Eglises d'Asie

Des gestes des autorités indiennes en direction de la minorité chrétienne

Publié le 11/05/2023




Au cours de ces dernières semaines, le parti nationaliste hindou au pouvoir du BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien) et le Premier ministre Narendra Modi ont entrepris des gestes rares en direction des minorités religieuses, en particulier envers la communauté chrétienne locale. Cependant, ces efforts se manifestent à l’approche des élections législatives de l’an prochain et sont perçus comme une stratégie politique visant à conquérir les États qui abritent une importante population chrétienne.

Mgr Anil Thomas Couto (à gauche), archevêque de Delhi, lors d’une visite du Premier ministre Narendra Modi, le 9 avril dernier à l’occasion du dimanche de Pâques.

Alors que les minorités religieuses sont régulièrement ciblées en Inde depuis l’arrivée au pouvoir des nationalistes hindous, les gestes de rapprochement vers les communautés musulmanes et chrétiennes sont rares.

La pratique politique visant à courtiser les minorités dans une perspective électorale a été peu privilégiée par le BJP (Parti du peuple indien), le parti du Premier ministre Narendra Modi. Au cœur du projet politique du BJP, l’idéologie de « l’hindutva » privilégie certes l’identité hindoue, au détriment des minorités religieuses.

Mais la tactique se voulait aussi « stratégique », selon un article de Shoaib Daniyal publié sur le site d’information Scroll, car elle a permis « au parti de créer un ‘vote hindou’ qui dépasse les divisions des castes ». Dans ce contexte, « les efforts récents du BJP pour amadouer les minorités sont des plus surprenants », note le journaliste.

Car les gestes se sont multipliés au cours des dernières semaines. L’État du Kerala, qui échappe aux mains du BJP et qui abrite une population chrétienne importante, est particulièrement visé. Des responsables politiques du BJP y ont récemment organisé des évènements et des interactions avec la minorité chrétienne locale, notamment à l’occasion de la célébration de Pâques. La minorité musulmane, plus ostracisée à l’échelle nationale, a également été courtisée lors de la fête de l’Aïd.

Le BJP voudrait « s’assurer de ne pas fermer la porte aux votes des autres communautés »

Par ailleurs, le Premier ministre Narendra Modi a lui-même entrepris, à deux reprises, des échanges avec des représentants chrétiens. Le 9 avril, M. Modi s’est rendu dans la cathédrale de New Delhi, lors d’une initiative très remarquée. « Aujourd’hui, pour l’occasion particulière de Pâques, j’ai eu l’opportunité de visiter la cathédrale du Sacré-Cœur de Delhi », a twitté Narendra Modi à l’issue de sa visite. « J’ai également rencontré les représentants spirituels de la communauté chrétienne. »

Enfin, la semaine dernière à l’occasion d’une visite de deux jours dans l’État du Kérala, le Premier ministre a rencontré des représentants chrétiens, notamment le cardinal George Alanchery et le cardinal Cyril Mar Baselios Clemis. À cette occasion, la possibilité d’une visite papale en Inde aurait été à nouveau évoquée, le pape Jean-Paul II étant le dernier pape à s’être rendu dans le pays, en 1999.

Quelle est la raison du soudain intérêt témoigné de la part du BJP à la minorité chrétienne ? D’après Shoaib Daniyal, le BJP voudrait ainsi « s’assurer de ne pas fermer définitivement la porte aux votes des autres communautés ». Dans des discours récents, Narendra Modi a souligné un lien croissant entre son parti et la communauté chrétienne, citant les succès électoraux remportés à Goa, mais aussi dans la région du Nord-est, au Nagaland et au Meghalaya, autant d’États jouissant d’une tradition chrétienne.

À la clé se joue la domination du BJP dans des États qui ne lui sont pas traditionnellement acquis, mais aussi la volonté de mettre toutes les chances de son côté à l’approche des élections législatives nationales de 2024, à l’issue desquelles M. Modi espère remporter un troisième mandat à la tête de l’Inde.

Dans l’État du Kerala, bastion de la gauche, la stratégie de l’Hindutva et la politique basée sur les divisions religieuses n’ont pas fonctionné. La rencontre de Narendra Modi avec les cardinaux est ainsi perçue comme une nouvelle tentative visant à se rapprocher de la minorité chrétienne. En réponse à ces efforts, un évêque du Kerala a déclaré qu’il apporterait son soutien au BJP si ce parti était en mesure d’augmenter le prix minimum du caoutchouc, l’une des principales productions de l’État. De son côté, le Premier ministre se veut confiant : « De la même façon que les États du Nord-Est et de Goa ont accepté le BJP, son travail et son gouvernement, l’État du Kerala l’acceptera également. »

(EDA)


CRÉDITS

PIB / Ucanews