Eglises d'Asie

Une loi pour protéger les droits des tribus indigènes

Publié le 07/04/2018




De plus en plus d’appels sont lancés en Indonésie en faveur d’une loi pour la protection des peuples indigènes, repoussée trop longtemps. Les tribus indonésiennes sont en effet la proie de personnes ou d’entreprises peu scrupuleuses, qui cherchent à s’approprier leurs terres et à détruire leur mode de vie. 

Rerrin Priansah et ses amis attendent depuis longtemps une loi qui leur offrirait une protection bienvenue contre les expropriations. Le fermier de 52 ans, de la ville de Muara Enim dans la province Sumatra du Sud, confie que son terrain de 50 hectares a été saisi il y a plusieurs années par PT Musi Hutan Persadha, une entreprise dans l’industrie du bois. En 2015, il a essayé de poursuivre l’entreprise en justice auprès d’un tribunal local, mais il a perdu, suite à ce qu’il considère comme un complot. Aujourd’hui, Rerrin s’apprête à faire appel en cour de cassation pour retrouver son bien. « Je ne fais que demander ce qui m’appartient, parce que ce terrain, je l’ai hérité de mes ancêtres », proteste-t-il. Il avait planté des hévéas sur son terrain, mais il affirme que l’entreprise est venue sans prévenir pour les arracher et s’approprier le terrain. « J’ai été attaqué de plusieurs façons, notamment quand on a détruit ce que j’étais en train de faire pousser », dénonce Rerrin, qui assure qu’aucune aide n’est venue du gouvernement local, qu’il avait pourtant sollicité. Aujourd’hui, l’entreprise utilise son terrain pour faire pousser des acacias.
Pour lui, une loi pour faire protéger les droits des peuples indigènes, en particulier concernant leurs terres, est de plus en plus urgente. La loi sur la reconnaissance et la protection des droits des peuples indigènes – repoussée depuis plusieurs années –, qui fait partie des priorités nationales cette année, est en train d’être discutée au parlement indonésien. Si elle est adoptée, cela permettrait de reconnaître les droits des peuples indigènes dans la Constitution indonésienne. Cela ouvrirait la voie à des lois et à des pratiques qui permettraient de reconnaître et de protéger leurs terres traditionnelles et leurs modes de vie.

540 dollars par hectare

« Nous voulons que le parlement vote cette loi immédiatement, parce qu’elle peut protéger nos terres contre les mines ou l’industrie d’huile de palme », déclare Bernardus Mohtar, 38 ans et fermier de la tribu Dayak, à Sekadu, dans la province du Kalimantan occidental (dans l’île de Bornéo). La loi dissuaderait les grosses industries de menacer les petits propriétaires ou d’user de moyens malhonnêtes pour s’approprier leurs terres. Cela donnerait le moyen aux populations tribales de faire valoir leurs droits.
Il y a au moins 24 plantations de palmiers dans le district de Sekadau. Mohtar et d’autres fermiers se battent d’arrache-pied contre une de ces plantations pour retrouver leurs terres. « Cette plantation s’est approprié nos terres. Maintenant, nous nous retrouvons en conflit permanent, non seulement avec la plantation mais aussi entre nous », explique Mohtar, qui affirme que ces entreprises, si elles ne récupèrent pas le terrain illégalement, les payent pour des prix ridiculement faibles. Selon lui, beaucoup ont été trompés, forcés à céder leurs terres pour 540 dollars américains par hectare. Dans certains cas, les propriétaires n’ont pas été payés. Rukka Sombolinggi, secrétaire général de l’Alliance des peuples indigènes de l’archipel (Aman – Indigenous people’s alliance of the archipelago), qui défend les intérêts des communautés tribales indonésiennes, confirme qu’une loi permettant de les protéger est importante pour l’Indonésie aujourd’hui, afin d’éviter les manœuvres abusives ou malfaisantes des grosses industries.

Une loi repoussée depuis 2011

« Beaucoup de problèmes viennent des permis accordés par les gouvernements locaux aux entreprises, sans l’accord des populations indigènes », explique Rukka. Pour elle, le parlement ne doit plus attendre pour faire voter la loi qui a été proposée en 2011. Le père Ansel Amo, qui dirige la commission diocésaine Justice, Paix et Protection de la Création pour l’archidiocèse de Merauke, confie que le combat pour faire protéger les droits de ces populations devient de plus en plus intense. « Les populations tribales sont écartées par les investisseurs, qui envahissent leurs terres en les rachetant de force ou en détournant la loi », dénonce le père Amo.
Pour le prêtre, si la loi passe, ce sera « une réponse aux prières des sociétés tribales ». Sulistyanto, de la Commission nationale pour l’éradication de la corruption, s’attend à ce que la loi soit votée bientôt, afin de prévenir la corruption entre les entreprises et les gouvernements locaux. « Nous avons besoin de mieux contrôler la situation », explique-t-il, ajoutant que la Commission a rapporté des cas de forêts abîmées par des activités industrielles en Papouasie. Luthfi Andi Mutty, membre du parlement indonésien, s’est adressé aux médias récemment pour déclarer que le parlement reconnaissait l’importance de faire voter cette loi. Il s’est montré optimiste, affirmant que ce n’était qu’une question de temps, mais qu’elle passerait.

(Avec Ucanews, à Jakarta)