Eglises d'Asie – Inde
Chômage : les jeunes indiens se tournent vers les emplois traditionnels
Publié le 20/02/2019
Après avoir obtenu son diplôme en économie, Pallavi Gupta a fondé sa propre ferme laitière sans même se tourner du côté des emplois publics ou vers l’industrie. La décision de cette jeune Indienne de 26 ans de New Delhi a beaucoup choqué ses amis. Mais elle est restée ferme sur sa décision, sachant que des millions d’autres jeunes Indiens ayant fait des études supérieures comme elle se retrouvent au chômage chaque année. « J’ai été témoin de mes propres yeux de la crise de l’emploi et de la façon dont les jeunes diplômés souffrent à cause des crises financières qui s’aggravent », confie Pallavi. Ses parents ont d’abord protesté contre son projet de ferme laitière, avant de finir par l’accepter. « Plutôt que de passer des jours et des mois à chercher du travail sans aucune certitude quant à l’avenir, il valait mieux se tourner vers un métier traditionnel avec une touche moderne », souffle-t-elle. Ainsi, ses recherches sur internet afin de s’inspirer de l’expérience de ceux qui se sont déjà lancés dans ce domaine l’ont beaucoup aidé. Aujourd’hui, elle fournit du lait à plus de deux cents boutiques bon marché dans les environs de New Delhi, la capitale indienne. Elle confie gagner environ 200 000 roupies (2 800 dollars) par mois, soit presque quatre fois le salaire d’un jeune cadre de la fonction publique dans le pays. Le chômage est un défi depuis longtemps pour les jeunes indiens, mais les choses semblent s’être aggravées récemment, selon le père Jaison Vadassery, secrétaire de la commission épiscopale indienne pour le travail. Une étude du gouvernement publiée en 2017 montre que près de 420 millions d’Indiens, sur 1,3 milliard d’habitants dans le pays, sont âgés de 15 à 34 ans, ce qui en fait la jeune population active la plus nombreuse dans le monde. Mais une grande partie de ceux qui poursuivent des études supérieures ont du mal à décrocher des emplois stables.
94 % de la population active gagne moins de 200 roupies par jour
Pour le père Vadassery, l’Inde n’a pas su utiliser toute cette jeunesse au service de son développement socio-économique. « Il n’y a absolument aucune politique mise en place par le gouvernement à cet effet », ajoute le prêtre. « De même, le nouveau régime fiscal et les politiques de démonétisation ont gravement affecté les petites et moyennes entreprises, entraînant une vague de chômage dans le pays. » Le Centre de veille de l’économie indienne (CMIE) estime qu’en 2017, le pays comptait près de 31 millions de demandeurs d’emploi. Près de 11 millions d’emplois ont été supprimés entre juillet 2017 et juin 2018, selon une étude du National Sample Survey Office (NSSO), une instance indépendante sous l’autorité du ministère des Statistiques. Beaucoup dénoncent la politique du Premier ministre Narendra Modi. La nouvelle Taxe sur les produits et services (GST) et la démonétisation des billets de 500 et de 1 000 roupies en 2016 sont notamment cités comme des facteurs majeurs du ralentissement de l’économie du pays. Pour le père Vadassery, la politique du gouvernement a favorisé les grandes entreprises au détriment de la population active. Le prêtre ajoute que les travailleurs du secteur non structuré, qui représente 94 % de la population active, gagnent en moyenne moins de 200 roupies par jour (2,80 dollars). Ainsi, le père Vadassery estime que quand des personnes comme Pallavi Gupta se tournent vers des emplois traditionnels comme l’agriculture ou la pêche, en ayant recours aux nouvelles technologies afin d’améliorer leur productivité, cela fait du bien au pays. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, plus de huit millions d’emplois doivent être créés chaque année en Inde afin de contenir le niveau de chômage. Junaid Irfan, un économiste de New Delhi, estime que tous les jeunes diplômés ne peuvent trouver des emplois de cadres et qu’une partie d’entre eux pourraient s’engager dans des entreprenariats à petite échelle. C’est cet exemple qu’a suivi Shahid Qureshi, 23 ans, de la vallée du Cachemire dans le nord de l’Inde. Après avoir achevé une licence, il a fondé une ferme piscicole dans sa région d’origine grâce à laquelle il gagne près de 12 000 roupies (169 dollars) par mois. « C’est beaucoup mieux pour moi, plutôt que de vagabonder d’une entreprise à l’autre à la recherche d’un emploi. »
(Avec Ucanews, New Delhi)
CRÉDITS
Ucanews