Eglises d'Asie

L’initiative d’un enseignant catholique contre l’illettrisme à Flores

Publié le 17/10/2018




Quand il a découvert à quel point les écoles de sa province natale manquaient de livres en bon état, John Donbosco Lobo, un enseignant catholique originaire de l’île de Flores dans les Petites îles de la Sonde (Nusa Tenggara oriental), a voulu lancer une opération afin de leur trouver des livres. Son initiative a pris de l’ampleur et contribue à lutter contre l’illettrisme, qui atteint des records dans l’est du pays, jusqu’à 28,75 % dans le Nusa Tenggara oriental. Selon une étude réalisée par USAID en 2014, les enfants de la région ne peuvent lire que 29,7 mots par minute, contre 59,2 mots par minute à Bali ou Java.

En 2013, quand John Donbosco Lobo s’est rendu dans son ancienne école primaire de Jerebuu, dans l’île indonésienne de Flores, cet enseignant catholique de 46 ans a été choqué par ce qu’il a trouvé. Il a constaté que les livres qu’ils avaient étaient les mêmes que ceux avec lesquels il étudiait plus de trente ans auparavant. La plupart d’entre eux étaient déchirés et dans un très mauvais état. « Les livres étaient poussiéreux et abîmés, voire pire ; pour beaucoup d’entre eux, je ne pouvais trouver que la couverture et le reste des pages avait disparu », confie John Lobo. « Je me pose sans cesse la question, comment les jeunes qui vivent dans des régions comme mon village d’origine peuvent-ils recevoir une éducation décente s’ils ne peuvent avoir des livres neufs ? » demande John, qui enseigne aujourd’hui dans une école publique de Mjokerto, dans la province de Java oriental.
Sa province d’origine, le Nusa Tenggara oriental (Petites îles de la Sonde) où se trouve l’île de Flores, fait partie des provinces de l’est de l’Indonésie où la qualité de l’éducation et le niveau d’illettrisme ont toujours été problématiques. Une étude sur le niveau de lecture dans les petites classes, réalisée par l’USAID en 2014, a démontré que les enfants de Java et de Bali pouvaient lire 59,2 mots par minute, tandis que dans le Nusa Tenggara, en Papouasie et à Maluku, ils ne pouvaient lire que 29,7 mots par minute. L’étude a également révélé que seulement 46 % des enfants vivant dans ces provinces comprennent ce qu’ils lisent, contre 78 % des enfants de Java et de Bali. Selon le ministère indonésien de l’Éducation, la Papouasie est la province où le taux d’illettrisme est le plus élevé. L’an dernier, 28,75 % de la population de la province étaient encore incapable de lire ou de reconnaître les lettres. La province du Nusa Tenggara occidental suit avec un taux de 7,91 %.
John assure que ces taux élevés ne sont pas dus au fait que les élèves ne veulent pas apprendre, mais au manque de livres disponibles. « Pour le dire simplement, les élèves qui étudient dans des établissements mieux équipés, avec par exemple des vraies bibliothèques, sont plus avancés que les autres », explique-t-il. En octobre 2013, peu après avoir visite son ancienne école, il a commencé à contacter les gens avec son épouse – infirmière – afin de leur demander de donner des livres. Un ancien patient de sa femme a été le premier à répondre. « Seulement quelques jours après, un camion rempli de livres est arrivé », se réjouit-il. John les a ensuite envoyés au lycée Saint-Thomas-d’Aquin de Mataloko, son ancien lycée, qui les a ensuite distribués dans les écoles primaires. Peu après avoir publié les photos des livres sur son compte Facebook, des messages venant d’autres écoles ont répondu en demandant de l’aide. « Nous avons demandé aux paroissiens d’amener des livres quand ils venaient à la messe, ce qu’ils ont fait », poursuit John. « Des voisins musulmans ont également apporté leur soutien », ajoute-t-il.

« Dites-le avec des livres »

Le mouvement initié par John Lobo, qu’il a appelé Katakan Dengan Buku (« Dites-le avec des livres »), était à l’origine destiné seulement aux catholiques de la province. Mais il s’est étendu à l’aide d’autres régions, y compris des groupes musulmans. Les proportions prises par son initiative l’ont également forcé à recruter des volontaires, notamment parmi ses amis ou ses étudiants. L’année dernière, un groupe musulman de Maros, dans le Sulawesi du Sud (Célèbes), lui a demandé d’envoyer des corans, ce qu’il a fait avec l’aide d’amis musulmans. À l’origine, les donateurs payaient les frais d’envoi. Mais c’est devenu bien plus facile en mai 2018, quand le président indonésien Joko Widodo a lancé un programme appelé Free cargo literacy, assurant la gratuité des frais d’envoi de livres à travers le pays, le 17e jour de chaque mois. John a été désigné, de son côté, comme un membre spécial autorisé à envoyer de grandes quantités de livres. « Tous les mois, je peux envoyer plus d’un millier de livres », explique John, qui est aidé par des étudiants de Java oriental.
Le père franciscain Vincensius Darmin Mbula, président du comité national de l’enseignement catholique, confirme que l’initiative de John Donbosco Lobo contribue à répondre au manque de livres que subissent beaucoup d’écoles dans les régions reculées. Il précise que ces écoles ne manquent pas de manuels scolaires parce que le gouvernement les fournit. « Mais très peu d’écoles peuvent fournir des lectures supplémentaires, comme des romans, des magazines ou encore des bandes dessinées », explique-t-il, ajoutant que ces lectures sont tout aussi importantes pour leur éducation. « Toutes les initiatives individuelles comme celle de John Lobo sont les bienvenues », souligne le père Mbula. John confie que son initiative est une manifestation de sa foi catholique, qui l’appelle à aimer les autres. « Je sens que c’est un devoir pour moi de me donner à ceux qui sont dans le besoin », partage ce père de deux enfants. Il assure qu’il se sent toujours motivé quand il voit les photos des enfants recevant les livres qu’il envoie : « La joie qui se lit sur leurs visages, c’est la raison qui me pousse à continuer. »

(Avec Ucanews, Jakarta)