Eglises d'Asie

Le « prêtre à vélo » devient ermite

Publié le 28/04/2018




Le père Amado Picardal, connu pour son engagement contre les tueries liées à la guerre du gouvernement philippin contre la drogue, est désormais connu comme le « prêtre à vélo ». Il menait en effet campagne à vélo, en parcourant le pays en signe de protestation. Il a décidé de continuer son action autrement, en allant mener une vie d’ermite dans les montagnes du centre de l’archipel philippin. Pour le prêtre, les deux sont liés.

Un prêtre philippin rédemptoriste, connu pour sa défense des Droits de l’Homme et pour ses critiques contre le président Rodrigo Duterte, a décidé de mener une vie de solitude, en ermitage. Le père Amado Picardal, également connu comme le « prêtre à vélo » à cause de ses campagnes à vélo à travers le pays, en protestation contre les tueries liées à la guerre contre la drogue, a décidé qu’il était temps pour lui d’être silencieux. À 64 ans, le prêtre se dit déjà à une époque charnière de sa vie, et il ressent le besoin de se retrouver en solitude. « Ce n’est pas pour tout le monde, mais j’aime cela », explique-t-il avant de se rendre dans les montagnes d’une province centrale de l’archipel philippin. « Il y a toujours une période très active dans la vie de chacun, puis vient un temps pour devenir contemplatif. Les deux sont liés », assure le prêtre.
Le père Amado a décidé de passer le reste de sa vie dans le jeûne et la prière. Quand on lui demande pourquoi il a décidé ainsi de ne plus s’occuper des problèmes de la société philippine, le prêtre ajoute : « Il ne s’agit pas toujours de ce que je peux faire moi, mais de ce que Lui peut faire. » Pour lui, une vie de prière peut contribuer à transformer la société, « en particulier quand vous comprenez que vous vous battez contre des forces maléfiques ». Le prêtre pense que les Philippins devraient consacrer plus de temps à la prière silencieuse, assurant que le pays a besoin d’une « désintoxication spirituelle ». « Il y a un temps pour les manifestations publiques, mais il y a aussi un temps pour plier le genou », confie le père Amado, qui est aussi appelé « Father Pix » par ses amis.
Le prêtre, qui a également été responsable du corps des Communautés Ecclésiales de Base, qui dépend de la Conférence épiscopale philippine, explique que l’Église doit redoubler d’effort « si nous voulons renouveler notre société ». Premièrement, beaucoup de membres du clergé manquent à leurs devoirs en tant que serviteurs de l’Évangile, en particulier face au mal qui ronge notre société, estime le prêtre. « Ne vous contentez pas de célébrer la messe, soyez davantage », continue le prêtre, pour qui beaucoup de catholiques « pensent trop aux apparences ». Il estime que trop de fidèles ne font pas assez attention à leur « transformation intérieure ». « Les personnes qui participent aux processions religieuses et à la sainte messe sont parfois les mêmes qui soutiennent les tueries… C’est le problème d’un christianisme divisé. »

« Je veux vivre le sacerdoce dans toutes ses dimensions »

Le père Picardal a été ordonné prêtre le 24 avril 1981, et durant les 37 dernières années, il a vécu sa vie de prêtre à travers différentes missions, comme curé, missionnaire, enseignant et responsable de communauté. Il est aussi connu pour son engagement pour les Droits de l’Homme et pour sa défense de l’environnement, mais aussi pour ses talents de musicien, de plongeur, d’alpiniste et de blogueur, entre autres. « Je veux vivre le sacerdoce dans toutes ses dimensions », confie le prêtre, originaire de la ville d’Iligan, au sud des Philippines dans l’île de Mindanao. Né en 1954, le père Amado est l’aîné de huit enfants. Il est entré au petit séminaire à quatorze ans et a étudié la philosophie à l’université San Carlos dans l’île de Cebu. Ses années étudiantes ont été marquées par la déclaration de la Loi martiale en 1972. Comme beaucoup d’activistes de l’époque, le futur prêtre a été arrêté, emprisonné et torturé durant plusieurs mois. Il a terminé ses études en 1975 avant de vivre et de travailler avec les habitants des bidonvilles de Cebu.
Il a rejoint les Rédemptoristes en 1977 et a été ordonné quatre ans plus tard. Son travail aux côtés des communautés pauvres lui a ouvert les yeux sur les menaces de l’exploitation forestière illégale. Il a alors mené une rude campagne pour demander l’interdiction totale des abattages dans la province de Bukidnon, dans le sud de l’archipel. En 1995, il a terminé un doctorat en théologie à Rome, et durant les quinze années suivantes, le père Amado a mené une vie de « dialogue et de défenseur de la paix ». C’est en enseignant au grand séminaire de Davao, dans le sud de l’île de Mindanao, qu’il a été directement témoin des atrocités commises sous l’autorité de l’administration municipale, dont le maire était alors Rodrigo Duterte. Le prêtre a alors mené sa première campagne à vélo pour attirer l’attention sur ces tueries. Depuis, il a parcouru 12 000 kilomètres en pédalant, en marchant et en courant à travers le pays.

(Avec Ucanews, Tacloban)