Eglises d'Asie

Les pèlerins d’Amarnath tiennent bon face aux militants du Cachemire

Publié le 13/07/2018




Une grande partie de la population du Cachemire, à grande majorité musulmane, accueille volontiers le flux des pèlerins hindouistes et condamne les violences. La saison du pèlerinage à la grotte d’Amarnath, qui dure deux mois, a en effet commencé le 28 juin. L’État de Jammu et Cachemire, dans le nord du pays où se trouve le pèlerinage, est toujours en proie aux violences face au mouvement islamique indépendantiste. Le pèlerinage, qui a débuté vers la fin du XVIIe siècle et qui ne représentait que quelques centaines de pèlerins en 1947, avait atteint près de 634 000 pèlerins en 2 011.

Arindham Banergee a décidé, il y a six mois, d’entreprendre le pèlerinage hindouiste historique d’Amarnath en marchant à travers l’Himalaya, au Jammu et Cachemire, le seul État indien à majorité musulmane. Les membres de sa famille, apeurés, ont tenté vainement de persuader cet ingénieur informaticien de 42 ans, originaire de Calcutta, de renoncer à son voyage. Arindham fera partie des près de 150 000 Indiens hindous à entreprendre, cette année, ce dangereux trek de cinq jours vers d’Amarnath Yatra, pour y rendre hommage au Seigneur Shiva. La saison de pèlerinage a commencé le 28 juin. Les pèlerins se rendent chaque année à la grotte d’Amarnath, située à 3 800 mètres d’altitude, où se trouve une stalagmite de glace de près de trois mètres de haut symbolisant Shiva.
Le pèlerinage est accompagné par l’armée indienne et par le gouvernement de l’État à cause de la route de montagne particulièrement abrupte qu’empruntent les pèlerins, et des attaques des rebelles indépendantistes. Le 10 juillet 2017, des rebelles se sont attaqués à un bus transportant des pèlerins dans le sud du district d’Anantnag, dans le sud du Cachemire, provoquant sept morts et dix-neuf blessés. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière depuis 2 000, quand 21 personnes ont été tuées par des grenades lancées par des rebelles. À ce jour, 44 pèlerins sont morts dans plusieurs attentats.

Arindham confie que sa famille et ses amis continuent de s’inquiéter. « Ils ne voulaient pas que je parte », explique-t-il. « Mais j’étais déterminé, parce que je voulais visiter le sanctuaire au moins une fois dans ma vie. » Il ajoute qu’à son arrivée dans la vallée du Cachemire, ses propres peurs se sont évanouies car il n’a rencontré aucune hostilité. « Je vais prier pour la paix dans la région », ajoute-t-il. Ishan Tyiagi, un employé du gouvernement du nord de l’État de l’Uttar Pradesh, confie que sa famille était elle aussi contre son départ. « Le site est dangereux. En pensant aux attaques, ils étaient inquiets. Je ne peux pas parler de ce que font les rebelles ici, mais en ce qui concerne les habitants, ils sont très accueillants – je me sens vraiment en sécurité. »

634 000 pèlerins en 2 011

Mohammad Ismail Bhat, qui habite la région et guide les hindous jusqu’à la grotte, confie que le trek religieux représente pour lui une source importante de revenus, qu’il attend chaque année. « Aucune religion ne prêche la violence, et au bout du compte, nous sommes tous humains, éprouvant des émotions et capables d’aimer », soutient-il. Les pèlerins sont respectueux, selon Mohammad, qui gagne entre 500 et 1 200 roupies par jour (7-15 dollars). Sajad Ahmad Dar, un Cachemirois de 32 ans, ajoute que c’est aussi un temps festif, pour lui et pour les autres qui aident les pèlerins. « Mon père avait deux poneys, qu’il utilisait pour accompagner les pèlerins jusqu’à la grotte », explique Sajad. « Je vends du thé, et c’est la première source de revenus pour ma famille. » Sajad ajoute que les attaques ont terni l’image du Cachemire, une région connue dans le monde entier pour son hospitalité. « Le fait de tuer des innocents n’est jamais un acte justifiable », dénonce-t-il. « Ce qui s’est passé ne doit jamais recommencer. »
Les rebelles islamiques ont intensifié les violences depuis 1989, dans l’objectif de fonder un État indépendant ou de rejoindre le Pakistan voisin, majoritairement musulman. Les groupes de défense des Droits de l’Homme estiment que le conflit a déjà provoqué plus de 100 000 morts, tandis que les Indiens parlent plutôt d’un bilan de près de 47 000 morts. Parmi lesquels des civils, des rebelles et des militaires. Certains groupes, au Cachemire, critiquent le pèlerinage en considérant qu’il a des conséquences néfastes sur l’environnement. Un rapport, intitulé « Amarnath Yatra : un pèlerinage militarisé » et publié l’an dernier par plusieurs ONG locales, affirme que les nationalistes hindous ont manipulé l’évènement afin d’imposer encore plus l’hégémonie hindoue dans le pays. Le rapport ajoute que les déchets des pèlerins contaminent les sources et apportent des maladies tout en amplifiant les conséquences des inondations.
Toutes les critiques du pèlerinage ne sont pas forcément musulmanes. Swami Agnivesh, un responsable hindou et activiste social, fait le lien entre trois cents décès provoqués par les inondations de 2014 dans la région et l’impact environnemental du pèlerinage. Celui-ci a débuté vers la fin du XVIIe siècle, suite à la découverte par un berger de la curieuse formation glaciaire dans la grotte, qui fut visitée par un prêtre hindou qui l’a déclarée comme le foyer mystique de Shiva. Jusqu’à la formation de l’État indien en 1947, les pèlerins n’étaient seulement que quelques centaines, pour la plupart des ascètes et des hindous des régions avoisinantes. Mais le nombre de pèlerins a grimpé pour atteindre 634 000 en 2011, avant de baisser à nouveau. Mais la durée du pèlerinage, traditionnellement de deux ou trois semaines, s’est agrandie peu à peu pour durer finalement deux mois.

(Avec Ucanews, Srinagar)