Eglises d'Asie

Le parlement indien restaure une loi pour protéger les Dalits

Publié le 10/08/2018




Le 6 août, le gouvernement indien a décidé, à l’initiative du premier ministre Narendra Modi et de son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), de restaurer une loi afin d’assurer la protection des Dalits (intouchables) et des populations indigènes contre les persécutions. La décision survient quelques mois seulement après l’allègement de la loi par le BJP. Alors que les élections nationales approchent, beaucoup estiment qu’il s’agit d’une manœuvre du gouvernement Modi pour élargir son électorat.

Le 6 août, le parlement indien a approuvé une série d’amendements proposant de restaurer une loi afin de mieux protéger les Dalits (anciennement appelés « intouchables ») et les populations indigènes de la persécution, plusieurs mois après un allègement de cette loi par la Cour Suprême. Beaucoup estiment que la décision, initiée par le premier ministre Narendra Modi et par son parti, le BJP (Bharatiya Janata Party), est destinée à influencer les prochaines élections nationales ainsi que quelques élections dans certains États importants. Les principaux lieux d’influence du parti ont été affaiblis lors des dernières élections, forçant le BJP à élargir son électorat.
« Il est devenu impossible, pour le BJP, de conserver le pouvoir lors des prochaines élections nationales sans le soutien des Dalits et des populations indigènes », a déclaré Mgr John Barwa, archevêque de Cuttack-Bhubaneswar dans l’État d’Odisha. Ces minorités avaient été lésées le 20 mars par la décision de la Cour Suprême, qui avait décidé de supprimer des clauses la loi de 1989 relative à la prévention des atrocités contre les castes et les tribus indigènes. La décision de la Cour signifiait que les plaintes concernant les discriminations fondées sur les castes n’imposaient plus l’arrestation immédiate de l’accusé. Les groupes Dalits et les militants avaient critiqué la mesure qui annulait l’effet dissuasif de la loi.
La loi d’origine exigeait l’arrestation immédiate de l’accusé, sans possibilité de libération sous caution. Toutefois, la décision de la Cour Suprême au mois de mars avait affaibli la loi en instaurant la mise en liberté sous caution et en exigeant une enquête préliminaire avant toute arrestation. Les juges avaient fait valoir qu’autoriser une arrestation en ne s’appuyant que sur les seules plaintes était contraire aux droits des accusés. Pour certains groupes, cela avait été considéré comme un retour en arrière, la justice d’un pays démocratique supposant de protéger les Droits de l’Homme quel que soit le statut social. Bien que toute mesure destinée à résoudre la situation soit la bienvenue, la dernière décision de Modi « a plus à voir avec la politique et avec les prochaines élections », selon l’archevêque de Cuttack-Bhubaneswar. Pour lui, elle n’a en aucun cas été dictée par « le souci pour les opprimés et pour les minorités ».

60 % des chrétiens membres des communautés Dalit ou indigènes

Le BJP dirige quelques États où les groupes Dalits et autres minorités sont influents. Dans trois d’entre eux – au Madhya Pradesh, au Chhattisgarh et au Rajasthan –, des élections doivent avoir lieu d’ici la fin de l’année. Des élections nationales sont également prévues en avril ou mai 2019. Plusieurs dirigeants Dalits et indigènes, élus au parlement indien en 2014, avaient affirmé que le BJP risquait d’éloigner les électeurs à moins que la loi ne soit rétablie. Les populations indigènes et les Dalits représentent près de 30 % de la population du Madhya Pradesh, qui comprend plus de 72 millions d’habitants. Ils représentent 20 % des 30 millions d’habitants de l’État de Chhattisgarh, et 26 % des 60 millions d’habitants du Rajasthan, selon les chiffres officiels. De plus, plus de 60 % des 27 millions de chrétiens vivant en Inde sont originaires des communautés Dalit ou indigènes.
Depuis son arrivée au pouvoir à New Delhi, le BJP a soutenu l’idéologie de la suprématie de la caste supérieure hindoue, qui néglige les droits des populations défavorisées telles que les Dalits et les populations indigènes. Le chef tribal Gulzar Singh Markam affirme qu’en cherchant à rétablir la loi, le gouvernement « tâte le terrain » afin d’instaurer « son projet d’un Code Civil commun », pour chasser tout préjugé concernant l’application de la loi selon l’origine religieuse ou sociale. Gulzar Markam ajoute qu’un code unifié est soi-disant destiné à mettre fin à la discrimination, mais les minorités ethniques et religieuses craignent qu’il les prive de leurs traditions et de leur identité culturelle. Pourtant, Mgr Paul Toppo, évêque de Raigarh dans l’État de Chhattisgarh, a salué la mesure du gouvernement : « Les Dalits et les populations indigènes seront sûrement heureux de cette décision, toutefois, la mauvaise utilisation de cette loi est également préoccupante. »

(Avec Ucanews, New Delhi)