Eglises d'Asie

Kerala : l’aide aux victimes entachée par un groupe extrémiste

Publié le 25/08/2018




Bien que les aides financières et matérielles ont afflué de toute l’Inde, des voix discordantes se sont manifestées telles que le discours de Swami Chakrapani, chef de l’organisation extrémiste All India Hindu Assembly, qui a appelé à ne pas venir en aide aux « mangeurs de bœuf », la vache étant sacrée dans l’hindouisme. De leur côté, les 41 diocèses de l’État du Kerala ont ouvert leurs portes pour héberger les réfugiés. Le gouvernement a également envoyé une aide de 31 millions de dollars. Les inondations et les glissements de terrain qui ont frappé le Kerala ont entraîné plus de 400 victimes. Près d’1,3 million de personnes ont trouvé refuge dans des camps d’urgence.

Le chef d’une organisation extrémiste hindoue a appelé le gouvernement fédéral et les hindous en général à ne pas fournir d’aide aux victimes des inondations au Kerala qui mangent du bœuf, la vache étant considérée comme un animal sacré dans l’hindouisme. Swami Chakrapani Maharaj, chef de l’organisation All India Hindu Assembly, a déclaré le 23 août que ceux qui tuent des vaches et consomment leur chair ne devraient pas recevoir d’aides d’aucune sorte, après les fortes pluies qui ont frappé le sud de l’État ce mois-ci. Les inondations et des glissements de terrain catastrophiques qui ont frappé la région du 14 au 18 août ont tué environ 400 personnes. On compte 1,3 million de personnes déplacées, qui ont trouvé refuge dans les camps d’urgence où ils survivent grâce aux dons de vêtements et de nourriture.
Les organisations catholiques ont pris part aux secours. Les 41 diocèses de l’État du Kerala ont ouvert les portes des écoles et autres institutions afin de loger les victimes, et des dons de nourriture et de vêtements ont été envoyés dans les zones affectées. Cependant, Swami Chakrapani a estimé de son côté que c’était « un grand péché d’aider et de soutenir les victimes des inondations qui mangent du bœuf ». Ainsi qu’il l’a déclaré dans un communiqué, « avant d’envoyer toute aide, il faut demander aux victimes si elles ont mangé de la viande de vache, et prendre une décision selon la réponse ». Il a ajouté que l’aide ne pouvait leur être accordée que si ces personnes acceptent de signer un formulaire légal les engageant à ne plus manger de bœuf. L’abattage des vaches est interdit dans la plupart des États indiens, mais le bœuf est autorisé au Kerala où il sert d’aliment de base même parmi les hindous. « L’État du Kerala est frappé par la nature à cause des péchés des mangeurs de bœuf », a affirmé Swami Chakrapani. « Tout est arrivé à cause d’eux », a-t-il ajouté.

31 millions de dollars d’aide aux victimes

Les inondations qui se sont acharnées sur le Kerala en août sont les pires que l’État a connu depuis près d’un siècle, en raison d’un niveau de pluies particulièrement élevé depuis le début de la mousson. Sur les 14 districts de l’État, 11 ont été touchés. Des aides ont été envoyées par le gouvernement fédéral et par de nombreuses organisations privées. Les gouvernements de 26 des 29 États indiens ont participé au financement des 31 millions de dollars envoyés pour fournir une aide immédiate aux victimes. Bhavana Sharma, une secouriste, estime que des « agitateurs » tels que Chakrapani « se manifestent partout en Inde depuis quelques temps ». « Alors que tout le monde dépasse les barrières de caste, de couleur ou de religion pour venir en aide aux victimes des inondations au Kerala, ces groupes de fanatiques s’activent pour diviser les gens et répandre leurs discours toxiques », dénonce-t-elle, remarquant que ces opinions commencent même à arriver sur les médias sociaux.
Cela n’a pas empêché l’arrivée des dons des hindous, des musulmans, des sikhs et des chrétiens. « Nous hommes tous humains, mais Dieu sait quelle est la religion de ces brutes », se demande Bhavana. Zainab Khan, un natif du Kerala, a ridiculisé le chef hindou sur Tweeter, en soutenant que la population du Kerala refusait d’écouter ce genre de discours : « Nous n’avons pas besoin de votre soutien… Ne gâchez pas votre énergie ! Il y a des gens qui ont un plus grand cœur que vous et vos adeptes ! » De son côté, Neeraj Sinha, un chroniqueur politique basé à Bengalore, a signalé que le gouvernement fédéral dirigé par le BJP n’a pas censuré les remarques telles que celles de Chakrapani. « Cela veut dire que ceux qui sont aux commandes ferment les yeux quand ils rencontrent ce genre de situations ou ces discours, même en cas de catastrophes telles que celle qui frappe le Kerala », dénonce Neeraj.
Rouf Khan, un travailleur social de l’État de Jammu et Kashmir dans le nord du pays, s’est activé pour rassembler du matériel destiné à l’aide des victimes des inondations. Il confie que la déclaration de Chakrapani ne devrait pas être vue comme une remarque isolée, mais bien comme une partie d’une manœuvre politique qui défend les discours de haine contre les non hindous. Il se souvient qu’en 2015, l’organisation de Chakrapani a appelé au nettoyage ethnique des musulmans et des chrétiens en Inde, affirmant que leur croissance menaçait le caractère hindou de la nation. « Même à l’époque, le gouvernement n’avait entrepris aucune action contre ce groupe », rapporte Rouf Khan.

(Avec Ucanews, New Delhi)