En plein milieu de la saison sèche, Mary Ho Kan Nuon commence à manquer d’eau de pluie, qu’elle avait conservée depuis l’année dernière. « Pour cuisiner et pour boire, nous n’utilisons que l’eau de pluie », explique cette mère de quatre enfants. « C’est l’eau la plus pure dans la région. Une denrée bien précieuse ! » Sa famille, comme les autres villageois, a pris l’habitude de parcourir plus de deux kilomètres à pieds à travers la forêt, pour aller se laver et pour faire leur lessive, dans un étang qui s’est formé lors des bombardements des années 1 970, au cours de la guerre du Vietnam. Le village de Mary, qui comprend 46 familles, dépend du district d’A Luoi, dans la province de Thua Thien Hue, dans le centre du Vietnam. Cette femme, originaire de l’ethnie Ta Oi, affirme que ces dernières années, ils ne peuvent plus utiliser l’eau du cours d’eau qui traverse le village pour leurs activités quotidiennes, car il est devenu trop pollué. Le ruisseau dégage une odeur infecte, à cause des déchets liquides déversés par un hôpital local et à cause des ordures que les gens y jettent. Le Centre de recherche sur l’environnement (Center for environment and community research) a publié récemment un rapport sur la pollution alarmante de l’eau de beaucoup de rivières, cours d’eaux et lacs dans tout le pays. Ce problème représente un risque majeur pour la santé de la population. Selon le Centre, les eaux noires se déversent dangereusement dans les rivières qui traversent la capitale Hanoi et sa région. En trente ans d’urbanisation et de révolution industrielle, les sources de pollution des eaux se sont multipliées, comme les déchets toxiques, les pesticides ou les engrais chimiques.
Déchets, pesticides et engrais
« Nous avons peur que ces eaux polluées nous rendent malades », craint Mary Tran Thi Ngoc Hien, de la ville de Nghia Lo, dans la province de Yen Bai. Mary Hien, 40 ans, affirme qu’une trentaine de tonnes de déchets, collectée tous les jours en ville, est ensuite déversée dans les collines alentour, tout proche des zones résidentielles. Sa maison est à seulement 500 mètres du site. La combustion des déchets produit une épaisse fumée noire. Cette mère de deux enfants ajoute que durant la saison des pluies, les ordures viennent jusque dans les cultures et les fermes piscicoles… Les piscicultures elles-mêmes contribuent aussi à polluer les eaux. Beaucoup de locaux, y compris parmi les jeunes, meurent à cause de cancers qui pourraient très bien avoir été causés par les eaux polluées ou par d’autres formes de pollution. Nguyen Trung Hieu, 14 ans, habite dans la province de Thua Thien Hue. Il a l’habitude de puiser de l’eau dans un canal d’irrigation près de chez lui, à l’aide d’un container en métal. Mais il faut du temps pour que les dépôts de sable et de boue se stabilisent. Les quelque 13 000 habitants de la zone doivent acheter ou obtenir de l’eau auprès des canaux d’irrigation, car les puits de la région sont contaminés. Le jeune garçon et sa mère, qui vivent de la revente d’objets usés, dépensent chaque mois environ 80 000 dongs (environ 3 €) pour acheter de l’eau en bouteilles, pour boire et cuisiner.
Une citerne en béton pour l’eau de pluie
Le père Paul Nguyen Ngoc Vinh, en charge pastorale à Phu Xua, dans le centre du Vietnam, a fait construire une vingtaine de puits pour la population locale. « Il n’y a pas d’eau courante, donc ils doivent parcourir plusieurs kilomètres à vélo pour aller chercher de l’eau », explique le père Vinh. Le prêtre a également demandé à des experts environnementaux d’instruire la population sur la meilleure façon de gérer les déchets et les substances toxiques, afin d’éviter qu’ils soient déversés dans les rivières. Le père Vinh ajoute que l’antenne Caritas de Hué fournit des systèmes de filtration de l’eau. Sœur Anna Nguyen Thi Thu Hong, des Filles de Notre-Dame de la Visitation, confirme que trois communautés de la congrégation permettent à des milliers d’habitants, aussi bien des zones urbaines que rurales, d’utiliser leurs filtres à eau. Sœur Hong ajoute que l’eau potable est fournie aux pauvres gratuitement et que des fonds sont levés grâce à ceux qui peuvent acheter des bouteilles de 20 litres pour 8 000 dongs (30 centimes d’euro). La religieuse précise que certains, en l’absence de sources d’eaux convenables, recueillent l’eau de pluie grâce à des réservoirs en béton. Nghuen Thi Lai, une couturière, ne regrette pas son investissement dans une citerne, qui a coûté 7 millions de dongs (245 €) mais qui lui permet de recueillir de l’eau potable. Sœur Hong signale que les gens doivent prendre conscience qu’il est très important pour eux de protéger leur environnement.
(Avec Ucanews, Hué)