Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : le mouvement de conversion Ghar Vapasi inquiète les responsables religieux

Publié le 25/10/2019




Le 20 octobre, des groupes hindous de l’État de l’Andhra Pradesh ont lancé un mouvement de conversion massive visant les chrétiens, provoquant l’inquiétude de la communauté chrétienne. Des religieux hindous et des responsables locaux du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien) ont organisé, dimanche dernier, des prières et des rituels au temple hindou de Srisailam, dans le district de Kurnool (dans le sud de l’Andhra Pradesh), avant de visiter les quartiers pauvres dalits (intouchables) et indigènes. Ils ont affirmé avoir amené cinq cents chrétiens du quartier à s’engager à suivre l’hindouisme, selon les médias locaux.

« C’est un avertissement pour nous tous ici, et pour tous ceux qui vivent dans les État du sud de l’Inde », estime le père Anthoniraj Thumma, responsable de la Fédération des Églises télougou (langue locale), à propos d’une opération de conversion massive perpétrée dimanche dernier, 20 octobre, dans l’État de l’Andhra Pradesh, dans le sud du pays, contre les chrétiens. Le prêtre explique que ce mouvement de conversion a commencé il y a trois décennies dans le centre de l’Inde. Le mouvement, appelé Ghar Vapasi (Retour au pays), s’est répandu dans les États du nord. Le groupe Vishwa Hindu Parishad, l’organisation nationaliste hindoue à l’origine du mouvement, l’explique comme une façon d’« accueillir » ceux qui ont « quitté leur maison hindoue ». « Contrairement au nord de l’Inde, le mouvement n’était pas tellement connu dans cette région. Mais nous devons reconnaître ce qui est en train de se passer, et nous devons être prudents », confie le père Thumma, qui est également responsable de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux pour l’archidiocèse d’Hyderabad. Le prêtre ajoute cependant que les conversions revendiquées dans l’Andhra Pradesh restent incertaines. « Ils parlent de centaines de conversions, mais la façon dont ils l’ont revendiqué n’a aucune valeur. » Le père Thumma dénonce ce mouvement comme étant une « opération publicitaire » au service du BJP dans la région, afin de promouvoir le parti nationaliste hindou – au pouvoir depuis 2014 – comme le champion de la cause hindoue. « En militant pour une nation hindoue, ils poursuivent un des objectifs inavoués de leur programme », affirme le prêtre, qui remarque que le BJP n’a justement aucune crédibilité politique dans les États du Kerala, du Tamil Nadu, de l’Andhra Pradesh et du Telangana.

Le christianisme et l’islam vus comme des religions étrangères

Sajan K. George, président du Conseil global des chrétiens indiens (GCIC), estime que ce mouvement fait partie des objectifs des castes supérieures, qui cherchent à « perpétuer le système de castes, freiner les aspirations des jeunes dalits qui cherchent à sortir du joug de servitude qui leur est imposé ». Sajan George ajoute que le mouvement vise seulement les chrétiens et les musulmans issus des groupes dalits, à cause de leur vulnérabilité sociale et économique. « Les gourous hindous ont essayé de semer la confusion et le conflit parmi les communautés chrétiennes pacifiques de Srisailam et de la région », affirme-t-il. John Dayal, un militant catholique pour les droits de l’homme dans la région, ajoute que « c’est inquiétant de voir le BJP et ses partisans tenter de convertir de force les chrétiens et les musulmans à l’hindouisme, en particulier dans les régions rurales. Il y a également un certain niveau de contrainte et une bonne dose d’impunité ». John Dayal souligne que la Constitution indienne et la Cour Suprême ont refusé de définir l’hindouisme, et que l’hindutva – une idéologie politique défendant l’hégémonie hindoue – est « un mode de vie ou un état d’esprit ». « Dans ce cas, comment peut-on être converti à un ‘mode de vie’ ? » demande-t-il.

John Dayal remarque également que ce mouvement de conversion massive ne s’attaque pas aux sikhs et aux dalits bouddhistes. Il vise exclusivement le christianisme et l’islam, vus comme des religions étrangères contraires à la culture hindoue. Depuis l’arrivée du BJP au pouvoir à New Delhi en 2014, les responsables chrétiens et musulmans ont été témoins de la montée des tensions religieuses dans le pays. Selon eux, la victoire politique du BJP a favorisé l’accélération des actions perpétrées par les groupes extrémistes hindous. Ainsi, des militants nationalistes hindous arrivent souvent dans les villages du nord de l’Inde pour poursuivre leur mouvement de conversion, afin de forcer les chrétiens à participer à des rituels hindous. La loi impose également des contraintes sur le changement de religion dans au moins huit États indiens. Dans ce cas, une personne déposant un acte de conversion doit demander la permission des autorités de l’État. Les responsables chrétiens soulignent pourtant que les groupes hindous ne sont pas connus pour respecter ces lois.

(Avec Ucanews, Kurnool)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews