Eglises d'Asie – Inde
Les évêques protestent contre la discrimination des indigènes chrétiens au Jharkhand
Publié le 29/06/2018
La conférence épiscopale indienne affirme que l’État de Jharkhand cherche à écarter les communautés indigènes qui se convertissent au christianisme. Le 21 juin, les juristes de l’État ont déposé un avis auprès du gouvernement local déclarant que les peuples indigènes qui se convertissent au christianisme perdent leur statut. Celui-ci leur permet en effet de bénéficier des aides accordées par la Constitution indienne pour l’avancement social des populations indigènes. Les populations adeptes des religions traditionnelles se voient ainsi accorder des avantages tels que des emplois réservés, des places assurées au sein des établissements scolaires ou encore une aide financière à l’éducation. Selon le conseil des experts auprès du gouvernement local, leur conversion au christianisme les rend inéligibles à ces aides.
Pour les évêques, cette décision du gouvernement local, dirigé par le parti pro hindou Bharatiya Janata Party (BJP), viole les principes mêmes d’égalité et de liberté religieuse. « La constitution a permis ces aides aux populations indigènes pour soutenir la situation socio-économique de ces communautés défavorisées. Leur foi n’a jamais été un critère pour les obtenir », assure Mgr Vincent Barwa, évêque de Simdega et président du bureau de la conférence épiscopale indienne pour les populations indigènes. La religion va devenir un objet de discrimination contre les communautés marginales et défavorisées, dénonce l’évêque. La décision de l’État de Jharkhand constitue également un message clair, affirmant que les gens ne devraient pas changer de religion pour le christianisme, à moins que ce soit pour l’hindouisme, s’ils veulent pouvoir continuer à bénéficier des aides de l’État.
Diviser pour mieux régner
L’objectif inavoué de la démarche est de viser les chrétiens, parce que le gouvernement local considère ceux-ci comme la principale menace à affronter. Beaucoup de chrétiens reçoivent en effet une éducation solide, et ils commencent à remettre en cause les politiques et les programmes, ajoute l’évêque, originaire de la communauté oraon. Depuis 2014 et l’arrivée au pouvoir du BJP au Jharkhand, l’État a subi plusieurs actes antichrétiens, et notamment l’interdiction, par des hindous extrémistes, des prières chrétiennes et de l’entrée des pasteurs dans les villages. Beaucoup de Dalits (intouchables) et de chefs indigènes affirment que leurs communautés reçoivent des menaces de violences afin de les dissuader de devenir chrétiens.
Gladson Dungdung, un activiste indigène, confie que le gouvernement local applique la stratégie du « diviser pour mieux régner ». Le père Vincent Ekka, qui dirige le département des études indigènes à l’Institut social indien (Indian Social Institute) de New Delhi, trouve « particulièrement surprenant » que le gouvernement de l’État ne soit pas prêt à appliquer la constitution. Le prêtre jésuite oraon ajoute que les autorités locales défient la Constitution et la Cour suprême, qui affirment clairement que les emplois réservés et les autres avantages sociaux ne doivent pas être décidés en fonction de la religion. Ces aides sont destinées aux communautés défavorisées et ne sont pas données au nom d’une religion, ajoute-t-il.
Dans l’État de Jharkhand, les populations indigènes représentent environ neuf millions d’habitants. L’État compte 1,5 million de chrétiens, dont une moitié de catholiques. Les populations indigènes dans les villages vivent toujours dans la pauvreté. De plus, les jeunes de ces communautés font face à un réseau de traite des personnes qui gagne du terrain ainsi qu’aux violences d’extrême gauche. En 2000, l’État de Jharkhand a été séparé de l’État de Bihar, dans le nord-est du pays, soi-disant pour accélérer l’intégration des communautés indigènes.
(Avec Ucanews, New Delhi)