Eglises d'Asie

Colloque entre chrétiens et taoïstes à Singapour

Publié le 12/11/2018




Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, l’archidiocèse catholique de Singapour et la fédération taoïste de Singapour ont organisé conjointement le deuxième colloque chrétien-taoïste à Singapour du 5 au 7 novembre 2018 (le premier avait eu lieu à Taiwan en 2014). Le thème du colloque était « Éthique chrétienne et taoïste en dialogue ». Soixante-dix spécialistes chrétiens et taoïstes, ainsi que de nombreux acteurs du dialogue interreligieux, venus principalement de Singapour, mais également de Chine, de France, de Corée du Sud, de Malaisie, de Suisse, de Taiwan et du Vatican, ont pris part à cet événement.

La rencontre avait pour but d’approfondir le dialogue entre chrétiens et taoïstes, dans des échanges à la fois intellectuels et informels, en réponse aux défis contemporains dans les domaines de la bioéthique, la pauvreté, la morale en économie et les problèmes environnementaux… Le programme comprenait également des visites culturelles et interreligieuses. Singapour étant le pays ayant la plus grande diversité religieuse au monde, les initiatives interreligieuses s’y multiplient et sont de plus en plus encouragées par le gouvernement qui, par l’intermédiaire du ministère de la culture et de la jeunesse, soutenait ce colloque. Le premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong, rappelait d’ailleurs au même moment qu’en « créant des possibilités d’interaction entre les religions et en renforçant les liens entre les religions, nous nous protégeons contre les forces qui pourraient déchirer notre société ».

Mgr Miguel Ángel Ayuso Guixot, secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a repris dans son message d’introduction au colloque les mots du pape François, prononcés lors du congrès organisé par la fondation Centesimus Annus – Pro Pontifice le 26 mai 2018 : « Les difficultés et les crises actuelles du système économique ont une dimension éthique indéniable : elles sont liées à une mentalité d’égoïsme et d’exclusion qui a engendré dans les faits une culture du rebut, aveugle face à la dignité humaine des plus vulnérables. Nous le voyons dans la ‘mondialisation de l’indifférence’ croissante face aux défis moraux évidents que la famille humaine est appelée à affronter. […] Je pense aussi aux questions éthiques urgentes liées aux mouvements migratoires mondiaux. » Il souligne en outre que « la dimension éthique des relations sociales et économiques dans la vie et dans l’activité sociale ne peut être importée de l’extérieur, mais qu’elle doit émerger de l’intérieur. Cela représente naturellement un objectif à long terme, qui exige l’engagement de chaque personne et de chaque institution au sein de la société ».

« Une réponse multiforme aux défis de notre époque »

Dans la première partie du colloque, les intervenants ont analysé la crise morale qui affecte le monde aujourd’hui. Les spécialistes ont ensuite présenté les enseignements de Jésus, de saint Paul, de Lao-Tseu et d’autres sages taoïstes. Après avoir examiné les écrits sacrés des deux traditions, chacun a essayé de proposer des orientations et des solutions pour améliorer le monde en crise. Invitée par la fédération taoïste de Singapour, Karine Martin, femme prêtre taoïste française, a conclu son intervention en soulignant que « si des religions telles que le taoïsme et le christianisme doivent participer à la résolution des problèmes auxquels la société est actuellement confrontée, elles doivent présenter leur technique ancestrale consistant à apaiser l’esprit et à réconforter le cœur de chaque individu. »

Interrogée par Églises d’Asie sur la place du taoïsme aujourd’hui dans la société, Karine Martin a fait remarquer qu’il tient « une place très importante sur le plan spirituel et sur le plan du bien-être, parce que toutes les pratiques de Tai-chi et les enseignements de la médecine chinoise prennent racine dans les enseignements taoïstes. En revanche, les enseignements taoïstes religieux sont beaucoup moins connus. Le taoïsme est un chemin qui fournit des outils pour partir à la recherche de la vérité. » Interrogé par Églises d’Asie, le père Benoît Vermander, un jésuite présent depuis plus de vingt ans en Chine, notait pendant le colloque que ce qui lui semblait enrichissant en premier lieu, c’était la participation importante des taoïstes à l’événement, en particulier les jeunes taoïstes de Chine continentale. « Le fait qu’on ait parlé de thèmes très concrets tels que la famille et l’éducation a joué un rôle important. C’est sans doute la première fois qu’il y a une participation aussi active de leaders taoïstes. » Le père Vermander a également tenu à souligner la qualité de l’organisation de ce colloque par de nombreux bénévoles singapouriens.

Dans une déclaration publiée à l’issue du colloque, les participants ont d’abord noté que cette réunion avait renforcé des liens d’amitié. Les deux groupes reconnaissent que « la crise éthique d’aujourd’hui nécessite la redécouverte de valeurs universelles fondées sur la justice sociale, l’écologie intégrale, ainsi que la dignité de la vie humaine à tous les niveaux et dans toutes les circonstances. Par conséquent, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 reste une expression fondamentale de la conscience humaine pour notre époque et offre une base solide pour la promotion d’un monde plus juste. Nous croyons en la capacité de nos traditions religieuses d’inspirer une réponse multiforme aux défis de notre époque. Par conséquent, il est nécessaire d’améliorer les méthodes de communication de nos traditions dans un langage facilement compréhensible. »

(EDA / François Bretault)


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