Catherine, âgée de 13 ans, a du mal à manger depuis qu’elle a été renversée en mai par une moto à Hué, dans le centre du Vietnam, alors qu’elle servait du café à des clients dans le cadre de son travail à temps partiel. Elle a perdu quatre dents et a passé un mois à l’hôpital afin de guérir de ses blessures, avant de pouvoir retourner vivre avec ses parents et ses frères et sœurs, dans une petite maison louée de 36 mètres carrés, dans le district de Phu Vang. « Cela me rend triste quand j’y repense », confie l’adolescente, vêtue modestement. Catherine, dont le nom vietnamien est Huynh Thi Anh Quyen, est actuellement en sixième. Les premiers soins médicaux ont coûté 7 millions de dongs (305 dollars), soit un montant dix fois supérieur à ce qu’elle gagnait avant l’accident en travaillant pour un café. Catherine explique qu’elle a utilisé les économies de sa famille pour pouvoir payer le reste – de l’argent qui avait été mis de côté pour pouvoir payer ses frais de scolarité et acheter un nouvel uniforme avant la rentrée en septembre.
Quand on lui demande comment elle va pouvoir payer les 20 millions de dongs nécessaire pour remplacer ses dents, elle explique que des religieuses de la congrégation missionnaire des Sœurs de Saint-Paul de Chartres (SPC) ont parlé à un dentiste local pour pouvoir obtenir des implants dentaires. La communauté affirme que les enfants pauvres ou orphelins ne sont pas suffisamment protégés au Vietnam, où beaucoup font les poubelles pour survivre, ou bien risquent leur vie en recherchant des mines non explosées dans le but de les revendre. La province de Hué a lancé un projet le 25 juin, afin de lutter contre la progression du travail des enfants dans le pays, et pour les empêcher d’être exploités si jeunes. Le projet, parrainé par Blue Dragon, une fondation de défense des droits des enfants basée en Australie, cherche à réunir les travailleurs mineurs avec leurs familles, et à les réinsérer dans la société d’une façon plus saine.
Sœur Marie Vu Thi Ngoc, qui travaille pour une œuvre de charité dirigée par les Sœurs de Marie Immaculée de Hué, confie que l’œuvre recherche des dons et construit entre trois et cinq maisons par an pour les familles démunies, afin d’empêcher les enfants de quitter l’école et d’aider leurs familles à payer les factures. Nguyen Van Hieu, également âgé de 13 ans, ramasse des ordures dans des décharges publiques. Ses parents sont morts et il travaille afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa grand-mère. Auparavant, il travaillait illégalement sur un chantier de construction, mais après avoir souffert de plusieurs blessures à la jambe gauche et au bras droit l’année dernière suite à des chutes de pierres, il n’a pas pu y retourner. « Maintenant, je peux seulement avancer lentement, j’ai du mal à marcher », ajoute-t-il. « Je ne sais pas ce que je vais faire plus tard ou à quoi ressemblera ma vie. »
250 enfants de la province quittent l’école chaque année
D’autres enfants risquent de perdre la vie à la recherche d’obus à moitié enfouis dans la jungle, un héritage de la guerre du Vietnam (1955-1975). James Nguyen Dinh Hanh, de la paroisse Son Thuy du district de A Luoi, à Hué, explique que des groupes d’enfants du quartier prennent ce risque l’été afin de pouvoir survivre. Hanh, 75 ans, a vu un jour un enfant se faire tuer par un éclat d’obus après l’explosion d’une de ces bombes, en août 2017. Près de trente enfants du district sont morts dans des conditions similaires depuis 2008. En moyenne, dans la province, 220 enfants par an sont blessés dans le cadre de travaux que peu d’adultes accepteraient, et entre 20 et 30 enfants sont tués par an.
Et ceci pourrait n’être qu’une partie du total des victimes, car beaucoup de cas restent non déclarés, selon une source anonyme. Cette dernière ajoute que beaucoup d’orphelins imitent leurs proches en acceptant des travaux manuels dans les grandes villes ou au Laos, ce qui les expose aux risques professionnels, à l’exploitation et aux risques sanitaires liés aux pics de pollution. Près de 250 enfants quittent l’école chaque année dans la province afin de soutenir leurs familles, ajoute-t-elle. Sœur Ngoc explique que les religieuses offrent aux enfants des fauteuils roulants, des formations professionnelles et une assurance maladie, ainsi qu’une assistance alimentaire.
Paul Truong Tien, de la cathédrale Phu Cam de Hué, confie que des paroissiens donnent également du riz, ainsi que des bourses d’études ou une participation aux frais de scolarité pour les familles démunies et pour les orphelins. Il ajoute que d’autres paroisses de la région récoltent également de l’argent dans les brocantes et apportent de la nourriture à ceux qui ont souffert d’accidents de travail ou de la route. L’Église propose également des cours et des activités en plein air durant l’été. Catherine explique que sa famille reçoit chaque mois de religieuses dix kilogrammes de riz et des nouilles instantanées. Depuis l’école primaire, elle a également reçu des bourses parrainées par l’Église, ainsi qu’un nouveau vélo donné par des Rédemptoristes en avril, afin qu’elle puisse se rendre plus facilement à l’école.
(Avec Ucanews, Hué)