Eglises d'Asie

Un nouveau décret menace la liberté religieuse au Laos

Publié le 19/10/2018




Suite à la promulgation d’un nouveau décret menaçant le droit à l’association au Laos, qui a été décidé l’année dernière par le gouvernement du président Bougnang Vorachi, dix ONG protestent aux côtés des minorités religieuses laotiennes pour en demander l’annulation. Bien que le Laos reconnaisse quatre religions – le bouddhisme, le christianisme, l’islam et le bahaïsme –, les critiques affirment que des chrétiens subissent des menaces, arrestations et expulsions dans des régions reculées du pays. Les opposants soulignent que le décret contredit les engagements internationaux du Laos ainsi que sa propre Constitution.

Les gouvernements communistes ont la mauvaise habitude de ratifier des constitutions qui garantissent la liberté de religion avant de les ignorer. Le Laos semble suivre cette tendance. Un nouveau décret a en effet été voté l’année dernière sur le droit à l’association, provoquant la colère des communautés religieuses qui ont appelé à annuler le décret. Les critiques se sont regroupées pour dénoncer le fait que le parti unique au pouvoir utilise le décret pour réprimer la religion à sa guise. Le gouvernement devient seul juge de ce qui est permis ou non. Cela veut dire que toute activité religieuse – y compris associative – nécessite des quantités de paperasse afin d’obtenir des autorisations, qui sont d’ailleurs rarement accordées aux minorités comme les chrétiens ou les musulmans.

Appel de dix ONG

Le Laos reconnaît quatre religions : le bouddhisme, le christianisme, l’islam et le bahaïsme. Mais le bouddhisme reste largement majoritaire dans le pays, et les communistes ont fini par s’accorder avec les bouddhistes depuis qu’ils ont évincé une monarchie fondée sur le bouddhisme, vieille de six cents ans, en 1975. Le bouddhisme a été dispensé des restrictions imposées par le nouveau décret. Toutefois, les critiques citent des cas de chrétiens confrontés à « des menaces, des arrestations et des expulsions » dans les régions reculées. Dix ONG, y compris la Commission internationale de juristes (ICJ), Amnesty International et l’Organisation mondiale contre la torture, appellent à supprimer le nouveau décret. Mais les représailles sont une inquiétude permanente pour les opposants. Beaucoup se souviennent qu’il y a presque six ans, un travailleur humanitaire, Sombath Sompone, a été arrêté dans une rue de la capitale, Vientiane. Il n’a pas été revu depuis. Peu après, le président de l’époque, Choummaly Sayason, avait ordonné aux dirigeants du parti d’imposer un contrôle strict sur les groupes qui s’opposent au gouvernement, y compris sur les militants politiques et les syndicats, ainsi que sur les différentes communautés religieuses. Le gouvernement laotien partage, avec les autres gouvernements communistes de la péninsule indochinoise, une crainte redoublée des opposants qui prennent de l’assurance, soutenus par les ONG étrangères. Le président Sayason aurait affirmé que ces forces pourraient « détruire [le] pays par des moyens non violents ».

Droit à la liberté d’association

En signant une lettre destinée au premier ministre laotien Thongloun Sisoulith, le secrétaire général de l’ICJ, Saman Zia-Zarifi, a signalé que le Laos violait ses engagements internationaux, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que sa propre Constitution. « La République démocratique et populaire lao est dans l’obligation, selon la législation, de respecter et de protéger le droit à la vie privée et la liberté d’opinion, d’expression et d’association », souligne Saman Zia-Zarifi. « Le droit de fonder ou de rejoindre une association est indissociable du droit à la liberté d’association », ajoute-t-il. Des obligations qui ont été ignorées en promulguant le Décret sur les associations. Cela dit, le Laos n’est pas le seul pays de la région à suivre cette tendance. Ses voisins – le Vietnam, la Chine ainsi, dans une moindre mesure, le Cambodge – traînent tous derrière eux une longue série de violations de leurs propres Constitutions et de leurs engagements internationaux, notamment en manipulant la loi pour faire taire les opposants.
L’émergence des smartphones et la généralisation de l’accès à l’information via Internet, disponibles mêmes dans les régions les plus reculées de l’Asie du Sud-Est, ont permis aux opposants de s’organiser malgré la bureaucratie répressive. On le constate en voyant les manifestations massives et sans précédent qui ont été organisées suite aux élections controversées de 2013 au Cambodge, dans les rassemblements antichinois organisés au Vietnam ou encore dans la capacité qu’ont les minorités Ouïghour de l’ouest de la Chine à se faire entendre. Les autorités s’irritent quand leurs opposants manifestent leur mécontentement. Étant donné les résultats des élections cambodgiennes de 2013, la manière dont les opposants ont été réprimés et le nombre de scrutins nuls lors des dernières élections de juillet 2018, on peut parier qu’au moins 45 % de la population – et sans doute davantage – sont hostiles aux dirigeants actuels. Mais il est difficile de mesurer cela dans des pays communistes comme la Chine, le Vietnam ou le Laos, où les élections authentiques n’existent pas, ou comme le Cambodge où les instituts de sondage indépendants sont interdits. Ces gouvernements ont mis du temps à s’adapter aux nouvelles technologies de l’information, mais ces dernières années, avec l’aide d’alliés chinois ou russes, ils ont su introduire des systèmes de contrôle et s’imposer sur les médias sociaux comme Facebook.

Tendance à l’isolationnisme

Malheureusement, la situation a peu de chance d’évoluer. La persécution des populations en raison de leur foi – en particulier des minorités religieuses – risque de se poursuivre à l’aide de lois et de décrets, en piétinant au passage leurs droits constitutionnels. Étant donné l’histoire de la région, la situation a peu de chances de changer tant que ce système se maintiendra. Cela risque d’entraîner des réponses internationales telles que des sanctions commerciales, ce que les dirigeants préféreraient éviter. De fait, le Cambodge fait face à des sanctions économiques à cause de sa répression politique. Non loin, en Birmanie, les autorités militaires responsables de la persécution des musulmans Rohingyas ont été accusées par l’ONU de « crimes contre l’humanité ». La conséquence directe fait que les pays comme le Laos deviennent plus isolationnistes, au détriment de la population. La réaction de Vientiane suite à la rupture d’un barrage le 23 juillet, le long de la frontière avec le Cambodge, a souligné l’incapacité des autorités à gérer les catastrophes et à dire, tout simplement, la vérité.
Au moins quarante personnes sont mortes et plusieurs dizaines de personnes sont toujours portées disparues. Mais le gouvernement a menti sur le nombre de victimes et il a repoussé les critiques, qu’il mérite pourtant, car la construction de ces barrages et autres projets d’infrastructures ne bénéficie qu’à quelques-uns. Le même réflexe de déni a été adopté envers tous ceux qui manifestent plus fermement leur opposition aux décisions et aux intérêts du Parti. Le gouvernement de Thongloun Sisoulith se rendrait service en revenant sur ce « Décret sur les associations » et en encourageant la liberté d’association et de religion. Faute de quoi, ce dernier décret et ses conséquences sur la liberté religieuse et sur les autres formes de liberté d’expression risquent de provoquer d’autres catastrophes.

(Avec Ucanews)
Par Luke Hunt, éditorialiste


CRÉDITS

Ucanews