Eglises d'Asie – Vietnam
Caritas s’engage pour protéger l’héritage culturel de la minorité Chau Ma
Publié le 16/07/2020
Teresa Ka Riep déplore la disparition rapide de l’héritage culturel du groupe ethnique Chau Ma, dans les montagnes centrales du Vietnam. Beaucoup de villageois construisent peu à peu leurs maisons avec du bois, du béton et des briques au lieu des habitations traditionnelles en roseau sur pilotis. Les gongs, instruments traditionnels des Chau Ma, sont peu à peu abandonnés ou dévalorisés. Dans beaucoup de familles, les enfants reçoivent traditionnellement les ensembles de gongs hérités de leurs parents, à la mort de ces derniers. Mais aujourd’hui, beaucoup d’entre eux les revendent pièce par pièce pour s’acheter un buffle ou d’autres moyens de subsistance pour leurs familles. Un ensemble de gongs compte six pièces, conçues pour créer un ensemble sonore particulier. Une fois qu’une pièce est vendue, cette sonorité unique est perdue, affirme Teresa Ka Riep, âgée de 30 ans, qui travaille pour la Caritas du diocèse de Da Lat. « Ceux qui savent en jouer n’ont pas les moyens de remplacer les pièces perdues. Ils doivent donc les emprunter à d’autres personnes ou à des paroisses », explique-t-elle, ajoutant que les jeunes ne sont plus intéressés par les instruments traditionnels. Ils sont plus attirés par la musique moderne qu’ils écoutent dans les villes où ils partent travailler, loin de leurs villages natals.
Pour Teresa, même quand des musiques et danses traditionnelles sont organisées dans les nouvelles habitations modernes des Chau Ma, il manque l’atmosphère chaleureuse, vivante et mystique des festivals et cérémonies organisées dans les maisons traditionnelles sur pilotis. L’an dernier, elle a lancé un projet afin d’essayer de restaurer les traditions ethniques culturelles au village de Tong Klong Dowang, dans la paroisse de B’Sumrac (dans la province de Lam Dong). Le projet, parrainé par Caritas, comprend la construction d’une maison communautaire et l’achat d’un ensemble de gongs. Teresa Ka Riep, qui appartient elle-même à l’ethnique Chau Ma, explique qu’il a fallu un mois aux villageois pour rassembler des feuilles et du bois de roseau dans les forêts alentour, afin de construire une maison traditionnelle sur pilotis – d’une superficie de dix mètres par quatre mètres –, sur un terrain offert par un villageois, Joseph Ka Dim. L’ensemble de gongs acheté pour le projet a coûté 27 millions de dongs (1 024,47 €). La maison sur pilotis a été inaugurée en octobre 2019. « Nous sommes fiers de ce nouveau lieu communautaire où nous pouvons faire revivre nos traditions », se réjouit Joseph K’Brong, un responsable laïc.
Protéger et transmettre
Les villageois s’y rassemblent deux soirs par mois, le samedi, en portant des costumes traditionnels, pour jouer du gong, chanter, danser et échanger autour d’un feu de camp. Les grandes fêtes comme Noël ou le Nouvel an lunaire sont également célébrées autour de la maison communautaire, explique Joseph, 54 ans, père de quatre enfants. Un groupe a été créé et formé afin de jouer du gong et organiser des danses traditionnelles à l’accueil des visiteurs. Dominique K’Ve, membre du groupe, explique qu’il a commencé à enseigner la musique aux plus jeunes. Il s’efforce de transmettre son art afin qu’il ne se perde pas. Avant le lancement du projet, il n’avait pas de gongs chez lui, ni aucun moyen de l’enseigner à ses enfants. « Les maisons sur pilotis et les gongs sont notre héritage, et nous devons le protéger et le transmettre », ajoute K’Dim, un autre villageois âgé de 34 ans. « Cette maison nous aidera à apprendre à nos enfants à aimer et respecter nos traditions ancestrales. » Il espère que ses quatre enfants, âgés de 22 mois à 12 ans, sauront les préserver en prenant part aux activités culturelles organisées dans la maison communautaire.
Teresa Ka Riep, de Caritas, estime que pour pouvoir mieux maintenir et transmettre leurs traditions, les habitants du village ont également besoin d’opportunités pour améliorer leur niveau de vie. Elle a donc aussi lancé un projet de formation professionnelle. Ainsi, six foyers du village apprennent à élever le Perionyx excavates, un ver utilisé comme fertilisant naturel et pour nourrir les poulets – élevés et vendus pour ajouter près de 114 euros à leurs revenus mensuels. « Ce projet nous apprend aussi à protéger l’environnement et à produire de façon saine et propre », confie Joseph K’Brong. Autrefois, ils utilisaient des aliments industriels produits en usine, ce qui rendait souvent les poulets malades. Caritas apprend aussi aux habitants de Tong Jrang Jreng, un autre village Chau Ma, à faire pousser des arbres fruitiers, des légumes et du thé, sur des terrains utilisés auparavant comme plantations de café. Une initiative qui permet d’améliorer leurs revenus, souligne Maria Ka Huyen, qui travaille également pour Caritas.
« Garder leurs traditions vivantes »
Le chef du village, Joseph K’Wam, salue le travail de Caritas qui aide les villageois à transformer leurs activités et leur vie spirituelle. Les autorités locales prévoient elles aussi de construire des maisons communautaires dans d’autres villages, afin de poursuivre le projet culturel. « Les habitants se sentent inspirés par les projets de Caritas et reconnaissent l’importance de perpétuer les traditions », ajoute-t-il. Maria Goretti Dinh Thi Hong Phuc, directrice adjointe de la Caritas de Da Lat, explique que ces petits projets lancés dans les villages dont partie d’un programme de développement lancé en 2016. Maria ajoute que l’organisation catholique, aux côtés de plusieurs groupes ethniques, dont les Kinh, Chau Ma, Cil, K’Ho, Mo Nong et Chu Ru, organise des projets similaires dans 18 villages de la province de Lam Dong. Ceux qui participent à des projets agricoles peuvent revendre leur production directement auprès des consommateurs. « Ainsi, les gens ont amélioré leurs revenus d’une façon écologique, tout en gardant leurs traditions vivantes », confie-t-elle.
(Avec Ucanews, Lam Dong)
CRÉDITS
Ucanews