Eglises d'Asie

Nusa-Tenggara oriental : à l’approche des élections, les appels se multiplient contre la traite des personnes

Publié le 21/06/2018




Mercredi 27 juin, près de 160 millions d’électeurs indonésiens s’apprêtent à se rendre aux urnes à l’occasion des élections régionales, afin d’élire 17 gouverneurs, 39 maires et 115 chefs de districts. Alors que la campagne électorale se poursuit dans la province majoritairement chrétienne du Nusa-Tenggara oriental, les électeurs multiplient les appels à mettre fin à la traite des personnes, particulièrement répandue dans la région. 

Alors que la population du Nusa-Tenggara oriental, majoritairement chrétienne, se prépare aux élections régionales, les appels se multiplient pour mettre fin à la traite des personnes, particulièrement courante dans la région. Les électeurs de cette province du sud de l’archipel se rendront aux urnes le 27 juin, afin de choisir un nouveau gouverneur parmi quatre candidats. Près de 3,19 millions d’habitants de la province doivent se rendre dans les bureaux de vote. Le même jour, 16 autres provinces ainsi que 39 municipalités et 115 districts éliront de nouveaux gouverneurs, maires et chefs de districts. Ambrosius Ku fait partie des électeurs qui espèrent un changement. Sa cousine Adelina Jemira Sau, originaire du sud du district du Timor central, est morte l’année dernière en Malaisie à l’âge de 21 ans, sous les coups de ses employeurs.
« Nous voulons un nouveau gouverneur qui viendra voir la situation réelle dans les régions reculées. Nous vivons loin de la ville, et nous manquons d’informations sur les documents officiels nécessaires pour qu’une personne parte travailler à l’étranger », confie Ambrosius. « Nous avons besoin d’être mieux informés sur les processus de recrutement. Nous espérons qu’il n’y aura pas d’autres victimes de la traite des personnes comme Adelina. Nous voulons un nouveau gouverneur capable de s’occuper de ce genre d’affaires », ajoute-t-il.
Selon l’agence de protection et de surveillance de Kupang, la capitale de la province, Adelina fait partie des 34 travailleurs originaires de la province qui sont morts à l’étranger cette année, pour la plupart suite à de mauvais traitements. L’année dernière, l’ONG Migrant Care, basée à Jakarta, a enregistré la mort de 62 migrants en raison de maladie ou d’accidents. Seul un dossier était correctement complété ; tous les autres travaillaient illégalement en Malaisie. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OFM), le Nusa-Tenggara oriental compte le nombre de cas de trafic des personnes le plus élevé en Indonésie. L’OFM a enregistré au moins 7 200 travailleurs concernés dans la province, dont 82 % de femmes. « Un tel niveau est inquiétant. C’est un problème complexe », s’alarme Doni Parera, 40 ans et originaire du district du Manggarai oriental. « Le nouveau gouverneur doit se concentrer très attentivement sur ce problème », ajoute-t-il.

Les racines du problème

Wahyu Susilo, directeur général de l’ONG Migrant Care, évoque un ensemble de raisons sociales, économiques et politiques derrière le problème de la traite des personnes dans cette province du sud indonésien où 20 % des 4,9 millions d’habitants, dont une majorité de catholiques, vivent sous le niveau de pauvreté. « La pauvreté est certainement la raison principale, mais la corruption et la mauvaise gestion de l’administration locale a empiré les choses », explique-t-il. Selon un rapport publié par Indonesia Corruption Watch cette année, les cas de pots-de-vin au sein des gouvernements régionaux impliquent en général le détournement des budgets locaux ou provinciaux, l’obtention illégale de permis de construction ou encore des soudoiements pour obtenir une promotion… L’un des candidats au poste de gouverneur, Marianus Sae, catholique et chef du district de Ngada, a été arrêté en février. Il a été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin, depuis 2012, de la part d’un entrepreneur pour des projets immobiliers. Il a ensuite été accusé d’utiliser cet argent pour financer sa campagne électorale.
L’ONG Migrant Care, qui planche sur la traite des personnes dans la région depuis cinq ans, cherche à renverser la tendance à la hausse du nombre d’affaires dans la province, en coopération avec les chefs de villages, les groupes civils et les organisations religieuses. L’un des programmes lancés avec succès, appelé Village Caring for Migrant Workers, cherche à protéger les travailleuses originaires des villages les plus reculés. Elles sont en effet considérées comme particulièrement vulnérables aux recruteurs peu scrupuleux. « Malheureusement, le gouvernement local semble ignorer ce qu’il se passe. Ils ne voient pas la traite des personnes comme une priorité. Ils élèvent la voix seulement quand il y a plus de victimes et qu’apparaissent des titres de journaux embarrassants », regrette Wahyu Susilo.

Changements législatifs

Les groupes de défense des Droits de l’Homme espèrent qu’une nouvelle loi, approuvée en 2017 afin de mieux protéger les travailleurs migrants, saura rappeler au nouveau gouverneur qu’il faut agir et que des sanctions sévères doivent être prises. « Le nouveau gouverneur doit jouer un rôle actif dans la protection des travailleurs », soutient Martinus Gabril Goa Sola, un activiste. « Tous ceux qui veulent travailler à l’étranger doivent être inscrits, afin d’éviter qu’ils ne deviennent victimes de la traite des personnes », ajoute Martinus, directeur du groupe Advocacy Service for Justice and Peace. La nouvelle loi, qui oblige les personnes cherchant à travailler à l’étranger à s’enregistrer auprès d’agences de recrutement officielles, devrait permettre de réduire le fléau dans la province. Pour Yuli Adiratna, du ministère du Travail, cela se fera « au moins d’ici dix ans ». « Cela ne pourra pas se produire rapidement. Le problème le plus difficile est celui de la culture locale. Dans le district de Lembata, par exemple, leur culture encourage les gens à partir travailler à l’étranger », ajoute-t-il. Le ministère a également lancé un programme appelé « Productive Migrant Village » l’année dernière, afin de soutenir la sécurité des migrants, la sensibilisation des communautés locales et le développement économique de la province. « Mais nous avons encore besoin d’améliorer ce programme », précise-t-il.

Un candidat catholique promet le changement

Face à tant de demandes de la part du public, qui souhaite mettre fin définitivement à la traite des personnes, Benny Kabur Harman, un candidat catholique de 56 ans au poste de gouverneur, s’est engagé à bannir ces pratiques. Il a d’ailleurs annoncé plusieurs programmes afin de changer la situation. Il propose ainsi de fournir à chaque village une base de données sur les travailleurs migrants, d’offrir une formation professionnelle diplomante aux personnes au chômage, et enfin d’aider les demandeurs d’emploi à trouver un travail. « Avec un de ces diplômes, ils peuvent partir travailler à l’étranger », précise-t-il. « C’est leur droit. » Une équipe spéciale sera également formée afin de tenter d’éradiquer la pauvreté et d’en finir avec le trafic des personnes dans la province. « La traite des personnes est un crime contre l’humanité », a dénoncé le candidat.

(Avec Ucanews, Manggarai)