Eglises d'Asie – Vietnam
Cybersécurité : le gouvernement vietnamien vote une loi controversée
Publié le 15/06/2018
Mardi 12 juin, l’assemblée nationale vietnamienne a voté une nouvelle loi sur la cybersécurité, devant réguler « toutes les activités qui protègent la sécurité nationale et qui assurent l’ordre et la sécurité publique sur le web », ainsi que la responsabilité des agences, organisations et individus concernés. L’article 43 de la nouvelle loi exige que tous les fournisseurs d’accès à Internet créent des bureaux ou centres de données au Vietnam, où les informations importantes sur les internautes doivent être stockées. Il sera demandé aux fournisseurs d’accès, y compris Facebook et Youtube, de supprimer tout contenu « dirigé contre l’État, offensif, calomnieux ou provoquant » de leurs plateformes, dans les 24 heures après réception d’une requête de la police ou des autorités.
La loi, qui prendra effet le 1er janvier 2019, donnera le droit au ministère de la Sécurité publique d’inspecter les données de toute entreprise ou organisation en cas de menace envers la sécurité nationale ou l’ordre public. La loi interdit également aux internautes de « déformer l’histoire » ou de « contester les avancées révolutionnaires ». Il leur est également interdit de rassembler les gens pour des objectifs anti-gouvernementaux, de diviser le « bloc national », de répandre de fausses informations ou de provoquer toute offense religieuse. Selon un expert informaticien de Saïgon (Ho-Chi-Minh Ville), cette loi est un moyen juridique, pour le gouvernement, de surveiller de près la population. « La loi a pour objectif de défendre le régime communiste en empiétant sur la vie privée, quitte à menacer, isoler et museler les citoyens », ajoute-t-il.
64 millions d’internautes vietnamiens
Pour lui, tenter d’empêcher les gens de critiquer le Parti communiste et l’État n’assure pas la cybersécurité. Cela met plutôt en péril la sécurité en ligne et cela risque de faire obstacle au développement économique. En 2017, les attaques informatiques contre les internautes vietnamiens ont coûté 540 millions de dollars, selon Bkav Corporation, une agence de sécurité basée au Vietnam. Le Vietnam, avec ses 94 millions d’habitants, comptait 64 millions d’internautes en 2017, ce qui en fait le 6e pays asiatique en termes de nombre d’internautes, selon VTV.vn. L’expert explique que la loi va à l’encontre de la liberté d’expression et de la démocratie, et crée le risque d’empêcher l’accès au savoir, tout en décourageant les entreprises étrangères de venir investir au Vietnam.
Des groupes informatiques, des organisations de défense des Droits de l’Homme et des dizaines de milliers de personnes ont fait pression contre le gouvernement pour que celui-ci abandonne la loi controversée. Le club Le Hieu Dang, qui regroupe d’anciens membres du Parti Communiste et qui défend la liberté et la démocratie, affirme que la loi porte gravement atteinte à la Constitution et aux lois internationales sur les Droits de l’Homme signées par le Vietnam. « La loi contrôle la liberté d’expression et les données des citoyens, et offre aux autorités une nouvelle arme pour réprimer toute voix dissidente », dénonce le club, qui ajoute que la loi a été mise en forme dans ce but par le ministère de la Sécurité publique.
Pham Doan Trang, une utilisatrice populaire de Facebook qui compte environ 47 000 « amis », ne se dit pas déçue par la loi. « Techniquement, les internautes peuvent trouver différentes façons de se protéger contre les mauvaises lois du gouvernement, et pour continuer d’utiliser Internet pour jouir de leur liberté d’expression et de l’accès à l’information », ajoute-t-elle. Trang, qui est surveillée étroitement et interrogée régulièrement par la police, assure que le gouvernement n’a pas assez de personnel ni de moyens pour détenir et poursuivre autant d’opposants. « Je continuerai de critiquer publiquement le parti au pouvoir, ceux qui défendent la nouvelle loi et s’attaquent à la population », a confié Trang sur Internet. « Si je deviens la première personne emprisonnée à cause de cette loi, j’en serai heureuse. » Beaucoup d’internautes vietnamiens ont appelé la population à descendre dans la rue afin de s’opposer à la loi. Amnesty International a envoyé une lettre aux cadres dirigeants d’Apple, Facebook, Google et Microsoft ainsi qu’au président de Samsung, afin de souligner son inquiétude à propos de la loi et de demander aux entreprises de faire pression sur le gouvernement vietnamien.
(Avec Ucanews, Saïgon)