Eglises d'Asie

Enseignement : un think tank hindou s’en prend à l’éducation des minorités

Publié le 17/10/2018




Le 10 octobre, le Centre for policy analysis, un think tank hindou affilié au groupe extrémiste Rashtriya Swayamsevak Sangh a publié un rapport demandant le retrait de la Commission nationale pour les institutions éducatives de minorités. C’est cette organisation, affiliée au ministère des Affaires des minorités, qui est chargée d’accorder le statut de minorité aux établissements scolaires. Pour les autorités chrétiennes et musulmanes, cela revient à demander d’annuler l’autorisation des établissements des minorités, pourtant garantie par la Constitution indienne. Pour les chrétiens, la demande est absurde. Les institutions catholiques du pays sont en effet de haut niveau et accueillent une majorité d’étudiants non chrétiens.

Les leaders chrétiens et musulmans en Inde s’inquiètent des exigences d’un groupe pro hindou qui demande que le gouvernement revienne sur une loi qui autorise les minorités à posséder et diriger des établissements scolaires dans le pays. Le Centre d’analyses politiques (Centre for policy analysis), le think tank du groupe extrémiste hindou Rashtriya Swayamsevak Sangh, a publié un communiqué le 10 octobre en soutenant que le fait d’autoriser les minorités religieuses à posséder des établissements scolaires pour les membres de leurs communautés constituait un « cloisonnement » de la société qui va à l’encontre de l’unité de l’Inde. « L’existence d’une branche séparée pour l’enseignement des minorités telle que la Commission nationale pour les institutions éducatives des minorités, n’est pas fondée. Ce type de structures nationales ne cloisonnent-ils pas l’éducation sur le plan religieux, tout en affaiblissant la société ? » affirme le rapport publié par l’organisation.
Le Centre d’analyses politiques demande que le gouvernement suspende la Commission nationale pour les institutions éducatives des minorités, une organisation qui conseille le gouvernement au niveau fédéral et local sur les questions concernant les établissements des minorités. L’archevêque de Calcutta, Mgr Thomas D’Souza, qui préside le bureau de l’enseignement catholique pour la conférence épiscopale, pense que la demande du groupe va à l’encontre de la Constitution indienne qui autorise les minorités religieuses à fonder et diriger les établissements scolaires de leur choix afin d’accompagner l’éducation des membres de leur communauté. « En réalité, ils demandent que l’on change la Constitution indienne », dénonce l’archevêque. En théorie, le groupe hindou a seulement demandé la fermeture de la Commission nationale. Mais de fait, cela revient à demander le retrait de l’autorisation des institutions des minorités, puisque la commission est l’autorité qui accorde aux établissements scolaires le statut de minorité.

50 000 établissements catholiques

Fondée en 2004, la commission fonctionne sous l’autorité du ministère des Affaires des minorités, qui a alloué 2,4 milliards de roupies cette année (337 millions de dollars) pour la réforme de l’enseignement, y compris concernant des subventions et bourses spéciales. « Tous les Indiens, en particulier les minorités religieuses, ont à craindre ce genre de demandes », estime Mgr D’Souza. Quelque 220 millions d’Indiens, soit 18,4 % de la population, sont considérés officiellement comme des minorités religieuses. Les musulmans forment la minorité la plus nombreuse, avec 140 millions de personnes soit 13,4 % de la population ; les chrétiens suivent avec 27 millions de personnes, soit 2,3 % de la population. Les autres minorités religieuses sont les sikhs (1,9 %), les bouddhistes (0,7 %) et les parsis (0,07 %). Molvi Javaid Ahmad, un imam musulman qui dirige une « madrassa » (école coranique) dans le nord de l’État de Jammu et Cachemire, pense qu’éduquer et responsabiliser la population « n’est pas un acte de charité. C’est le devoir du gouvernement de s’assurer que les communautés puissent se développer et prospérer. »
Molvi Ahmad confie que les recensements officiels ont montré que les minorités religieuses indiennes sont peu éduquées. « Pour faire de l’Inde un pays développé, il faut faciliter l’éducation de ces communautés défavorisées », ajoute-t-il. Le recensement national de 2012 a montré que seulement 53 % des musulmans indiens sont alphabétisés, contre 74 % pour le reste de la population. Le taux d’alphabétisation est de 68 % chez les sikhs, 72 % pour les bouddhistes et 74 % pour les chrétiens. Joseph Dias, un chrétien de Mumbai, confie que le rapport du think tank cherche à « diviser les gens » sur le plan religieux en amont des élections nationales de mai 2019. « Les institutions catholiques ont toujours un haut niveau… Et une grande majorité de leurs étudiants ne sont pas chrétiens. Par conséquent, se débarrasser de ces établissements touchera davantage le reste de la population que les minorités », explique Joseph. Le pays a besoin de ces établissements scolaires. « À moins qu’il existe des établissements de ce niveau, il est même vain d’aborder la question. » L’Église catholique indienne dirige près de 50 000 établissements, dont 400 instituts supérieurs, six universités et six facultés de médecine.

(Avec Ucanews, New Delhi)


CRÉDITS

Bihay Kumar Minj / Ucanews