Eglises d'Asie

L’économie timoraise reprend des forces grâce au tourisme religieux

Publié le 08/05/2018




Depuis l’indépendance du Timor Leste en 1999, le gouvernement a surtout investi dans le pétrole et le gaz. Mais depuis quelques années, il prévoit de diversifier l’économie, en soutenant notamment le tourisme religieux. L’Église catholique est-timoraise soutient l’initiative avec le lancement d’une campagne le 19 avril, afin de permettre aux touristes étrangers de découvrir les lieux saints du Timor oriental tout en soutenant la croissance de la jeune économie du pays, encore fragile.

La toute jeune économie est-timoraise, bien que très modeste, tient bon et commence à prendre son envol. Le développement du tourisme religieux vient soutenir le pays encore fragile, et contribue à promouvoir la foi catholique. L’Église est-timoraise a lancé une campagne le 19 avril, aux côtés du gouvernement, afin d’accueillir un premier groupe de 28 « touristes religieux ». Manuel Vong, ministre du tourisme est-timorais, accompagnait le groupe, composé notamment de catéchistes, de divers responsables paroissiaux et d’un aumônier. Du 20 au 24 avril, ils ont fait la tournée des principaux sites religieux de l’enclave côtière est-timoraise du district d’Oecusse, qui se trouve dans la partie occidentale de l’île du Timor. Etelvina Pinto, catéchiste de 60 ans, travaille au service de la paroisse Saint-Antoine de Dili, la capitale, depuis 35 ans. Il avait entendu parler d’Oecusse, mais n’avait jamais pu s’y rendre. « C’est incroyable. À mon âge, c’est une bénédiction de pouvoir me rendre sur ces sites et de pouvoir voir ces reliques de mes propres yeux », se réjouit-il. « J’espère que beaucoup d’autres touristes, en particulier les jeunes, pourront venir découvrir ces lieux, pour qu’ils puissent se rapprocher de Dieu », ajoute Etelvino. Rui Manuel, 32 ans, est un membre du groupe laïque « Missionaries for Jesus Christ ». Pour lui, c’est le bon moment, pour le gouvernement, d’investir dans le tourisme religieux. « Ce genre de pèlerinages renforce ma foi », confie Rui.
Luis Barreto, à 50 ans, est président du comité paroissial de l’église Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus de Bedois, une banlieue de Dili. Il assure que ce périple de trois jours l’a autant touché qu’un pèlerinage à Jérusalem. Pour lui, les sites religieux d’Oecusse sont aussi importants que les sites catholiques qui se trouvent en Terre Sainte, où il s’est rendu en 2013. « Il y a la même atmosphère de sacré », explique-t-il. « La seule différence est que les sites comme Jérusalem se retrouvent dans la Bible, ils sont donc très populaires et beaucoup viennent leur rendre hommage. J’espère que le gouvernement s’intéressera aussi à d’autres sites religieux ailleurs dans le pays. » Les premiers missionnaires portugais sont arrivés à Lifau (Oecusse) en 1515, cinq cents ans avant que le district devienne la Zone économique spéciale d’Oecusse, en 2014. Une grande partie de l’héritage du district a pu être préservée, dont des églises gothiques construites au XVIe siècle dans le style portugais, ainsi qu’une relique de saint Antoine, un Christ gisant réalisé par Senhor de Morto (visible uniquement le Vendredi saint) et des sites mariaux. Lifau est proche des villes d’Atambua et de Kefamnenanu, qui se trouvent au Timor occidental et qui sont contrôlées par Jakarta.

