Abraham Hubi s’estime chanceux de pouvoir étudier à Saint-Antoine-de-Padoue, une école franciscaine de Sentani, non loin de la capitale de la province, Jayapura. Le collégien, qui vient d’un petit village éloigné dans les montagnes de Papouasie, assure que c’est un vrai miracle, sachant qu’à la fin de l’école primaire, il ne savait toujours pas lire ni écrire. C’est la raison pour laquelle il a accepté de faire une année préparatoire supplémentaire avant de pouvoir enfin rejoindre l’école catholique, qui représente pour lui sa seule véritable chance d’un meilleur avenir. « Après avoir quitté l’école primaire, je ne pouvais déchiffrer que les mots et les lettres. Mais maintenant, je sais lire et écrire », explique-t-il. L’illettrisme est particulièrement problématique dans la région où beaucoup d’enfants, pourtant en fin d’école primaire, se retrouvent dans la même situation. Il y a de nombreuses raisons à cela, mais la première vient du manque d’enseignants et d’établissements. Cela semble surprenant quand on sait que la Papouasie – en plus de ses richesses naturelles – a reçu plusieurs milliards de dollars du gouvernement au fil des ans, afin de soutenir la province en raison de son statut de région autonome spéciale.
Les autorités locales affirment qu’elles ont essayé d’améliorer le niveau de l’éducation grâce à des projets comme la construction d’écoles dans les régions reculées de la province. Pourtant, les critiques pensent que cela n’a pas réglé le manque d’enseignants pour ces écoles. Beaucoup d’enfants de la région vivent dans les villages, tandis que les bonnes écoles sont en ville, explique Gabriel Payong, 28 ans et directeur de l’école Saint-Antoine. Il ajoute que les internats sont pour eux la meilleure solution, en particulier au primaire et au collège. Saint-Antoine héberge ainsi des élèves, leur permettant de mieux se concentrer sur les études, selon Gabriel : « Ce type d’école est utile pour les enfants qui viennent des villages, ils sont pauvres mais ils ont envie d’apprendre. » Il pense également que les internats les rendent responsables, grâce aux règles qui régissent la vie de l’établissement. « Ici, les élèves peuvent apprendre et s’engager au quotidien, et nous pouvons suivre leurs progrès », souligne-t-il.
Appel à mieux gérer les subventions
Le 5 septembre, après son investiture au palais d’État de Jakarta avec d’autres nouveaux gouverneurs, Lukas Enembe a assuré que durant les cinq prochaines années, avec l’appui de son adjoint, Klemen Tinal, il allait s’atteler à l’amélioration de l’éducation dans la province. Le nouveau gouverneur de Papouasie a affirmé qu’il comptait améliorer les infrastructures scolaires et offrir davantage de bourses afin de permettre aux jeunes papous de poursuivre leurs études. « Il y a beaucoup d’enfants qui ne reçoivent pas une éducation correcte », regrette Lukas Enembe, qui ajoute que c’est la racine de la pauvreté en Papouasie, la plus pauvre des provinces indonésiennes. Selon l’Agence centrale indonésienne de statistiques, une grande partie des 26 millions d’Indonésiens désignés officiellement comme « pauvres » vivent en Papouasie. « Ces cinq prochaines années, nous nous attendons à ce que le niveau d’éducation augmente », souligne le gouverneur.
Selon le professeur Baltazar Kabuaya, de l’université Cendrawaih de Jayapura, les efforts des autorités locales réussiront à condition qu’il y ait un véritable leadership et une meilleure gestion des ressources naturelles et des subventions de la région autonome spéciale. Depuis que le statut a été accordé à la province en 2001, notamment pour l’aider à se construire sur le plan économique, le gouvernement central indonésien a accordé à la province plus de trois milliards de subventions supplémentaires, et il prévoit de poursuivre ces subventions d’ici la fin du statut spécial en 2025. La province compte 3,6 millions d’habitants, dont 61,3 % de protestants, 21 % de catholiques et 17,4 % de musulmans. Baltazar Kabuaya souligne que ce sont des sommes importantes vu la taille de la population de la province, et qu’il n’y a donc pas d’excuse aux problèmes actuels. « La Papouasie risque de recommencer à zéro, dès que le statut d’autonomie spéciale prendra fin », alerte l’enseignant.
Cette année, en coopération avec le ministère de l’Éducation, le gouvernement de la province offre des bourses d’étude à plus de 1000 jeunes Papous afin de soutenir leur éducation supérieure dans plusieurs universités. Tous devraient être diplômés dans l’enseignement. Ferige Uaga, 28 ans, étudie la médecine à Jayapura. Elle salue la décision du gouverneur Enembe, mais elle pense que ça ne va pas assez loin. Ferige estime que les bourses devraient aussi être données aux étudiants des autres domaines : « Offrir des bourses, ça doit être objectif et libre de tout népotisme. » Benjamin Lagowan, 28 ans, également étudiant en médecine, affirme que le secteur de la santé a également besoin de monde, et qu’il devrait être lui aussi une priorité : « Beaucoup de cliniques n’ont pas de médecins, donc ça semblerait logique que le gouvernement soutienne également ceux qui veulent étudier la médecine. »
(Avec Ucanews, Jayapura)
CRÉDITS
Benny Mawel / Ucanews