Eglises d'Asie

À Marawi, la ville se reconstruit et les victimes se relèvent

Publié le 06/07/2018




Près d’un an après le début des conflits de Marawi, dans l’île de Mindanao, les terroristes attaquaient la ville dans le sud de l’archipel. Les cinq mois de conflits ont provoqué des milliers de morts et ont chassé plusieurs centaines de milliers de résidents de leurs foyers. Sans abris, ils ont trouvé refuge dans les villes alentour. Selon la Croix Rouge, 230 000 personnes vivent toujours dans des abris temporaires. Pour Mgr dela Pena, archevêque de Marawi, se reconstruire risque de prendre plus de temps que la reconstruction de la ville.

Il y a tout juste un an, des hommes armés se sont attaqués à la ville de Marawi, dans le sud des Philippines, prenant les Philippins par surprise. Selon Rommel Banlaoi, expert en sécurité, l’objectif de l’assaut était de prendre le contrôle de la ville afin d’établir un État islamique dans le sud des Philippines. Le président Rodrigo Duterte a déclaré que c’est l’argent provenant des drogues illégales qui a financé l’action des terroristes dans l’île de Mindanao. Dans son rapport au Congrès pour justifier la loi martiale, déclarée dans le sud du pays, Duterte a affirmé que « des groupes terroristes étrangers, en particulier l’EI, ainsi que l’argent de la drogue, ont apporté un soutien logistique et financier » aux terroristes. Les combats, qui ont duré cinq mois, ont provoqué la mort de plusieurs milliers de personnes et ont laissé plusieurs centaines de milliers d’autres sans logis. Ces derniers se sont regroupés dans des centres de secours et dans des abris temporaires dans les villes alentour. Les ONG ont envoyé de l’aide alimentaire, entre autres, aux réfugiés. La plupart des résidents de Marawi étaient commerçants, mais leur soudaine évacuation forcée les a obligés à quitter leurs biens, y compris des économies conservées chez eux, dans des coffres. Ils pensaient que les combats ne dureraient que quelques jours, mais ils se trompaient.
L’imam Ebra Moxsir, également commissaire de police, explique que les terroristes ont saccagé les maisons et pillé les coffres. Le responsable religieux a occupé le poste de chef de la police de Marawi en juillet 2017, plus d’un mois après le début du conflit. Aujourd’hui, les autorités locales veulent reconstruire Marawi, et les résidents touchés par le drame demandent de pouvoir retourner chez eux et reconstruire leur communauté. Le comité international de la Croix Rouge estime qu’environ 230 000 personnes déplacées vivent encore dans des abris provisoires. Parshal Porchet, responsable de la délégation de la Croix Rouge aux Philippines, plaide pour que les efforts pour réhabiliter la ville et ses habitants « s’accélèrent », afin de réduire la souffrance des déplacés.

Un programme officiel de 10 milliards de pesos

Parshal Porchet assure que des efforts sont réalisés, « mais cela doit correspondre aux besoins grandissants de ceux qui sont confrontés à ces déplacements prolongés et qui sont proches du désespoir ». Les réponses internationales et multisectorielles sont déjà passées d’une phase d’urgence à une phase de reconstruction, et les dons alimentaires ont chuté en conséquence, alors que le manque d’emplois demeure aussi dramatique. La plus grande partie des familles déplacées doit donc toujours se reposer sur le soutien de leurs proches et de leurs amis, et ceux qui vivent dans les centres de secours continuent de souffrir des conditions misérables des camps de fortune, où les risques sanitaires continuent d’augmenter. Plus d’un évacué était prêt à abandonner, mais tous tiennent bon, par souci pour leurs enfants.
Le gouvernement a déclaré qu’environ 65 000 personnes, qui habitaient dans la principale zone de conflits, ne pourront pas retourner chez eux avant deux ou trois ans. Un site a été construit afin d’offrir à ces derniers un abri temporaire, qui peut héberger jusqu’à 6 000 personnes. Parshal Porchet ajoute que la Croix Rouge reste engagée auprès des victimes, mais il précise que c’est le rôle du gouvernement de venir en aide à la population touchée par le conflit de Marawi. Le ministère du logement a déclaré que le gouvernement a accordé environ 10 milliards de pesos (183 millions de dollars) au programme de réhabilitation et de reconstruction de Marawi. Le président a également donné 5 milliards de pesos supplémentaires à un programme non gouvernemental. Samira Gutoc Tomawis, activiste et juriste, estime toutefois que la reconstruction ne se résume pas aux bâtiments. « Chaque morceau de verre brisé est une émotion et une mémoire qui a besoin d’être ramassée avec beaucoup d’amour », confie-t-elle. La guérison spirituelle est indispensable pour ramener la ville à la normale, et tout aussi importante que la reconstruction des infrastructures. Il est nécessaire d’accorder une aide appropriée non seulement pour la reconstruction de leurs maisons, mais aussi sur le plan psychologique. Mgr Edwin dela Pena, évêque de Marawi, le confirme : « Il est peut-être plus facile de reconstruire une maison que de se reconstruire soi-même. »

Melo Acuna travaille comme journaliste radio depuis trente ans. Son travail l’a amené à côtoyer de nombreux groupes d’Église de divers diocèses philippins, comme reporter puis comme directeur local de la radio catholique Veritas 846.