Le tourisme pour une croissance diversifiée

Après l’indépendance du Timor Leste en 1999, il a fallu trois ans pour qu’un pays souverain puisse renaître, en 2002, et rejoindre les Nations Unies. Fernando Baptista Nuno, doyen de la Faculté économique de l’université nationale de Timor Lorosae, confie que le développement touristique fait partie du plan stratégique du gouvernement (2011-2030). Celui-ci prévoit de créer une croissance économique diversifiée, s’étendant hors de l’industrie pétrolière et gazière. « C’est une bonne chose que le gouvernement ait décidé de faire du tourisme une priorité », approuve Fernando. « Parce que depuis l’indépendance, l’État a surtout investi dans le pétrole et le gaz. » Les visiteurs voyageant d’un lieu à l’autre peuvent soutenir l’économie des communautés locales, grâce à la vente de produits locaux. D’un point de vue éducatif, cela peut également donner l’opportunité aux jeunes d’apprendre une langue étrangère, pour devenir par exemple guides touristiques. « Donc cela va créer des emplois », se réjouit-il.
Les quatre hôtels et la vingtaine d’auberges d’Oecusse profitent tous de ce développement. « En ce moment, il y a peu de visiteurs, mais avant 2012, il y a eu beaucoup de visites de membres des Nations Unis », explique Alda Lay, propriétaire de l’hôtel Inay Sakato. « Nous espérons que la priorité donnée au secteur touristique dynamisera celui-ci et soutiendra la population locale. » Le père Angelo Salsinha, organisateur du voyage à Oecusse, confie que l’Église a identifié une douzaine de destinations religieuses, et souhaite préserver ainsi la culture et l’histoire locales, tout en soutenant l’économie. « Beaucoup de touristes australiens, portugais, indiens, japonais, coréens et indonésiens ont fait part de leur vif désir de découvrir le Timor oriental », assure le prêtre, qui ajoute que les pèlerinages à Oecusse seront ouverts officiellement aux groupes internationaux en août, sous la forme de deux formules de douze ou dix-huit jours.

« L’Église veut coopérer avec le gouvernement »

Robert Pangaribuan, directeur de Christour Timor – une filiale de la société Christour, basée à Jakarta –, explique que l’équipe est prête à coopérer avec le gouvernement et les paroisses locales, afin d’encourager les touristes étrangers à venir visiter le Timor-Leste. Les groupes seront accueillis par Christour Timor. Depuis 2013, Robert Pangaribuan a organisé les pèlerinages d’environ deux cents pèlerins, vers Jérusalem, Israël et Fatima, chaque voyage coûtant près de 3 000 dollars par personne. Il espère donc que le Timor puisse profiter du développement du tourisme. Chaque touriste étranger dépense au Timor entre 800 et 1 500 dollars, entre les hôtels, les repas et les transports. « Cela peut vraiment améliorer l’économie du pays. » Antonio de Carvalo, du village de Beneufe Citrana, où est abritée l’une des reliques, espère que le gouvernement fasse construire des routes et des installations d’assainissement de l’eau.
Pour Mgr Virgilio do Carmo da Silva, évêque du diocèse de Dili, il est temps que l’Église et le gouvernement soutiennent une forme de tourisme religieux qui soit riche non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur les plans social, économique, culturel et historique. « Les lieux saints rapprochent les gens de Dieu, mais ils ont aussi leur valeur économique et culturelle. » L’évêque a demandé aux prêtres du diocèse de Dili de travailler aux côtés des équipes qui s’occupent de ces sites, non seulement pour les maintenir en état, mais aussi pour créer une atmosphère qui aide les touristes à vivre un pèlerinage paisible.
Le père Albino Marques, curé de la paroisse Saint-Antoine d’Oecusse, confie que la paroisse a préparé des logements pour les touristes qui veulent passer du temps dans le district. « L’Église locale veut coopérer avec le gouvernement », assure-t-il. Le ministre Manuel Vong ajoute que le gouvernement a prévu de faire construire des logements publics corrects autour des sites, pour permettre aux touristes de pouvoir rester et se mêler aux familles timoraises. « L’objectif est de soutenir l’économie du pays. » De son côté, Inacia da Conceicao Teixeira, secrétaire régionale pour le tourisme communautaire, explique que son équipe a formé les communautés locales à l’artisanat, comme le tressage de paniers. « Nous avons également formé un groupe d’une quinzaine de jeunes au métier de guide touristique. »

(Avec Ucanews, Dili)