Eglises d'Asie – Vietnam
Des artistes vietnamiens utilisent des thèmes chrétiens et la culture traditionnelle pour évangéliser
Publié le 22/07/2020
Frère Joseph Tran Tri, bénédictin, sculpte minutieusement les détails d’une statue du Christ Roi, dans un style vietnamien, à l’aide d’outils traditionnels. Frère Tri a façonné cette statue grandeur nature en plâtre et en ciment avec un moule en argile ; la statue porte un livre dans sa main gauche et une cane en bambou dans sa main droite – le bambou est un symbole de la culture vietnamienne. « J’essaie de créer des statues du Christ avec des visages montrant de la magnanimité, de la jeunesse, de la compassion et de la bonté », explique le moine, qui a appris son art auprès de son père, à Hô-Chi-Minh-Ville. Il a également conçu des statues de la Vierge Marie et de saint Joseph à la vietnamienne – avec des costumes et des symboles représentant sa culture. Sa statue de saint Joseph est vêtue du costume traditionnel vietnamien, un ao dai noir – une tunique longue traditionnelle – avec un turban et un pantalon blanc. Le visage carré montre la force, le courage et la bienveillance du chef de famille. Le visage de la statue de Marie exprime davantage la tendresse, la charité et l’amour maternel – la statue mariale porte un turban jaune et une tunique traditionnelle bleue et blanche. Frère Joseph a commencé son artisanat en 2000.
Depuis, il a été prolifique avec plus de 6 000 statues religieuses de tailles diverses, de 20 cm à 1,6 m. Le religieux, qui a rejoint le monastère bénédictin de Thien An, dans la province de Thua Thien Hue, en 2002, explique que ses œuvres sont destinées à des paroisses et à des boutiques catholiques des provinces centrales du Vietnam. « J’essaie de répondre aux besoins des catholiques vietnamiens, dans le pays et à l’étranger, et qui aiment les statues religieuses dans le style traditionnel national. À travers mes œuvres, les gens peuvent sentir que Jésus, Marie et Joseph sont avec les Vietnamiens et protègent le pays », ajoute le moine, âgé de 49 ans. « Ils peuvent trouver une proximité émotionnelle et physique avec Jésus et avec les saints, et leur parler de leurs joies et de leurs peines. Et ainsi, le catholicisme n’est plus vu comme une foi étrangère. J’utilise les arts traditionnels vietnamiens pour orner les sculptures sacrées, pour l’inculturation de la foi chrétienne et pour l’évangélisation. »
Inculturation et évangélisation
Peter Le Hieu, un artiste catholique de 62 ans et père de deux enfants, a quant à lui créé plus de 700 toiles, pour la plupart religieuses. Il explique que les personnages bibliques peints à la vietnamiennes sont facilement acceptés par les nouveaux convertis et par les fidèles d’autres confessions religieuses. « Ainsi, les catéchumènes et les non chrétiens peuvent se sentir aussi proches des personnages bibliques que de leurs ancêtres, et donc accepter plus facilement la foi catholique », confie Peter Le Hieu. Le peintre et son épouse se sont convertis en 1980 après avoir prié saint Antoine de Padoue pour la guérison de leur fille malade. Aujourd’hui, il dirige Domini Art, un groupe d’artistes fondé par des dominicains en 2008 afin d’évangéliser par l’art. Il explique que traditionnellement, les Vietnamiens aiment représenter leurs proches afin de leur rendre hommage et de se souvenir d’eux. Pour lui, le fait d’intégrer les valeurs chrétiennes dans la culture vietnamienne traditionnelle est une méthode d’évangélisation efficace. Peter Le Hieu, membre des fraternités laïques dominicaines, vient juste de finir une toile représentant la Cène dans un style vietnamien. Il explique qu’avec d’autres artistes, ils essaient de peindre beaucoup d’œuvres sur des thèmes religieux pour préparer une exposition annuelle, qui doit avoir lieu à la fin de l’année. Chaque année, ils utilisent les bénéfices des ventes afin de permettre aux personnes dans le besoin de célébrer le Nouvel an lunaire.
Maria Goretti Phan Thi Anh, de la paroisse de Lang Co, dans la province de Thua Thien Hue, confie qu’elle a chez elle une statue de Jésus d’un mètre de haut, portant une tunique ao dai verte, un pantalon blanc et un turban rose, qu’elle place sur son balcon. La statue, au visage souriant, tient une feuille de cyca à la main. De son côté, Tuyet, 69 ans, explique qu’elle a commandé au frère Joseph Tran Tri une statue à la vietnamienne, après avoir été touchée en priant devant une autre statue dans la paroisse de Hoi An, dans la province de Quang Nam, en 2018. Antoine Tran Dinh Ty, de Hué, confie quant à lui que l’an dernier, sa famille a demandé au moine bénédictin de créer une série de personnages de la nativité dans un style vietnamien. « Nous faisons la crèche à la maison à Noël, et cela nous permet d’expliquer le catholicisme à nos voisins », explique Antoine Ty, qui vit à côtés de voisins bouddhistes et athées. Il ajoute que l’achat des statues marquait leur 25e anniversaire de mariage.
(Avec Ucanews, Hue)
CRÉDITS
Ucanews