Eglises d'Asie

Dans les ruines de Marawi, les évêques prient pour la paix

Publié le 17/04/2018




Samedi 14 avril, des évêques philippins ont pu visiter les ruines de la cathédrale de Marawi avant la démolition de l’édifice, prévue en juin. La cathédrale et l’évêché ont été profanés et brûlés par les terroristes durant les combats de 2017, qui ont duré près de cinq mois. En attendant une nouvelle cathédrale, l’Église de Marawi se reconstruit et prie pour que la population retrouve la paix.

Le gouvernement philippin s’apprête à démolir la cathédrale de Marawi, construite il y a 84 ans, alors que commencent les travaux de reconstruction de la ville, secouée par le terrorisme en 2017. En mai, des terroristes armés ont en effet profané et brûlé l’édifice, au cours de combats qui ont duré près de cinq mois dans les rues de Marawi, considérée comme la capitale islamique des Philippines. Les autorités expliquent que les structures de la cathédrale et de l’évêché ne sont plus suffisamment solides, suite aux bombardements, aux attaques et aux coups de feu échangés durant le conflit. Le 23 mai 2017, les terroristes ont mis feu à la cathédrale et ont pris en otage le père Teresito Suganob, ainsi qu’un groupe composé de fidèles et de membres du personnel diocésain. Les terroristes ont également envahi la résidence de l’évêque et d’autres bâtiments ecclésiaux. La destruction des bâtiments et le déblaiement des décombres devraient commencer en juin.
« Nous reconstruirons la cathédrale, mais seulement une fois que les musulmans auront reconstruit leur ville et leurs mosquées », soutient Mgr Edwin dela Pena, évêque de Marawi, pour qui les catholiques doivent d’abord s’atteler à « la reconstruction de la communauté ». Mgr dela Pena ajoute que sur le site de la cathédrale sera construite une « simple église », afin de permettre une « présence » favorisant la « réconciliation ». Le 14 avril, l’évêque a conduit plusieurs évêques catholiques dans les ruines de l’édifice, mais l’armée a refusé d’autoriser qu’une messe soit célébrée, à cause du danger causé par l’état de la cathédrale. Rey Barnido, directeur général de « Duyog Marawi », affirme que la visite des évêques « était à la fois un gage de solidarité, un symbole pour la paix et une bénédiction ». « Duyog Marawi », littéralement « Un avec Marawi », est un programme de reconstruction présenté par l’évêché et par les missionnaires rédemptoristes, fondé pour soutenir les efforts de paix et de guérison après les traumatismes subis par la ville.

Les personnes déplacées s’opposent à la destruction

Un groupe d’habitants de Marawi, déplacés suite au conflit contre les terroristes, se sont opposés aux destructions. Le groupe, appelé « Ranao Multi-Stakeholders Movement », considère qu’il s’agit là d’une preuve de l’insensibilité du gouvernement envers la culture et les sentiments de l’ethnie Maranao de Marawi. Le sultan Abdul Hamidula Atar, porte-parole du groupe, confie que les musulmans se sentent offensés par les projets de destructions, dont la grande mosquée de la ville. À Pâques, les autorités ont accordé aux résidents le droit de visiter leurs maisons pour la première fois. Mais les habitants ont pris cette visite brève comme une « insulte » envers les milliers de résidents qui continuent de vivre dans des abris temporaires en dehors de la ville.
Un groupe de femmes qui se fait appeler « United Mothers of Marawi Inc. » (« Mères Unies de Marawi »), a appelé le gouvernement, le 14 avril, à autoriser la population à retourner vivre dans leurs communautés. « Beaucoup d’entre nous cherchent un lieu où s’installer. Beaucoup parmi nous ont été chassés de leurs refuges sans aucun respect pour leur dignité », accuse également le groupe qui estime que la population « souffre pour un crime qu’elle n’a pas commis et qu’elle est forcée de payer l’inefficacité des autorités ». Eduardo del Rosario, qui dirige une agence gouvernementale chargée de la reconstruction, assure que tout est entrepris pour que la population puisse retrouver sa ville. Il ajoute que les résidents pourront reconstruire sur leurs terrains et qu’une instance sera chargée de recevoir les réclamations. La ville de Marawi a été libérée des terroristes en octobre. Environ 400 000 personnes, dont beaucoup vivent toujours dans des hébergements provisoires en périphérie de la ville, ont été touchées par les combats. Plus de mille personnes auraient été tuées. Selon le gouvernement, il faudrait au moins un milliard de dollars américains pour reconstruire Marawi et ses environs.

(Avec Ucanews, Manille)