Eglises d'Asie

En Asie, agir ensemble contre l’esclavage moderne

Publié le 13/04/2018




Le pape François dénonçait, lors de son audience du 9 février, la traite des personnes comme « une honte et un scandale ». Aux Philippines, les femmes et les enfants des communautés pauvres, en particulier dans les régions touchées par les catastrophes naturelles, sont particulièrement vulnérables à l’esclave moderne… Commentaire du père irlandais Shay Cullen, fondateur en 1974 de la Preda Foundation à Olongago, aux Philippines.

S’attaquer à la traite des personnes est, pour l’Église catholique, l’une des priorités de ces dernières années. En septembre 2017, une délégation du Vatican a rencontré divers groupes dont des autorités policières, originaires de plusieurs régions dans le monde, afin d’écouter leurs expériences contre ce fléau. Une telle coopération est absolument nécessaire afin de trouver une réponse globale efficace et des actions locales adaptées pour secourir les victimes et contrer les criminels. La traite des personnes est une pratique courante aussi bien dans les pays développés que dans les régions les plus pauvres, y compris en Europe de l’Est, d’où viennent beaucoup des victimes de l’esclavage moderne. À juste titre, le 9 février, le pape François a dénoncé ces crimes contre l’humanité et convoqué le Groupe Sainte-Marthe, dirigé par le cardinal Vincent Nichols, afin de chercher les meilleures façons de coopérer. La traite des personnes touche aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de migrants et de réfugiés qui cherchent à fuir la violence, l’oppression et la faim. La section vaticane des migrants et des réfugiés s’est attaquée au problème l’année dernière afin de trouver un plan d’action permettant à l’Église et à la société civile de mieux faire face à la situation. La traite des personnes est un crime contre ces personnes à qui l’on fait de fausses promesses pour les manipuler, pour les faire venir d’un lieu à un autre… Elles sont traitées comme des objets, exploitées et mises en esclavage.

42 millions de victimes dans le monde

Beaucoup de gens pensent que le travail forcé ou l’esclavage font partie de l’histoire, que c’est du passé. Pourtant, les victimes de l’esclavage n’ont jamais vraiment disparu. Elles sont tout autour de nous. C’est devenu un problème souterrain. Les victimes pourraient être en train de vous servir dans un bar, de nettoyer votre chambre d’hôtel, ou encore de travailler dans les champs ou dans les usines… Nous pensons rarement aux travailleurs étrangers dans les pays développés ou à ceux qui travaillent dans des ateliers clandestins. Aujourd’hui, ceux qui dirigent ces réseaux sont responsables de l’esclavage de près de 42 millions de personnes dans le monde. Des hommes, des femmes et des enfants souffrent de conditions intolérables, forcés à travailler sans salaire. Les victimes sont trompées et piégées pour les forcer à travailler, attirées grâce à des « prêts » qu’elles ne pourront jamais rembourser. Beaucoup d’entre elles reçoivent de la drogue et deviennent endettées envers des dealers. Les menaces de violences les forcent à rester dociles, par peur. Il y a plus d’un million d’enfants en esclavage, dont une grande partie est victime de l’industrie du sexe. Cette situation est tolérée voire acceptée, et rencontre peu d’opposition, même parmi la population chrétienne. L’indifférence de la population permet à l’esclavage sexuel de prospérer. Les enfants victimes de violences ou d’abus sont forcés de s’enfuir vivre dans la rue où ils deviennent des proies faciles pour les trafiquants. Environ 70 % des personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe ont été victimes d’abus sexuels chez eux durant leur enfance.

Des centres thérapeutiques pour les victimes

Aux Philippines et dans d’autres pays du sud-est asiatique, la plupart des maisons closes reçoivent un permis du gouvernement. Aux Philippines, même si la prostitution est illégale, elle prospère avec la complicité des autorités. La première chose à faire, pour combattre la traite des personnes, est de soutenir une campagne de prévention pour aider la population des pays les plus touchés à prendre conscience du problème et du danger qu’ils courent en faisant confiance à ces réseaux. Là où ces réseaux sont les plus actifs, il faut éveiller les consciences sur ce que subissent les victimes. Il est possible de créer des équipes de secours formées par l’Église pour cela. Ces groupes devraient être épaulés par un assistant juridique pour mieux faire face aux différentes situations. Nous avons besoin de plus de professionnels dans les centres thérapeutiques qui prennent soin des victimes. Là, celles-ci peuvent trouver une protection, des soins, du confort et une assistance juridique. En outre, une équipe de police formée est absolument nécessaire pour rendre justice aux victimes. Il est temps d’agir ensemble pour mettre fin à ce mal.

Le prêtre irlandais Shay Cullen, SSC, a fondé la Preda Foundation à Olongapo, aux Philippines, en 1974 afin de défendre les Droits de l’Homme et les Droits de l’Enfant, en particulier les victimes d’abus sexuels.

(Avec Ucanews, Manille)