Eglises d'Asie

Inondations au Kerala : les pêcheurs portés en héros

Publié le 28/08/2018




Des pêcheurs indiens de l’État du Kerala sont acclamés pour avoir accepté de transporter leurs bateaux par camion dans les terres inondées afin de participer aux secours, refusant toute rétribution. L’ouverture des barrages, provoquée par les fortes pluies de mousson, a en effet provoqué les inondations de nombreuses zones résidentielles. Le ministre indien du Tourisme, K. J. Alphons, les a salués comme les « plus grands héros » des inondations au Kerala. L’archidiocèse de Trivandrum a ainsi permis d’envoyer 500 pêcheurs et 130 bateaux. En tout, 1 500 pêcheurs ont participé aux secours.

Les pêcheurs de l’État du Kerala sont portés en héros pour avoir secouru des hommes, des femmes et des enfants à l’aide de leurs embarcations traditionnelles en bois. « Vous êtes comme des dieux pour nous », a salué une femme, les mains jointes, en s’adressant aux pêcheurs qui l’ont sauvée ainsi qu’une autre villageoise et une trentaine d’enfants qui se trouvaient coincés dans un orphelinat dans une région inondée dans le district d’Alappuzha. Les pêcheurs, catholiques ou musulmans pour la plupart, travaillent sur la côte de la mer d’Arabie. À l’occasion des inondations qui ont frappé la région du 15 au 18 août, ils ont formé leur propre service volontaire de secours.
Bien que certaines personnes n’ont été isolées que temporairement par les pluies, d’autres se sont trouvées en danger de mort quand la montée des eaux a menacé de submerger leurs maisons. Raju Thomas, qui dirigeait l’une des équipes organisées par l’archidiocèse de Trivandrum, a transporté les bateaux des pêcheurs par camions sur près de deux cents kilomètres, vers les régions inondées dans le centre du Kerala. « Nous ne parvenions pas à trouver l’orphelinat. Nous avons fini par les trouver quand nous avons entendu les enfants crier », explique Raju. Parmi les quelque 1 500 pêcheurs qui ont participé aux opérations, se trouvaient des pêcheurs des villes côtières de Cochin, de Quilon, d’Aleppy et de Trivandrum.
À de nombreuses reprises, ils ont pu manœuvrer leurs petites embarcations habilement dans des régions où les hélicoptères manquaient ou quand ceux-ci étaient incapables d’atteindre les victimes. Le nombre d’embarcations militaires était également insuffisant vu l’ampleur de la catastrophe. L’archidiocèse de Trivandrum a ainsi envoyé 130 bateaux gérés par 500 pêcheurs, confie le père Shijin Jose, coordinateur de l’opération. Il s’agissait d’un exercice difficile car les pêcheurs ont dû emprunter des passages étroits dans des zones résidentielles inondées. « Beaucoup de bateaux ont été endommagés », explique le père Jose. « Mais ils ont pu les réparer et accomplir leur mission avec succès. »

« Ils ont refusé d’être payés »

Les autorités ont proposé de rémunérer les pêcheurs 3 000 roupies (42 dollars) par jour pour compenser leurs pertes. Mais ils ont refusé l’offre, expliquant qu’ils voulaient juste aider les personnes en détresse, confie le père Jose. Plusieurs d’entre eux confient que leur plus grande satisfaction a été de voir le soulagement sur le visage des personnes qu’ils ont sauvé. « Nous ne pouvons pas exprimer avec des mots toute la gratitude qu’ils nous ont montrée », assure Shoji Dency, un pêcheur de Chellanam du diocèse de Cochin. « Nous appartenons aux rangs les plus bas de la société, mais la plupart des gens que nous avons sauvés sont riches. Cela nous a attristés de les voir nous supplier de les sauver en joignant les mains », ajoute Shoji.
Le ministre en chef de l’État, Pinarayi Vijayan, a déclaré que le fait de venir en aide à plus d’un millions de personnes coincées par les inondations ou bloquées par les glissements de terrain était une tâche colossale que le gouvernement n’aurait pas pu accomplir seul. Beaucoup de vies ont été sauvées grâce à des gens qui ont dépassé les frontières de castes, de communautés, de classes ou de religions en travaillant sans relâche, a-t-il ajouté. Selon le centre de gestion des catastrophes du Kerala, l’ensemble des inondations depuis le début de la mousson a entraîné 383 victimes et plus d’1,3 million de personnes déplacées qui ont trouvé refuge dans 3 612 camps de secours.
« Les pluies exceptionnelles qui se sont abattues ont porté un coup dur à l’économie de l’État », regrette Pinarayi Vijayan. « Selon les premières les pertes s’élèveraient à plus de 200 milliards de roupies [2,8 milliards de dollars]. Reconstruire demandera un travail énorme. » En août, les fortes pluies ont rempli les réservoirs, forçant les autorités à ouvrir les vannes de plus de 35 barrages, précipitant des inondations soudaines dans de nombreuses zones résidentielles. Dans certains cas, les eaux se sont élevées au dessus des toits des maisons, confie un homme qui a été secouru avec ses parents âgés, sa femme et ses deux enfants, par des pêcheurs de Cochin.
En plus des pêcheurs et de la marine, des équipes de l’armée de terre, de l’armée de l’air, des garde-côtes, de la police, des pompiers et du centre de gestion des catastrophes ont pris par aux opérations de secours. Plus de 1 500 personnes coincées au Catholic Divine Center de Chalakudy ont reçu des vivres par les airs. Selon le département indien de météorologie, les pluies du Kerala ont été, durant la saison de la mousson, 42 % supérieures à la normale. Depuis le 20 août, les eaux commencent à reculer, permettant à de nombreuses personnes de s’atteler aux travaux de réparation ou de reconstruction de leurs maisons, malgré les avertissements concernant les risques d’infections. En attendant, beaucoup d’entre eux se souviendront du courage des pêcheurs et de tous ceux qui ont œuvré pour les secourir.

(Avec Ucanews, Kochi)