Eglises d'Asie

Sœur Evelyn Bautista et la joie de la Croix

Publié le 30/03/2018




Sœur Evelyn Bautista a dû porter ses croix tout au long de sa mission comme servante de Dieu : la perte de son frère, puis de sa mère, une remise en question, un cancer… Cela ne l’a pas empêchée de mener une vie missionnaire accomplie et rayonnante, témoigne la religieuse philippine de 80 ans.

Sœur Evelyn Bautista, 80 ans, est religieuse au sein de la congrégation missionnaire des Servantes du Saint-Esprit. Elle aurait pu laisser tomber bien des fois, mais à chaque nouvelle épreuve, elle s’est vue confier une nouvelle mission. Sa « première croix » fut en 1966, un mois après avoir prononcé ses premiers vœux, à 23 ans : son frère venait de mourir sous les coups d’agresseurs inconnus. Cette perte, qui l’a fait souffrir pendant des années, lui a fait réaliser « ce que coûte vraiment le fait d’être disciple ». « J’ai dépassé cette épreuve et cela m’a déterminé davantage à suivre l’appel de Dieu », se souvient la religieuse. Cela lui a donné du courage, et l’a amenée à se donner avec enthousiasme dans la nouvelle mission qui lui fut confiée, l’enseignement. C’était justement le rêve de son frère pour elle. Quand sa congrégation l’a envoyée pour cela, elle a donc accepté sans réserve.
Sa « seconde croix » est venue avec ce qu’elle décrit comme les « politiques » du couvent. Elle avait alors du mal à gérer les différentes cultures et origines des membres de la congrégation. « J’étais malheureuse, je ne me sentais pas à ma place », explique sœur Evelyn. Elle a voulu quitter le couvent en 1983, vingt ans après son entrée en 1963. Sœur Evelyn voulait rejoindre une autre congrégation, où elle pensait être plus heureuse en tant que religieuse. Mais ses sœurs lui ont alors conseillé de faire face à cette épreuve au sein même de la communauté. Elle s’est vue confier une autre mission, et les sœurs lui ont dit de prendre une décision une fois sa nouvelle mission commencée.
En mai 1984, elle fut envoyée au Ghana, en Afrique de l’Ouest, où elle est devenue la première directrice d’un centre médical géré par l’Église, dans la ville majoritairement musulmane de Damongo. Au début, cela n’a pas toujours été facile. « Tout semblait contre moi. J’étais une femme, une religieuse, une Philippine, originaire d’un pays du tiers-monde », explique-t-elle. C’est seulement après avoir pu se rapprocher de ses collègues qu’elle a fini par se sentir accueillie. Elle confie que ce séjour lui a appris la valeur du dialogue. Plus tard dans sa vie, sœur Evelyn a assumé des positions importantes qui demandaient justement de pouvoir dialoguer sur les plans interculturels, œcuméniques et interreligieux.

« Aucune croix ne peut nous empêcher d’être heureux »

Une autre « croix » qu’elle a portée était l’ennemi numéro un des missionnaires des régions reculées, le paludisme, qui fait non seulement souffrir le corps mais peut aussi entraîner des dépressions, voire d’autres formes de maladies comme le cancer. Ses médecins lui ont dit qu’elle avait le cancer. Elle fut renvoyée aux Philippines pour recevoir un traitement. Cela l’a brisée, elle ne se sentait pas prête à abandonner sa mission au Ghana. Une autre croix est venue moins d’un mois plus tard, quand sa mère est morte. Mais sœur Evelyn assure avec le sourire que « la souffrance nous embellit ». Elle s’attendait à ne pas vivre plus de quinze ans, elle a donc décidé de retourner en Afrique. Elle a repris sa mission qu’elle fut invitée à poursuivre. « Malgré la perte de ma mère et le combat contre la maladie, j’ai continué à servir le Seigneur », reprend-elle.
En 1990, alors qu’elle était en congés aux Philippines, un tremblement de terre a tué plus de 1 621 personnes. C’était le début d’une nouvelle mission. Il lui fut demandé de venir en aide aux communautés touchées par le séisme. Elle a donc quitté sa mission en Afrique pour venir les aider à reprendre une nouvelle vie. Après des années de discernement, sœur Evelyn a trouvé le sens de sa vocation religieuse. Alors qu’elle avait gagné en maturité, il lui fut demandé de guider les missionnaires de plusieurs congrégations dans leurs missions, ainsi que des missionnaires laïcs philippins. Elle a pu puiser dans sa propre expérience et dans les épreuves qu’elle avait traversées, qu’elle appelait ses « croix », pour témoigner auprès des aspirantes demandant à devenir religieuses. Son travail en tant que religieuse missionnaire est devenu « à l’image de son amour authentique pour l’Église et pour le peuple de Dieu », confie sœur Evelyn Jose, de la congrégation. « Même quand elle a dû supporter la maladie, elle se donnait avec entrain dans plusieurs tâches pour servir le mieux possible », ajoute sœur Jose.
Son exemple a touché la vie de beaucoup de missionnaires dans le pays. « Elle a aidé les jeunes à comprendre le sens de leur vie avec le Christ et avec l’Église », explique sœur Jose, qui a été élève de la religieuse, autrefois. « Ma mission est de servir de témoin vivant de l’amour inconditionnel de Dieu, grâce auquel aucune maladie ni aucune croix ne peuvent nous empêcher d’être heureux et de vivre une vie consacrée accomplie », confirme sœur Evelyn Bautista. Aujourd’hui, la missionnaire de 80 ans a pour mission d’ouvrir la chapelle du couvent chaque matin. « La chapelle, c’est là où l’on reçoit les premiers et les derniers sacrements, n’est-ce pas ? Je rentre à la maison », conclut-elle avec un sourire.

(Avec Ucanews, Mark Saludes, Manille)