Eglises d'Asie

Cardinal Bo : « Vivre cette crise de façon fructueuse, avec générosité et espérance »

Publié le 12/05/2020




Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la Fédération des conférences épiscopales asiatiques (FABC), a publié une nouvelle déclaration à propos de la crise actuelle, en invitant les fidèles et la population à « vivre cette période de façon fructueuse, avec générosité et avec espérance ». Le cardinal Bo invite également, dans son message, à se joindre aux appels des responsables religieux du monde entier à une journée spéciale de prière, le 14 mai, pour la fin de la pandémie de Covid-19. Un appel auquel s’est joint le pape François, le dimanche 3 mai, en saluant une initiative qui rappelle que « la prière est une valeur universelle ». Extraits.

La pandémie que nous traversons tous est une crise planétaire. Elle défie notre façon de vivre, de travailler et de célébrer. Ses conséquences, ici en Birmanie, ont certes été plus lentes à arriver, mais elles nous marqueront bel et bien à long terme. Pays par pays, la façon dont la crise nous a marqués diffère selon les circonstances géographiques, le contrôle aux frontières, les décisions des autorités, les gouvernements et la préparation des services publics de santé. Ce sont des temps éprouvants pour nous tous. Dans tous les cas, les plus affectés sont ceux qui ne peuvent pas s’isoler socialement, ceux qui n’ont pas suffisamment d’accès à l’eau pour se laver, qui ont perdu leurs emplois et leurs revenus journaliers… Ce sont ceux qui reviennent dans leurs pays comme demandeurs d’emploi et travailleurs migrants affamés, et ceux que les gouvernements ne protègent pas. Pour beaucoup, la priorité est d’abord de lutter contre la famine.
Je voudrais vous encourager tous à vivre cette période de façon fructueuse, avec générosité et avec espérance. Veillons les uns sur les autres. Je me joins à l’appel de tous les responsables religieux aux fidèles à travers le monde, à organiser, le 14 mai, « une journée de jeûne, de prières et d’intercession ». Dans la plupart des pays d’Asie, nous vivons encore différentes restrictions : les écoles et les usines sont fermées, les marchés sont à cours de provisions et les voyages sont interdits. Pourtant, d’une façon folle, obscène et incompréhensible, les conflits se poursuivent. Les responsables militaires et les groupes ethniques armés, comme s’ils croyaient que leurs armes seraient plus puissantes que ce virus, continuent d’exposer leurs soldats, de mettre en danger les civils et de risquer d’aggraver la propagation de la contagion.

Une crise mondiale et durable

Beaucoup demandent : « Quand tout ceci prendra fin et tout pourra revenir à la normale ? » La réponse est : sans doute jamais. Non seulement les choses ne seront plus jamais pareilles, mais la période que nous traversons nous marquera durablement. L’Asie a déjà traversé de nombreux conflits, crises et catastrophes naturelles, comme le tsunami, le cyclone Nargis et les typhons réguliers et dévastateurs. Nous savons que chacune de ces crises ne nous a pas laissés inchangés. Cette fois-ci, tous les pays du monde sont affectés. Cela marquera notre monde en profondeur. La politique changera, ainsi que les relations internationales. Une catastrophe qui frappe plus de deux cents pays change le monde en profondeur, à la manière d’une guerre mondiale. Même si le Covid-19 peut être contenu définitivement dans les prochains mois, il nous marquera pour les décennies à venir. Cela marquera notre façon de vivre en communauté, de communiquer, de voyager, de construire nos relations. Si les gouvernements ne parviennent pas à être à la hauteur de ce défi, ils perdront la confiance de leurs peuples.

« De quel monde voulons-nous ? »

Le monde traversait déjà de nombreux problèmes graves avant cette crise, notamment concernant les inégalités, au sein des pays et entre les nations. Les plus pauvres seront les plus exposés face à la crise actuelle, notamment les habitants des bidonvilles, les travailleurs à la journée, les travailleurs migrants de retour dans leurs pays d’origine… Alors que le monde change, les réactions de peur, de racisme et de xénophobie sont amplifiées. Les dirigeants populistes arrivent au pouvoir dans de nombreux pays. L’antidote à cela repose sur les efforts conjoints des citoyens organisés, qui sont prêts à défendre le « nous » contre le culte de soi. Beaucoup de décisions et de pratiques adoptées en temps de crise peuvent devenir permanentes.

Cela concerne aussi la façon dont les gouvernements décident quelles sont leurs priorités mais aussi les petites choses quotidiennes. Votre façon de vivre en famille, la façon dont vous vous rapprochez de vos voisins ou dont vous les évitez, votre façon de vous divertir et de vous reposer. Cela durera. Nous ne retrouverons pas nos habitudes comme si rien ne s’était passé. Il faut donc se demander : « Quel monde voulons-nous quand la tempête sera passée ? » Il faut donc en profiter pour prendre conscience des autres, nous encourager les uns les autres, pour prier et pour mieux comprendre ce qui nous arrive. Il ne faut pas se contenter d’attendre que ça passe, mais utiliser ce temps de façon créative. C’est aussi l’occasion d’apporter au monde la bonté, la miséricorde et l’amour de Dieu, et de faire en sorte de passer d’un monde où quelques-uns sont privilégiés, à un monde où la dignité de chacun est reconnue.

(Avec Ucanews, Rangoun)


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