Eglises d'Asie

Maternité, guerre et solitude : l’anime Maquia s’attaque au mal japonais

Publié le 26/07/2018




L’écrivain Mari Okada, confinée chez elle durant des années et harcelée par ses camarades de classe, a réalisé son premier film d’animation avec Maquia, sorti au Japon le 24 février 2018. Ancienne « hikikomori » (un terme japonais désignant les adolescents enfermés dans une dépendance technologique), l’auteur veut aborder la solitude des jeunes Japonais. Son travail explore le drame de la société japonaise moderne, vieillissante et de plus en plus militariste. Mais avec une espérance : un retour de la maternité dans le pays.

Vieillissante, centrée sur elle-même et de plus en plus militariste. C’est le portrait de la société japonaise contemporaine que dresse l’écrivain Mari Okada, qui a été victime de harcèlements et de violences durant des années, y compris par sa propre mère. Avec le film d’animation Maquia, sorti au Japon en février 2018, elle a créé son premier film en tant que réalisatrice. Maquia a connu un grand succès à l’Anime Expo de Los Angeles, le plus grand salon dédié à ce genre cinématographique. Les débuts d’Okada, en revanche, indiquent son espérance pour le futur du Japon : un retour de la maternité.
L’écrivain a été interviewée par Japan Times. Des années après sa période « hikikomori » (un terme japonais pour désigner les adolescents enfermés dans une sorte de dépendance technologique), elle confie : « Je ressens encore la solitude de cette période. Aujourd’hui, je peux m’asseoir ici et parler avec vous, et peut-être que j’aurai du succès, peut-être pas. Mais je ressens encore la solitude. La seule différence est que je peux l’exprimer à travers mon travail. Cela ne doit pas être gaspillé. » Son choix de célébrer la maternité est d’autant plus courageux si l’on considère la relation personnelle de l’auteur avec sa mère : « Un jour, elle a essayé de me tuer avec un couteau. Elle a toujours désapprouvé tout ce que je faisais. Elle m’a dit : ‘Okada, tu ne vaux rien’. Elle était divorcée. »

« Ils ne sont pas seuls »

« Je n’irai pas jusqu’à dire que l’écriture m’a sauvée », explique-t-elle, « car nous pouvons tous écrire. En réalité, je crois que j’ai été sauvée par mes lecteurs et par ceux qui se sont reconnus dans mon travail. Je crois que, quelque part, nous partageons la même souffrance, liée aux difficultés de la vie. Aujourd’hui, je pense souvent aux jeunes qui se sentent seuls ou timides. Je veux qu’ils se sentent plus légers, je veux qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. » Le personnage principal de son anime, Maquia, appartient à une tribu pacifique vivant sur une île lointaine : immortels, les membres de leur communauté passent leur vie à tisser de magnifiques robes traditionnelles. Mais quand ils sont envahis par une armée d’hommes équipés de fusils et de dragons, Maquia, une orpheline, trouve un orphelin de guerre et l’adopte. Sa relation avec cet enfant changera toute sa vie.
Ce n’est pas difficile, écrit Japan Times en commentant l’interview, « de voir dans cette histoire les anxiétés du Japon contemporain. Une population qui vieillit de plus en plus vite, avec de moins en moins de mariages et peu de naissances… Et en arrière-plan, l’écho d’un sentiment militariste grandissant. » Une scène, conclut Japan Times, résume les sentiments qui animent cette œuvre : « Deux plans sont mis en parallèle, l’un affichant des hommes en train de s’entre-tuer, et l’autre montrant une femme en proie aux douleurs de l’enfantement, soutenue par une amie. Il est plutôt évident, dans la façon dont les deux scènes sont présentées, de voir laquelle est la plus héroïque. »

(Avec Asianews)