Eglises d'Asie

Face aux changements climatiques, Caritas propose des cours de survie

Publié le 13/06/2018




Le bureau indien de Caritas propose aux habitants des villages de les former afin de mieux faire face aux risques liés aux catastrophes naturelles. La mousson frappe en effet le pays depuis avril, et a déjà provoqué la mort de 278 personnes. Le groupe d’Église s’inspire de l’encyclique Laudato Si, publiée par le pape François en mai 2015, pour inviter les Indiens à devenir plus responsables face aux changements climatiques. 

Alors que l’Inde continue d’être frappée par les catastrophes naturelles et les conditions climatiques extrêmes, Caritas s’est associée à d’autres groupes afin d’aider les villageois indiens à faire face aux changements climatiques. Depuis avril, les tempêtes de sable et les pluies frappent le nord et le sud du pays ; 278 personnes sont mortes, dont 223 durant la première quinzaine du mois de mai. Entre 2005 et 2014, les catastrophes naturelles ont ôté la vie d’environ 2 200 personnes dans le pays, et provoqué des pertes économiques estimées à environ 10 milliards de dollars, selon le gouvernement indien. Selon les experts intervenus lors d’une conférence organisée à New Delhi le 19 mai, les épisodes exceptionnels et hors-norme ont tendance à augmenter à cause du changement climatique et de l’industrialisation rapide du pays.
Le secrétaire d’État fédéral de l’Intérieur, Rajiv Gauba, confie que le gouvernement a organisé la conférence afin de souligner l’urgence de réduire au maximum les risques et les pertes face à de telles catastrophes, le gouvernement ayant invité les 29 États indiens à se préparer au pire. « Nous devons améliorer notre niveau de préparation grâce à de meilleures prévisions météorologiques, à des exercices d’intervention d’urgence et en gérant les ressources dont nous disposons au mieux », a-t-il ajouté durant la conférence. « Grâce à des efforts continus, ces dernières années, nous avons pu réduire l’impact des catastrophes naturelles, mais il y a encore de la place pour une amélioration », confie Rajiv Gauba.
Avant même que le gouvernement indien ne se penche sur le problème, le bureau indien de Caritas a commencé à travailler localement, dans les villages, pour informer la population sur ce qui peut se produire et comment gérer certains scénarios, selon le porte-parole de Caritas, Anjan bag. Les groupes d’Église ont commencé à s’impliquer sérieusement sur ces activités après la publication, par le pape François en mai 2015, de l’encyclique Laudato Si, qui soulignait l’urgence de s’engager davantage dans la protection de l’environnement. La lettre du pape note que la période postindustrielle « peut être considérée comme l’une des périodes les plus irresponsables de l’histoire », soulignant l’urgence de nouvelles voies afin de mettre fin à la surexploitation de la nature simplement pour qu’une minorité puisse profiter de certains luxes.

