Eglises d'Asie

Les producteurs indonésiens d’huile de palme inquiet de la chute des prix

Publié le 25/07/2018




Les producteurs d’huile de palme de l’archipel indonésien sont particulièrement inquiets face à la chute du cours de la noix de palme, qui est passé de 0,15 dollar à un centime le kilo en seulement quelques mois, suite à la baisse de la demande internationale. Le pays compte près de cinq millions de producteurs d’huile de palme, et tous sont sévèrement touchés par la situation. Le gouvernement doit justement voter un projet de loi concernant la stabilité des prix du marché de l’huile de palme.

Fransiskus Andin fait partie des quelque cinq millions de producteurs d’huile de palme en Indonésie qui ont été touchés par la chute des prix de la noix de palme ces dernières semaines sur les marchés locaux. L’agriculteur catholique de 42 ans, originaire de Suka Jaya dans le district de Sintang, dans la province du Kalimantan oriental, se retrouve confronté, avec ses amis, à une situation économique périlleuse à cause de la chute du cours moyen de la noix de palme, qui est passé de 0,15 dollar à 0,01 dollar le kilo, voire moins. Fransiskus possède une plantation d’un hectare qui produit une tonne d’huile de palme en deux semaines. Avant, il gagnait près de 130 dollars par mois, mais depuis, ses revenus ont diminué de moitié.
« Aujourd’hui, nous sommes vraiment en détresse », confie-t-il. « Ce qui empire encore les choses, c’est que la chute des prix coïncide avec le début de l’année scolaire, j’ai donc du mal à payer les frais de scolarité de mes enfants », poursuit-il. Fransiskus ajoute qu’il a dû emprunter de l’argent à des amis pour pouvoir couvrir les frais pour ses quatre enfants, qui étudient au lycée et à l’université locale. Désormais, son seul espoir repose sur le gouvernement local qui doit légiférer afin de maintenir les prix, et prendre des mesures contre ce qui est considéré par tous comme un complot. Saifulah, un producteur de 45 ans de Siak, dans la province de Riau dans l’île de Sumatra, est confronté à un problème encore plus compliqué, car il possède une part dans une plantation de palmiers à huile de trois millions d’hectares, la plus importante au monde.
Les agriculteurs détiennent 60 % de la plantation soit 1,8 million d’hectares. « Nous sommes forcés de vendre les noix de palme le plus bas possible, parce qu’elle pourrisent rapidement et nous risquons de ne pas pouvoir les vendre. » Saifulah, qui possède trois hectares dans la plantation, ajoute qu’avant, il gagnait 360 dollars par mois, mais aujourd’hui, il se dit chanceux s’il en gagne seulement la moitié. Ce qui veut dire qu’il n’a plus les moyens de payer les salaires et les frais de transport de ses ouvriers, ajoute-t-il. La situation devient tellement limite que d’autres producteurs ont déjà dû revendre leurs lots pour pouvoir se maintenir à flot. Le cours moyen de l’huile de palme brute a chuté de 5,2 % au cours des derniers mois, ruinant de nombreux producteurs locaux, explique Saifulah.

La chute des prix pourrait durer jusqu’à fin 2018

Mansuetus Darto, catholique et directeur de Palm Oil Farmers Union, un groupe qui défend les droits des producteurs, confie que les prix pourraient continuer de baisser ainsi jusqu’à fin 2018, suite à la chute de la demande mondiale. Il ajoute que c’est la première fois qu’ils sont confrontés à une telle chute des prix. Mansuetus Darto a appelé le ministère de l’Agriculture à intervenir afin de maintenir les prix, « pour aider les producteurs à survivre ». Selon lui, c’est la responsabilité du gouvernement de protéger les producteurs en distribuant 90 % d’un fonds de réserve, collecté auprès des sociétés productrices d’huile de palme afin de soutenir les projets de biocarburant.
Beaucoup de producteurs doivent vendre leurs régimes de noix de palme à des revendeurs pour des prix ridiculement bas, sous peine de voir leurs entrepôts remplis de fruits pourris, regrette Mansuetus. Il accuse la guerre commerciale sino-américaine d’être responsable de la chute des prix qui affecte aujourd’hui l’économie indonésienne. « Tout ce que nous pouvons faire est d’encourager les producteurs à ne pas perdre espoir, mais de continuer à travailler, parce que cela dépend du commerce international », propose-t-il. « Nous les appelons aussi à demander aux gouvernements locaux de respecter leurs droits en légiférant pour les protéger et stabiliser les prix. » De leur côté, les producteurs de Papouasie sont également durement touchés par la crise. Le gouvernement indonésien doit agir avant que la situation n’échappe à son contrôle, affirme le père Ansel Amo, responsable de la commission épiscopale Justice, Paix et Intégrité de la Création de l’archidiocèse de Merauke, en Papouasie. « Les producteurs locaux ont besoin d’être rassurés », confie le prêtre. L’assemblée vote actuellement un projet de loi sur l’huile de palme afin de protéger les producteurs en temps de crise. « J’espère que le gouvernement va résoudre rapidement la situation, et donner la priorité aux producteurs plutôt qu’aux grandes entreprises. »

(Avec Ucanews, Jakarta)