Eglises d'Asie

Élections 2019 : La police interdit une campagne contre Widodo

Publié le 04/09/2018




En amont des élections présidentielles indonésiennes du 17 avril 2019, la police a empêché l’organisation de plusieurs mouvements d’opposition les 25 et 26 août. Selon les autorités, plusieurs groupes avaient prévu de se rassembler autour du « hashtag » #2019GantiPresiden (Changez de président en 2019). Pour la police, cette « campagne noire » risquait de menacer l’unité nationale et l’ordre public, et constituait également une infraction des règles électorales. Une répression qui a provoqué de vifs débats dans le pays.

La police indonésienne a empêché plusieurs groupes soutenant l’opposition d’organiser une « campagne noire » contre le président Widodo dans plusieurs régions du pays, durant le week-end du 25-26 août. Selon les autorités, les rassemblements en question, qui devaient se réunir autour du « hashtag » #2019GantiPresiden (changez de président en 2019), risquaient de menacer l’unité nationale. Le 26 août à Surabaya, la police de la province de Java oriental a refusé d’autoriser le discours d’un groupe qui avait prévu d’annoncer son soutien à la campagne #2019GantiPresiden. Le même jour, la police de la province de Riau a interdit les activités d’un autre groupe. Selon la police, ces campagnes constituaient non seulement un trouble à l’ordre public mais aussi une infraction des règles électorales.
La campagne électorale en vue des élections du 17 avril 2019 doit débuter le 23 septembre. Selon les observateurs, malgré l’avance de Joko Widodo dans les sondages, ce sera un bulletin serré. Son principal opposant devrait être Prabowo Subianto, général à la retraite, qui est le candidat mis en avant par le parti Gerindra (Great Indonesia Movement). Subianto a perdu lors des élections de 2014, mais il espère les remporter cette fois-ci en attaquant Widodo sur la corruption et l’inégalité sociale. Pourtant, malgré leur rivalité, les deux opposants ont montré un geste d’unité lors d’une accolade avec un champion indonésien lors des Asian Games. Le 29 août, ce dernier recevait en effet la médaille d’or pour les épreuves de pencak-silat, un art martial d’origine indonésienne.
Les jeux, qui se sont déroulés en Indonésie du 18 août au 2 septembre, ont constitué un contexte favorable pour le gouvernement suite aux attentats de Surabaya et la montée des violences extrémistes. Mais malgré ces signes d’ouverture entre les deux opposants, l’opposition s’est attelée sans relâche à la promotion de la campagne « hashtag », qui ne retient pas ses coups dans son message principal : Widodo n’a pas respecté ses promesses, et à peu près n’importe quel candidat qui s’opposerait à lui serait un meilleur choix pour le pays. L’une des plus grandes surprises, pour certains, a été de voir les évêques catholiques soutenir l’interdiction de la campagne contre le gouvernement. « Si cela risque de mettre en danger l’unité du pays, le gouvernement doit agir fermement pour maintenir la paix », a déclaré le 30 août le père Paulus Christian Siswantoko, secrétaire général de la commission épiscopale de l’apostolat des laïcs.

« Le public demande une plus grande transparence »

Le prêtre souligne que tous les citoyens ont le droit de soutenir le parti politique de leur choix, mais que cela devient contre-productif quand leur principal objectif est de raviver les tensions et de les exploiter. « Leurs choix politiques ne devraient pas être mis en avant d’une façon aussi provocante. Ils peuvent exprimer leurs opinions d’une façon positive. Ils ne devraient pas essayer d’imposer leurs points de vue aux autres. » L’interdiction de la campagne a suscité de vifs débats dans le pays majoritairement musulman, l’opposition accusant la police d’être au service du gouvernement en réprimant la liberté d’expression. Nizar Zuhro, du parti Gerindra, estime que le gouvernement, en agissant ainsi, a mis la démocratie elle-même en péril. « Il n’a pas respecté son devoir, qui est de consolider la démocratie dans le pays », regrette-t-il, ajoutant que l’interdiction de la campagne « hashtag » revient à piétiner la liberté d’expression. « Laissez les gens s’exprimer en public. Ceux qui sont en désaccord avec la campagne peuvent faire la même chose », ajoute-t-il.
Eva Kusuma Sundari, qui appartient au parti de centre gauche Indonesian Democratic Party of Struggle (PDI-P), affirme que l’interdiction était nécessaire pour « éviter des affrontements physiques » et des éclats de violence. Le PDI-P, dont fait partie le président Widodo, est dirigé par Megawati Sukarnoputri, ancienne présidente indonésienne et fille de Sukarno, le second président du pays. D’autres avancent des réactions mitigées, estimant que la campagne « hashtag » était légitime puisqu’elle permettait aux gens de s’exprimer, mais ajoutant qu’elle risquait aussi de diviser la société encore davantage. Hendardi, président de l’Institut Setara pour la démocratie et la paix, basé à Jakarta, pense que la police avait le droit d’interdire le mouvement, mais qu’elle aurait mieux dû l’expliquer auprès du public : « Ils doivent expliquer aux gens pourquoi et en quoi c’est une menace pour l’unité du pays. Le public mérite et demande une plus grande transparence. »

(Avec Ucanews, Jakarta)

Crédit : President of Indonesia / public domain