Eglises d'Asie

Des affrontements interethniques et religieux font plus de soixante victimes dans l’État de Manipur

Publié le 12/05/2023




Plus de soixante personnes ont été tuées dans des violences interethniques dans l’État de Manipur, à l’extrême nord-est de l’Inde. Des maisons, des échoppes, des églises et des temples ont été attaqués, alors que des centaines de soldats ont été déployés pour ramener le calme dans la région ; 35 000 personnes ont été déplacées en fuyant les affrontements. Les autorités ont déclaré que la situation était à présent sous contrôle, bien qu’elle reste tendue.

Imphal, capitale de l’État du Manipur, dans le nord-est de l’Inde, qui a été le théâtre d’affrontements interethniques qui ont éclaté le 3 mai.

Dans les montagnes du lointain Nord-Est de l’Inde, le petit État de Manipur a été le théâtre d’affrontements interethniques qui ont éclaté le 3 mai. Ils ont perduré durant plusieurs jours, alors que la situation semble s’être aujourd’hui apaisée. D’après les autorités locales, plus de soixante victimes sont à déplorer. Les images retransmises sur les télévisions ont témoigné du chaos : 1 700 maisons incendiées, magasins véhicules et bâtiments détruits, et plus de 35 000 habitants fuyant leurs villages ou évacués par l’armée. Nombre d’entre eux sont revenus chez eux, mais 4 000 personnes demeurent toujours dans des camps sommaires.

Face à la flambée de violences, les autorités ont répondu avec fermeté pour tenter de contrôler la situation : déploiement de soldats, imposition d’un couvre-feu partiel, suspension d’Internet, et ordre de tirer à vue si nécessaire. Dans cette région frontalière avec la Birmanie, longtemps agitée par des groupes séparatistes et aborigènes, la présence militaire est importante.

À l’origine de ces affrontements est la recommandation de la Haute Cour de Manipur, le 27 mars dernier, de conférer à l’ethnie des Meitei le statut de « Scheduled Tribe » (« tribu répertoriée »), qui permet de bénéficier de quotas réservés. En Inde, ce système de discrimination positive est un moyen de soutenir des populations pauvres ou marginalisées, en leur réservant l’accès à des terres forestières, des postes dans la fonction publique, qui sont une source d’emploi très convoitée, et des places universitaires.

« C’est avec une profonde inquiétude que nous notons la résurgence de persécutions »

Cependant, le groupe des Meitei, qui représente 53 % de la population de Manipur, est déjà perçu comme une ethnie favorisée par l’État et jouit d’une position dominante dans la vie économique et politique locale. De confession principalement hindoue, ce groupe est notamment très présent dans la capitale, Imphal, et ses vallées environnantes.

Les autres groupes ethniques bénéficiant déjà de la catégorie « tribu répertoriée » ont perçu la décision de Haute Cour, qui doit encore être approuvée par New Delhi, comme un privilège injustifié octroyé aux Meitei. Eux craignent notamment de perdre leurs emplois et leurs forêts, et en particulier la tribu des Kukis, majoritairement de confession chrétienne, qui vit dans les montagnes. En signe de contestation, un syndicat étudiant a organisé, le 3 mai, une manifestation. C’est alors que des heurts ont eu lieu entre différents groupes, et la situation a rapidement dégénéré.

Face à ces affrontements, Mgr Peter Machado, archevêque de Bangalore, a condamné des attaques visant les églises et les chrétiens. « C’est avec une profonde inquiétude que nous notons la résurgence de ciblages et de persécutions de chrétiens dans l’État du Manipur, où les Chrétiens constituent 41 % de la population », a-t-il dénoncé au cours du week-end. D’après ses informations, plus de 17 églises ont été vandalisées ou attaquées.

« Un effort collectif de prières pour la paix »

La Conférence épiscopale de l’Inde (Catholic Bishops’ Conference of India, CBCI) a par ailleurs exprimé son inquiétude face à la mobilisation de certains groupes Meitei contre les Kuki. Des représentants chrétiens locaux et le United Christian Forum of North East India ont quant à eux demandé à toutes les églises de rejoindre « un effort collectif de prières pour la paix ». Enfin, l’organisation Evangelical Fellowship of India s’est pour sa part adressée aux autorités : « Nous demandons à l’État et au gouvernement fédéral de s’engager dans un dialogue constructif avec les différents acteurs afin de résoudre les causes sous-jacentes du conflit », souligne un communiqué.

L’État de Manipur est dirigé par le parti nationaliste hindou du BJP de Narendra Modi, qui est accusé par ses opposants de favoriser l’ethnie Meitei et de mener une politique de division. Sur une chaîne d’informations, le ministre de l’Intérieur, Amit Shah, s’est voulu rassurant. Il a déclaré que la situation était sous contrôle et a appelé au calme. Il a également promis que la recommandation de la Haute Cour serait « discutée avec toutes les parties prenantes concernées », avant une « prise de décision appropriée ».

La Cour suprême de l’Inde a fait part de sa « profonde préoccupation » face aux violences interethniques et a demandé au gouvernement de soumettre, le 17 mai prochain, un rapport sur les mesures de secours et de réhabilitations entreprises au Manipur.

Dans l’immédiat, le calme est revenu mais la situation reste volatile. Lors d’une conférence de presse, le chef du gouvernement local, N. Biren Singh, a déclaré que plus de 1 000 armes à feu avaient été dérobées aux forces de l’ordre durant les affrontements, et que seulement 200 d’entre elles avaient été récupérées.

(EDA)


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