40 millions d’hectares exposés aux inondations

Depuis 2017, Caritas Inde travaille sur le terrain, dans les États d’Assam, de Mizoram, de Manipur, de Bihar, de l’Uttar Pradesh, du Bengale occidental, de Jammu-et-Cachemire et de Gujarat, afin de faire prendre conscience à la population de la manière dont elle peut réduire les risques quand la nature se retourne contre elle, explique Anjan Bag. Caritas aide également à soutenir les victimes des catastrophes naturelles, dont les inondations, ajoute Anjan. En 2017, Caritas Inde est intervenu auprès de 350 495 personnes, couvrant 78 382 foyers de 28 districts, dans les États touchés par les inondations. En plus de ses interventions et de ses efforts pour la réhabilitation des victimes, Caritas a commencé à proposer une formation de gestion des risques liés aux catastrophes naturelles, pour accompagner la population dans les États particulièrement concernés, notamment dans les villes et les villages qui ont été fortement touchés par les catastrophes.
Les experts du gouvernement, comme Rajiv Gauba, ont affirmé que l’Inde est confrontée aux inondations parce qu’un niveau très important de précipitations a lieu sur une période très courte. Mais Rajiv Gauba ajoute que les pertes peuvent être réduites si les villageois sont mieux préparés. L’année dernière, durant la période de mousson de juin à août 2017, les inondations et les glissements de terrain ont provoqué la mort d’environ mille personnes et en ont touché trente millions d’autres. Les États d’Assam et de Bihar ont été les plus touchés, 17 millions de personnes ayant été affectées dans 21 districts. Plus de 700 personnes ont perdu la vie dans ces deux États. Selon Jahangir Ahmad, un chercheur de l’université du Cachemire, près de 60 % du territoire indien est sujet à des tremblements de terre d’intensité variable, et plus de 40 millions d’hectares sont exposés aux inondations. « Près de 8 % du territoire indien est exposé aux cyclones, et 68 % du terrain est susceptible d’être inondé », ajoute-t-il. « Cela mérite toute notre attention, et des mesures doivent être prises pour que les gens soient préparés à ce genre d’évènements climatiques. Des vies précieuses ont été perdues dans le passé, parce que personne n’était prêt à temps. »
Birju Ram se souvient bien des crues du 18 août 2017 qui ont emporté sa maison, dans le district de Purnia, dans le nord de l’État de Bihar. En plus de sa maison, il a également perdu son bétail et tous ses biens. « C’était une période difficile. Tout est arrivé d’un seul coup, et les inondations, particulièrement destructrices, ont laissé un véritable chaos derrière elles. » Ce travailleur précaire et père de trois enfants doit également prendre soin de sa mère malade. Il confie qu’avant l’intervention de Caritas, il ne savait plus quoi faire. Le groupe a également organisé des examens médicaux réguliers, et les a « formés sur ce qu’il faut faire ou non durant une catastrophe naturelle », explique Birju. Ce dernier a participé à huit sessions de formation. « Ils m’ont aidé à comprendre ce que je devais faire dans le cas où les évènements de 2017 se répéteraient. »

Les risques de l’industrialisation accélérée

Ali Mohammad Sofi a participé à des cours similaires dans l’État de Jammu et Cachemire qui a subi, en 2014, d’importantes inondations qui ont tué au moins 270 personnes et touché près de 2 500 villages. Ali confie qu’il participe à ces formations depuis plus d’un an, et qu’il a été « formé afin de protéger des vies en cas d’inondations ou de tremblements de terre ». « Ils nous ont dit de vérifier que nous disposons toujours d’un approvisionnement suffisant en eau, en médicaments et en éclairages de secours, et qu’il ne fallait pas paniquer », ajoute-t-il. « Des sessions de formation sont organisées sans cesse dans les villages » qui ont subi de lourdes pertes en 2014, explique Ali.
Parmi les causes principales de la hausse récente du nombre et de la gravité des catastrophes naturelles, ont compte notamment l’urbanisation accélérée. Les données du gouvernement sur le recensement de 2011 indiquent que 31 % de la population indienne vit aujourd’hui en ville, ce qui amène les régions urbaines à se développer, tandis que la population rurale diminue peu à peu. « Cela a entraîné la conversion de beaucoup de terres cultivables en chantiers de construction. Des rivières et des cours d’eau ont été détournés et des forêts détruites », affirme Sunil Dhar, un environnementaliste basé à New Delhi. « Des villages se transforment rapidement en villes ou même en métropoles, ce qui expose davantage la population aux risques liés aux catastrophes naturelles », ajoute Sunil. Un mauvais aménagement du territoire, la multiplication des chantiers de construction – souvent illégaux – et l’absence de toute évaluation des risques dans l’aménagement urbain, entraînent une bétonisation massive qui multiplie les risques, estime Alison Saldanha, principale associée du Centre Janaagraha pour la citoyenneté et la démocratie.

(Avec Ucanews, New Delhi)