Eglises d'Asie – Vietnam
Da Nang : les fermiers des provinces centrales endettés par les changements climatiques
Publié le 10/05/2022
Dix heures par jour, par un soleil brûlant, Maria Nguyen Thi Binh travaille sur un chantier de construction, vêtue de vieux vêtements et coiffée d’un chapeau conique (« nón lá » ou chapeau de feuilles). La peau burinée et en nage, elle porte du ciment, des briques et du béton sur le chantier. « Je ne suis payée que 200 000 dongs [8,24 euros] par jour, mais par ces temps de crise, c’est notre seule source de revenus pour les quatre membres de ma famille », explique-t-elle, en précisant qu’elle travaille sept jours par semaine.
Cette mère de deux enfants vit dans le district de Dai Loc, dans la province de Quang Nam, dans le centre du Vietnam. Elle ajoute que sa famille est exposée à la famine et qu’elle n’a pas pu payer les frais de scolarité de ses enfants quand leur champ d’arachide, d’une surface de 500 m², a été détruit par des inondations inattendues entre le 30 mars et le 3 avril.
Le mois de mars est habituellement une saison sèche, et les habitants se préparent aux récoltes mais cette année, ils ont été confrontés à des pluies tardives qui ont inondé leurs champs. « Cette météo inhabituelle ne nous a rien laissé, et nous sommes endettés avec les engrais, les herbicides et les labourages qui ont coûté 10 millions de dongs [412 euros] », souligne cette agricultrice de 45 ans, qui ajoute que comme elle, d’autres habitants ont perdu leurs cultures et ont dû partir de chez eux pour chercher des emplois manuels ailleurs.
Inondations et canicule
Âgé de 40 ans et père de deux enfants, Paul Le Xuan Hien, du district de Hoa Vang, dans la ville voisine de Da Nang, explique que les inondations hors saison ont emporté tous les poissons, les crabes et les crevettes dans sa ferme piscicole de 3 000 m². « J’ai emprunté 40 millions de dongs à la banque pour élever des poissons en février, mais maintenant tout a disparu. Je ne sais pas comme je vais pouvoir rembourser la dette », ajoute-t-il. Le fermier précise qu’il se débrouille en vendant du pain en ville. « Je parcours jusqu’à 100 km à moto tous les jours, et je me sens parfois étourdi par la chaleur. » Il explique que la météo a changé brutalement et causé de sérieux dégâts aux cultures, sans compter la santé de la population locale.
Après les inondations de début avril, les provinces centrales ont subi un climat caniculaire, autour de 40 °C. « Cela m’a complètement épuisé de travailler tout un mois dans ce contexte, mais je n’ai pas le choix », ajoute-t-il, en précisant qu’il doit travailler jusqu’à près de minuit, alors que son épouse souffrante n’a pas de travail. Selon lui, 50 autres pisciculteurs qui ont perdu leurs élevages n’ont pas les moyens de rembourser leurs dettes. Ils n’osent plus se relancer dans la pisciculture de crainte d’être confrontés à nouveau aux intempéries. Le Bureau national de l’Agence de prévention et de contrôle des catastrophes naturelles a signalé des pluies inattendues dans neuf provinces centrales, qui ont entraîné trois décès et quatre blessés, et détruit plusieurs dizaines de milliers d’hectares de fermes et cultures.
Hoang Phuc Long, 17 ans, qui travaille sur un chantier à Da Nang pour soutenir sa famille, explique qu’après la pandémie et les catastrophes naturelles, beaucoup de jeunes doivent quitter l’école et travailler dans le bâtiment, dans des cafés ou dans les marchés, afin d’aider leurs familles. Hoang Long a quitté l’école l’an dernier alors qu’il était en classe de 10ème (seconde), et qu’il gagne 150 000 dongs (6,19 euros) par jour. Sa famille a perdu ses rizicultures et son élevage de porcs dans les inondations.
Protection de l’environnement
Simon Truong Phuoc Liem, responsable adjoint du Conseil paroissial d’Ai Nghia dans la province de Quang Nam, explique que pour protéger l’environnement, les catholiques de la région apprennent à utiliser des engrais naturels à partir de déchets, de feuilles et de paille. Ils reçoivent également des aides afin de faire pousser du riz, du maïs, des haricots verts, du soja et du sésame au cours du mois de mai. Sœur Rose Le Thi Thanh, de la congrégation de Saint-Paul de Chartres et membre de la branche communication de la Commission sur les changements climatiques du doyenné de Hoa Vang (diocèse de Da Nang), confie que des équipes de secours fondées en 2020 dans de nombreuses paroisses ont transporté des victimes et leurs possessions en lieu sûr, notamment dans des églises.
Sœur Thanh ajoute que des équipes de 15 à 30 volontaires sont formées aux premiers secours et sur les causes et les conséquences des changements climatiques. Ils apprennent à prendre en charge les blessés, et à préparer de la nourriture et des soins pour les victimes. La religieuse ajoute que le week-end, avec des habitants, ils ramassent également des ordures le long des plages et plantent des arbres afin de limiter l’érosion des sols et les effets des changements climatiques. Les catholiques de la région sont également encouragés à protéger l’environnement en triant les déchets et en nettoyant leur paroisse. Sœur Rose Le Thi Thanh souligne aussi que des volontaires ont aidé à transporter les victimes du Covid-19 dans les centres de quarantaine et fourni des repas aux patients durant la crise sanitaire, l’an dernier.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews