Des groupes d’Église au Kerala s’opposent farouchement à la libéralisation de l’accès à l’alcool, décidée par l’état dirigé par un gouvernement communiste. Pour eux, cette décision, approuvée le 14 mars et qui doit prendre effet le 2 avril, a pour objectif d’augmenter les revenus de l’état, sans aucune considération pour ses conséquences sur la société. Le comité des évêques catholiques du Kerala, rajoint par d’autres mouvements d’Église, a donc demandé le retrait de cette loi qui doit permettre les ventes d’alcool sans restriction. Cela multiplierait, pour eux, les addictions, transformant des centaines de travailleurs pauvres et de jeunes en alcooliques. Les évêques craignent que cette politique n’amène que plus de pauvreté et de crises au sein de leurs familles.
L’Église au Kerala a donc décidé d’organiser, le 2 avril, des manifestations devant toutes les paroisses et dans les 31 centres diocésains de l’état, « car c’est un vrai problème moral », pour Mgr Remigiose Inchananiyil, évêque de Thamarassery, à la tête du comité antialcoolique de la conférence régionale des évêques. La coalition du gouvernement de gauche du Kerala, au pouvoir depuis mai 2016, avait abandonné la loi du gouvernement précédent interdisant l’alcool. En effet, le gouvernement précédent avait lancé, en 2014, une politique visant à fermer 10 % des revendeurs d’alcool chaque année, afin de cesser progressivement les ventes d’alcool d’ici 2 023.
Le gouvernement communiste, au pouvoir depuis 2016, a rouvert tous les revendeurs qui avaient été fermés, y compris les bars, tout en trouvant le moyen d’en ouvrir de nouveaux dans la plupart des villages, a ajouté Mgr Inchananiyil. Le gouvernement, se référant à une directive qui stipule que les villages comprenant plus de 10 000 habitants sont considérés comme des cantons, a prévu de leur accorder des licences leur permettant d’ouvrir des bars et des pubs dans la plupart des régions du Kerala. Seules 12 communes sur 942 villages ont moins de 10 000 habitants. « Le gouvernement cherche à détruire l’avenir des jeunes et des familles du Kerala. Nos critiques de sont pas destinées à une communauté en particulier. Les communautés musulmanes et hindoues se sont jointes à notre campagne antialcoolique », explique Mgr Inchananiyil.
Risque d’addictions et de crises familiales
Le secrétaire du comité antialcoolique, le père Jacob Vellamaruthunkal, assure que l’Église mène cette campagne « pour le bien-être de l’état dans son ensemble. Cela doit s’arrêter ». Le gouvernement assure, de son côté, que cette politique cherche à attirer les touristes, mais pour l’Église du Kerala, son intention est d’augmenter les revenus liés à l’alcool. L’alcool est taxé, en effet, à plus de 200 % au Kerala. L’état du Kerala détient le monopole sur les ventes d’alcool de l’état, que ce soit en gros ou au détail, grâce à l’organisation Kerala State Beverages Corporation, qui représentait en 2014 la plus grande source de revenus pour le gouvernement du Kerala.
En 2014, l’organisation a enregistré un profit de 22 millions de dollars américains, puis 23 millions de dollars en 2015. Les profits sont tombés à 5,7 millions de dollars en 2016. « Les profits ont chuté pour plusieurs raisons, notamment pour des questions de taxes et de prix », explique le directeur financier de l’organisation, V. G. Shaji. « Mais les ventes n’ont pas diminué. » Des documents publiés par l’organisation indiquent que les ventes augmentent chaque année depuis 1984. Soit une croissance de près de 100 % tous les cinq ans. Ces ventes ont représenté un revenu de 1,84 milliard de dollars en 2016, contre 498 millions de dollars en 2006. Le ministre du travail et du revenu de l’état du Kerala, T.P. Ramakrishnan, s’est défendu devant les médias le 18 mars, assurant que la politique du gouvernement cherche à encourager l’abstinence sans interdire la consommation d’alcool. Toutefois, le gouvernement se dit prêt à dialoguer avec n’importe quel groupe, y compris l’Église, pour apaiser leurs craintes. « Il n’y a aucune raison d’être inquiet. Notre politique sur l’alcool favorise l’abstinence et veut éviter toute interdiction. C’est ce que nous avons dit dans notre communiqué », explique le ministre. Le père Vellamaruthunkal explique que l’Église n’a pas prévu de pourparlers avec le gouvernement sur cette question : « Ceci dit, nos portes sont ouvertes pour en parler. »
(Avec Ucanews, Kochi)