Eglises d'Asie

À Marawi, le père Soganub revient sur sa captivité

Publié le 25/05/2018




Le père Teresito Soganub a été enlevé en mai 2017 par les terroristes au premier jour de l’attaque de Marawi. Un an après, il revient sur ces évènements. Le prêtre confie qu’il n’avait pas peur de mourir, mais qu’il était hanté par la peur de souffrir. Quelques mois plus tard, durant la célébration du Jeudi saint, le cardinal Luis Antonio Tagle lui lavait les pieds (photo). Lors de la commémoration de l’attaque de Marawi, le 23 mai 2018, il a témoigné de son parcours. Le prêtre poursuit une tournée à travers le pays pour défendre le dialogue interreligieux. Une façon, pour lui, de remercier tous ceux qui ont prié pour sa libération.

Un an après son enlèvement par les terroristes, le père Teresito Soganub, qui était vicaire général de la prélature de Marawi avant les conflits, revient sur les évènements. Le prêtre a reconnu que durant les quatre mois qu’il a passés entre les mains des terroristes, il a dû adhérer à l’islam et collecter pour eux des munitions. « J’étais captif », raconte le prêtre. « Je n’avais pas peur de mourir, mais j’avais peur de souffrir », confiait-il dans ce qui ressemblait à une confession, ce 23 mai, à l’occasion du premier anniversaire des attaques de Marawi. On lui avait dit qu’il ne serait pas tué, mais il ne pouvait s’empêcher de vivre dans le doute.
« Je ne savais pas ce qui allait arriver », explique-t-il, ajoutant qu’à ce moment, son seul souci était de vivre. Le père Soganub affirme qu’à certains moments, durant sa captivité, il a vécu des périodes de doutes. « J’étais en colère contre Dieu qui me mettais dans cette horrible situation. Mais je n’ai pas abandonné ma foi. En fait, elle est même devenue plus profonde », assure le prêtre. « Je priais de façon plus fervente qu’avant, alors que je faisais face à la mort. À tout moment, une bombe ou une balle pouvait toucher n’importe lequel d’entre nous. »
Durant sa captivité, le père Soganub a été forcé de participer à des cours sur la cause des terroristes. Il a fini par apprendre à connaître ses ravisseurs, qui se disaient membres de l’État islamique. Quand un des terroristes est mort, le prêtre confie qu’il s’est senti triste. « Vous ne pouvez pas vous empêcher d’être humain, même quand votre ennemi meurt. Cela dépasse cette situation d’un captif et d’un preneur d’otages. » Le 23 mai 2017, les terroristes l’ont capturé avec plusieurs autres catholiques dans la cathédrale de Marawi, durant le premier jour des attaques. Les islamistes ont capturé trente personnes travaillant pour le diocèse, et ils ont détruit et profané des icônes et autres images sacrées, avant de mettre le feu à l’édifice. Plus tard, les militaires philippins ont affirmé que les terroristes ont pris plus de deux cents personnes en otage.

En tournée pour la paix

Une semaine après sa capture, le père Soganub est apparu dans une vidéo, appelant le président Rodrigo Duterte à retirer ses troupes et à arrêter les frappes aériennes contre les terroristes. La prière était devenue son refuge dans l’épreuve. Il priait la Vierge Marie, il priait le Christ, pour que Dieu lui montre comment s’échapper. Un jour, il en a eu l’opportunité. « Personne ne m’a aidé », assure le prêtre, qui s’est échappé avec son sacristain, qui faisait également partie des captifs. Munis d’une arme à feu, en sachant que les troupes du gouvernement étaient proches, le père Soganub et le sacristain se sont enfuis au milieu de la nuit. Le prêtre a pu s’échapper, mais pas son sacristain.
La guérison physique a été la partie la plus facile de sa convalescence. « Je vais voir le médecin régulièrement », ajoute-t-il. Mais sur le plan psychologique, cela a été plus difficile. « C’est dévastateur, votre être tout entier se retrouve vidé. » Selon le père Soganub, il n’est pas encore parvenu à revenir complètement à la normale : « Je me réveille au moindre son. » Il évite les gens et prie beaucoup. « C’est difficile de reconstruire un bâtiment, alors combien plus pour reconstruire une personne ? » Le père Soganub confie qu’il est difficile d’oublier les nombreuses fois où il a entendu une bombe exploser près de lui, les moments où la mort semblait tellement réelle, les moments durant lesquels il ne ressentait même pas la peur tellement la mort semblait préférable à la souffrance. Il confie qu’il y a toujours de la colère dans son cœur, « mais je suis chrétien et je suis prêtre ». « Je crois toujours que la voie des chrétiens est la voie de l’amour, et que le pardon en fait partie. »
Ces jours-ci, le prêtre est en tournée à travers le pays pour promouvoir le dialogue interreligieux et la compréhension entre les chrétiens et les musulmans. Ces prises de parole sont une façon, pour lui, de remercier ceux qui ont prié pour lui. « Je suis très touché par tous ceux qui viennent me voir pour me dire qu’ils ont prié pour moi », témoigne le prêtre. Quand on lui demande s’il songe à retourner à Marawi, le père Soganub explique qu’il ne songe pas à retourner à son ancien ministère. Le prêtre a été au service de la prélature de Marawi durant 23 ans, dont il a été le vicaire général. Il a également été aumônier à l’université d’État de Mindanao. Le conflit de Mindanao a duré cinq mois, durant lequel le président Duterte a déclaré la loi martiale pour toute la région du sud de l’archipel, dans l’île de Mindanao. Plus tard, le Congrès a prolongé la loi mariale jusqu’au 31 décembre 2018. Le conflit a entraîné la mort de plus de mille personnes, dont une majorité de terroristes, ainsi que la fuite de près de 400 000 habitants.

(Avec Ucanewsn, Marawi)