Eglises d'Asie

Des prêtres sud-coréens pour la Corée du Nord

Publié le 11/12/2015




De retour à Séoul après un voyage de quatre jours en Corée du Nord, la délégation d’évêques catholiques sud-coréens qui avait été invitée ès-qualités par le gouvernement nord-coréen a annoncé que, « sauf imprévus », des prêtres catholiques sud-coréens allaient pouvoir, à partir de l’an prochain, …

… se rendre à Pyongyang afin d’y célébrer la messe. Cette annonce, donnée en conférence de presse dans la capitale sud-coréenne ce 7 décembre, constitue une première pour un pays, la Corée du Nord, qui ne compte aucun prêtre catholique.

A l’aller comme au retour, la délégation catholique sud-coréenne avait transité par la Chine populaire, les passages directs par voie terrestre entre les deux Corée étant très exceptionnels. Une fois sur place, les quatre évêques et les treize prêtres venus du Sud ont visité différents lieux, dont une maison pour personnes âgées et un jardin d’enfants gérés par l’Association catholique de Corée [du Nord], l’instance officielle nord-coréenne invitante. Le 3 décembre, les évêques et les prêtres sud-coréens ont concélébré la messe dans l’unique lieu de culte catholique de Pyongyang, l’église de Changchung. Quelque 70 personnes se tenaient dans l’assistance, des Nord-Coréens qui leur ont été présentés comme étant des catholiques.

Au cours de cette visite, la délégation sud-coréenne a cherché à recueillir des informations quant à la consistance réelle des communautés catholiques qui seraient encore présentes en Corée du Nord, après des décennies passées sans ministres ordonnés pour administrer les sacrements. Le 1er décembre dernier, un article du Frankfurter Allgemeine Zeitung rapportait qu’en juin 2015 une délégation de la CSU, le Parti chrétien-social de Bavière, de passage à Pyongyang, avait assisté à une « messe » dans l’église de Changchung et en était sortie choquée après avoir entendu le célébrant nord-coréen, un certain « Père Francisco », avoir prêché contre la Corée du Sud, une colonie de l’impérialisme américain qui serait bientôt réunifiée à la Corée du Nord après une « guerre sainte » menée avec l’aide de Dieu ; quelques mois plus tard, le même « Francisco » n’était plus que diacre lors du passage à Pyongyang de prêtres sud-coréens.

Toutefois, dans l’esprit des évêques sud-coréens, si on se fait peu d’illusion sur l’authenticité des structures mises en place par le régime nord-coréen pour représenter ceux qui sont montrés comme étant des catholiques, on veut croire que des Nord-Coréens ont pu conserver vivante la foi catholique, à la manière dont des fidèles au Japon avaient pu garder la foi au long de trois siècles de terribles persécutions, aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. La demande des évêques sud-coréens a donc été volontairement « modeste et raisonnable », précise Mgr René Dupont, MEP, évêque émérite d’Andong, au micro de RCF : plutôt que de demander la présence continue d’un ou de plusieurs prêtres à Pyongyang, demande qui aurait été rejetée, les évêques ont préféré tenter « un premier pas » – un ou quelques prêtres à Pyongyang pour Noël, Pâques et le 15 août. De fait, l’Association catholique de Corée [du Nord], si elle n’a pas formellement répondu positivement, a laissé entendre qu’un premier prêtre sud-coréen pourrait venir à Pyongyang pour Pâques 2016.

Le cardinal Yeom Soo-jung, archevêque de Séoul et administrateur apostolique de Pyongyang, ne faisait pas partie de la délégation qui s’est rendue à Pyongyang début décembre. Il rappelle que les efforts de l’Eglise de Corée du Sud pour entrer en contact avec la Corée du Nord remontent à l’an 2000. A l’agence Fides, il précise : « Nous négocions avec la Corée du Nord depuis des années dans l’espoir d’envoyer des prêtres de Séoul prendre soin de la vie religieuse des croyants de Corée du Nord. Nous faisons de notre mieux pour parvenir à un accord sur cette question et j’espère que la récente visite pourra représenter le point de départ d’un véritable accord. »

Par le passé, des évêques et des prêtres sud-coréens ont pu se rendre à titre individuel en Corée du Nord, mais cette visite de décembre est la première à compter une délégation aussi nombreuse et d’aussi haut niveau (elle était emmenée par Mgr Kim Hee-joong, archevêque de Gwangju et président de la Conférence épiscopale sud-coréenne). Comme le souligne encore Fides, ce voyage a pris un relief particulier à la lumière du rôle que l’Eglise en Corée du Sud entend jouer sur le terrain de la réconciliation nationale et de la possibilité d’une réunification entre les deux Corée. « Il faut consolider cette plateforme de réconciliation en intensifiant les échanges et les collaborations parce que si, pour les générations qui ont souffert de la séparation et de la guerre civile, les blessures demeurées ouvertes doivent être soignées, parmi les jeunes générations existe le risque d’une indifférence croissante face au désir de réunir le peuple coréen », explique le P. Lee Eun-hyung, secrétaire du Comité épiscopal pour la réconciliation du peuple coréen.

A l’agence de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le P. Lee précise enfin : « Il faut mettre de côté les attitudes agressives et cheminer sur la voie du pardon et de la réconciliation, comme nous l’a d’ailleurs indiqué le pape François lorsqu’il est venu en Corée. » Tout au long du Jubilé de la Miséricorde, le diocèse de Séoul a appelé les catholiques sud-coréens à prier pour leurs éventuels frères du Nord.

L’annonce des évêques sud-coréens intervient alors que la Corée du Nord souffle le chaud et le froid sur les relations intercoréennes. Conformément à un accord du 25 août dernier, une rencontre au niveau des vice-ministres sud- et nord-coréens a eu lieu ce vendredi 11 décembre à Kaesong, en Corée du Nord, tout près de la frontière entre les deux pays. Une première depuis près de deux ans. Mais la veille, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, avait annoncé que son pays « était capable de faire exploser des bombes A et H pour défendre sa souveraineté et sa dignité ». C’était la première fois que le régime faisait explicitement référence à la bombe à hydrogène, bien plus puissante que la bombe A, alors même que la Corée du Nord est soumise à un strict embargo du fait de son programme nucléaire.

(eda/ra)