Eglises d'Asie

Le cardinal Tagle dénonce les « rois » qui s’en prennent aux faibles

Publié le 29/03/2018




À l’occasion de la Semaine Sainte, véritable évènement national aux Philippines, des personnalités du pays proposent leur méditation à l’approche de Pâques. Non seulement parmi les évêques, comme le cardinal Tagle ou encore l’évêque de Lingayen-Dagupan, Mgr Villegas, mais aussi des acteurs ou des hommes politiques, y compris le président Duterte.

Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, lors de la célébration des Rameaux ce dimanche 25 mars, a parlé ouvertement contre les « rois qui font usage de la violence » pour s’en prendre aux faibles, à l’ouverture de la semaine sainte. Son homélie, lors de la messe célébrée à Manille le matin des Rameaux, devant les palmes brandies par la foule, le cardinal s’en est pris aux chefs de gouvernement « pleins d’orgueil, dépourvus d’humilité ». « Aujourd’hui, beaucoup donnent leurs voix aux ‘rois’ qui font preuve de violence, qui utilisent les armes et autres intimidations contre les faibles… », a dénoncé l’archevêque.
Sans citer de noms en particulier, le cardinal a demandé aux responsables de gouvernements de prendre exemple sur l’humilité de Jésus Christ : « Notre roi ne se repose pas sur la violence, sur les armes, sur les épées, les balles ou les fusils. Notre roi fait confiance en Dieu seul. » Le cardinal Tagle a rappelé que « la vraie autorité » vient de « la dignité calme et silencieuse de celui qui fait confiance en Dieu et qui se manifeste sa pleine solidarité avec l’humanité pécheresse ». Le cardinal a invité les catholiques à profiter de la Semaine Sainte pour chercher à connaître Jésus plus en profondeur. « Regardons vers Jésus. Regardons-le et écoutons-le, pour pouvoir le connaître à nouveau », a-t-il ajouté.

Duterte demande d’aider les opprimés

Dans son message pour la Semaine Sainte, le président philippin Rodrigo Duterte a appelé les Philippins à venir en aide aux opprimés : « Rappelons-nous de toujours aider et soutenir les malheureux, parce que seuls les actes de charité peuvent rendre Dieu présent parmi nous. » Le président a également appelé à l’unité entre les Philippins, afin qu’ils puissent « construire une nation équitable et solidaire, où tous peuvent vivre d’une façon confortable et décente ». Pour le président Duterte, la résurrection du Christ devrait être un rappel, pour tous les Philippins, que le pays « mérite d’être guéri des problèmes sociaux » comme la drogue, la criminalité et la corruption. Les groupes de défense des droits de l’homme, toutefois, ont reproché à Duterte la « campagne contre la drogue » qui a entraîné des milliers de meurtres suspects contre les toxicomanes et les dealers.
Pour Mgr Socartes Villegas, critique farouche de la campagne anti-drogue du président, la Semaine Sainte n’est pas qu’une affaire de traditions religieuses et de pratiques pieuses. « La Semaine Sainte rappelle ce que le Christ a fait pour l’humanité », souligne l’évêque, ajoutant que cette semaine est « sainte à cause de son amour ». « L’amour seul peut nous rendre saints », a déclaré l’archevêque de Lingayen-Dagupan. L’évêque a ajouté que l’on peut par exemple visiter les malades, en plus de célébrations habituelles. « Plutôt que de répandre votre sang dans la rue, pourquoi ne vous rendez-vous pas auprès de la Croix Rouge pour donner votre sang ? Choisissez de donner la vie », a invité Mgr Villeas. « Donnez votre sang. Avons-nous besoin de marcher pieds nus jusqu’à rendre nos pieds pleins d’ampoules, en guise de penitence pour nos péchés ? Pourquoi ne pas acheter une paire de chaussures à un enfant qui se rend chaque jour à l’école avec des souliers abîmés ? »

Semaine fériée pour les Philippins

Les Philippins ont l’habitude de prendre une semaine de vacances lors de la Semaine Sainte. Des milliers de familles partent fêter le Triduum Pascal lors des Jeudi et Vendredi Saints. Le gouvernement a déclaré le jeudi et le vendredi fériés, et beaucoup d’entreprises accordent même aux employés leur mercredi. Lors du Jeudi saint, les Philippins célèbrent la dernière messe avant Pâques, en reproduisant le lavement des pieds des apôtres. Puis commencent les traditionnelles « visita iglesia », durant lesquelles les Philippins visitent au moins sept églises, pour méditer sur le Chemin de Croix. Ces jours sont une bonne excuse, pour les familles, pour faire du tourisme et veiller toute la nuit. Certains restent prier dans les églises, mais beaucoup vont profiter du printemps dehors.
Lors du Vendredi saint, outre le chemin de croix, beaucoup de personnalités, y compris des politiciens et des acteurs, proposent leur réflexion sur les sept dernières paroles du Christ. Des pièces retraçant la Passion (Senakulo), sont organisées dans tout le pays dans l’après-midi, comme le festival des Moriones de Marinduque, lors duquel les habitants sont masqués et se lancent dans de faux combats à l’épée.
Ou encore comme la reconstitution de la crucifixion de San Fernando (Pampanga), au nord de Manille, particulièrement macabre (d’où l’intervention de Mgr Villegas). Le festival dure donc toute la semaine, nuit et jour, un long marathon haut en couleur sur la vie de Jésus, sa Passion, sa mort et sa résurrection, qui attire les foules dans tout le pays. Le dimanche de Pâques commence tôt le matin par une procession, et se termine par des fêtes et pique-niques, accompagnés de danses et de chants pour célébrer la résurrection du Christ.

(Avec Ucanews, Joe Torres, Manille)