à Medan, dans le Sumatra du Nord, et à Lamongan dans le Java oriental, pour éviter qu’ils suivent la même voie que leurs parents.
Suhardi a appelé le gouvernement à se préoccuper d’avantage des anciens terroristes et de leurs familles, « pour qu’ils ne soient pas marginalisés et qu’ils ne retombent pas dans leurs erreurs ». Le ministre indonésien des affaires sociales, Idrus Marhan, a déclaré que son ministère vient en aide aux victimes et aux anciens terroristes en les faisant travailler pour des petits commerces : « Ils ont tous souffert, non seulement psychologiquement mais aussi financièrement. Ils bénéficient tous de l’aide du ministère. »
La police indonésienne a arrêté 172 personnes suspectées de terrorisme en 2017, contre 163 en 2016.

(Ucanews, Konradus Epa, Djakarta)