Eglises d'Asie – Philippines
Le prêtre est un artisan de paix, pas un justicier, dénoncent les évêques
Publié le 20/06/2018
Plusieurs évêques philippins ont fait part de leur consternation et de leur colère suite à des signalements annonçant que des prêtres catholiques s’étaient armés suite à l’assassinat de plusieurs membres du clergé ces derniers mois. Mgr Pablo Virgilio David, évêque de Calookan près de Manille, confie sa « profonde déception », ajoutant que les prêtres qui veulent porter une arme à feu afin de se protéger devraient quitter le sacerdoce et rejoindre la police ou l’armée. « Ce n’est pas la peine de s’attarder sur la moralité de leur décision. C’est pour le moins un contre-témoignage », martèle l’évêque, suite à des rapports affirmant que plusieurs prêtres de la province de Laguna, dans le sud de l’archipel, s’étaient procuré des armes à feu en secret, suite à l’assassinat de trois prêtres et à l’attaque contre un autre prêtre, en seulement six mois.
Toutefois, Mgr David se dit que ces informations, publiés par les quotidiens nationaux le 17 juin, pourraient être des « fausses nouvelles », destinées à provoquer des réactions négatives à l’encontre des prêtres. « Cela ne fait que remuer le couteau dans la plaie, après la peine causée par les meurtres sauvages contre nos frères prêtres », déplore l’évêque, également vice-président de la conférence épiscopale philippine. Mgr David ajoute que selon lui, si c’est vrai, les prêtres qui ont décidé de porter des armes à feu ont « vraiment besoin d’aide ».
Mgr Romula Valles, évêque de Davao et président de la conférence épiscopale philippine, avait déjà rejeté, un peu plus tôt, toute idée d’armer les prêtres. « Nous sommes des hommes de Dieu, des hommes de l’Église, et cela fait partie de notre ministère de faire face au danger, et même de faire face à la mort s’il le faut », a-t-il déclaré. Le père Jérôme Secillano, secrétaire général du comité des affaires publiques pour la conférence épiscopale, explique que la position de l’Église est très claire, mais il tient à ajouter que les prêtres qui songent à porter une arme à feu doivent d’abord demander la permission de leur évêque.
« Ils dépendent de leur diocèse qui, sur le plan juridique, est un territoire indépendant dirigé par l’évêque. Celui-ci est responsable, juridiquement, des prêtres dont il a la charge », poursuite le père Secillano. Pour lui, c’est « inapproprié et inconvenant » de porter une arme pour un prêtre, qui est « chargé de prêcher la Parole de Dieu, pas de jouer les justiciers adeptes de la gâchette ». « Les prêtres sont des artisans de paix, pas des complices de la violence », soutient le père Secillano.
Apprenez les arts martiaux
Un autre évêque a lui aussi réagit, en suggérant qu’au lieu de s’armer, les prêtres pourraient apprendre des arts martiaux comme le karaté, afin d’apprendre à se défendre. « Vous devez aussi apprendre à vous défendre », estime Mgr Rolando Rirona, archevêque de Caceres, précisant que le fait d’apprendre de telles techniques ne serait qu’une mesure préventive. « Les prêtres ne peuvent pas prétendre ressembler à Superman ou Spiderman, prêts à intervenir au moindre danger », plaisante l’évêque. Le père Edwin Gariguez, secrétaire de la conférence épiscopale pour l’action sociale, estime qu’un prêtre doit être prudent, et « apprendre les arts martiaux peut être un moyen de se protéger ». Mais en revanche, pour lui, armer les prêtres est « contraire au sens même du sacerdoce, qui consiste en une vie donnée par amour ». Selon lui, les prêtres « s’engagent à construire la paix de façon non violente ». « Un prêtre doit être prêt à mourir en martyr, afin de défendre les droits des pauvres, afin de défendre ce qui est juste et vrai. L’autodéfense ne peut justifier de contre-attaquer », ajoute le père Gariguez.
Le chef de la police nationale philippine, Oscar Albayalde, avait déclaré la semaine dernière qu’il était prêt à aider les prêtres à s’équiper d’armes à feu en toute légalité, s’ils le demandaient. Il a ajouté que les prêtres pouvaient s’armer pour se défendre, tant qu’ils possédaient des armes et des permis en règle, et qu’ils apprenaient à s’en servir correctement. « Ils se sentiront plus en sécurité, s’ils portent des armes », a-t-il poursuivi. « Nous les aiderons à aller jusqu’au bout du processus d’acquisition de licence », a même ajouté le chef de la police, assurant le public qu’il n’y avait pas de raison de s’alarmer à propos des attaques contre les prêtres.
(Avec Ucanews, Manille)