Eglises d'Asie

Des moines bénédictins auprès des anciens drogués dans le centre de réhabilitation de Huong Thien

Publié le 12/07/2019




Le centre de réhabilitation catholique de Huong Thien a été fondé par le père Francis Xavier Tran An, bénédictin, en 2012. En sept ans, le centre, situé à proximité du sanctuaire marial national de Notre-Dame de La Vang (près de Hué dans le centre du Vietnam), a accompagné près de quatre cents anciens drogués. Aujourd’hui, 44 résidents y vivent en communauté, espérant trouver un emploi stable à leur sortie. Le centre propose aux anciens toxicomanes un logement, une formation professionnelle, des soins ainsi qu’un accompagnement spirituel et psychologique. Les résidents témoignent du sort radicalement différent réservé aux résidents des centres officiels de l’État, et soulignent leur reconnaissance envers le père An.

Joseph Le Dinh Luu, dont le bras gauche est couvert de tatouages, prépare du riz, des poissons, de la soupe et des légumes pour les toxicomanes d’un centre de réhabilitation géré par l’Église. « Aujourd’hui, c’est mon tour de cuisiner, j’essaie de préparer quelque chose de bon pour les résidents ; je les aime comme ma propre famille », confie Joseph Luu, lui-même ancien drogué, tout en essuyant la sueur de son visage en se hâtant de finir les préparatifs avant de rejoindre la chapelle du centre pour l’office avant le repas. « Ici, j’apprends à cuisiner et je jardine de temps en temps. Je participe aussi à l’élevage de volailles et à la pisciculture », ajoute-t-il. « Je suis aussi très intéressé par l’organisation d’activités, et je passe beaucoup de temps à prier Dieu et la Vierge Marie. » Originaire de la province de Nghe An, dans le nord du Vietnam, il assure qu’il est devenu un homme nouveau depuis qu’il a été libéré de la dépendance à la drogue, en rejoignant le centre de réhabilitation de Huong Thien (Vers le Bien) en décembre dernier, dans la province de Quang Tri. La quarantaine passée, il a commencé à consommer de la méthamphétamine en 2005, que des amis lui avaient procurée pour soigner sa grippe. Il est devenu dépendant et a fini par vendre des biens appartenant à sa famille pour pouvoir acheter des drogues illégales. Sa famille l’a envoyé dans des centres de réhabilitations publics à cinq reprises, mais il s’est échappé à chaque fois avant de retomber dans la drogue. Il explique que dans les centres de réhabilitation officiels appartenant à l’État, les toxicomanes sont traités comme des prisonniers ; il ajoute même que des drogues y seraient vendues en secret aux drogués.

En août 2018, le quotidien national VnExpress a déclaré que les résidents d’un de ces centres, dans la province de Tien Giang dans le sud du Vietnam, se sont attaqués violemment à des membres du personnel et se sont enfuis. Selon un ancien drogué qui est passé par ces centres, les détenus peuvent être punis sévèrement au moindre écart, et notamment battus, forcés de rester à genoux durant des heures ou imposés aux travaux forcés. Selon les statistiques officielles, le Vietnam compte plus de 220 000 toxicomanes, dont près d’un tiers qui sont détenus dans des camps de réhabilitation ou en prison. Entre janvier et mai 2019, la police a rencontré 10 000 affaires de drogue, et saisi 301 kilogrammes d’héroïne, 440 000 comprimés de drogues synthétiques et 260 kilogrammes de marijuana. Presque 12 000 personnes ont été arrêtées au cours de cette période. Aujourd’hui, Joseph Luu, qui semble plus âgé qu’il ne l’est, se sent en paix et en sécurité au centre catholique. Il va à la messe tous les jours, il fait du sport, cuisine, fabrique des rosaires et des meubles, et participe à l’entretien du centre. « Nous nous occupons des uns des autres comme des frères, et il n’y a pas de drogues ici », explique-t-il. Il ajoute que le centre est très différent des centres de réhabilitation officiels, parce qu’ici il n’y a pas de gardes, et les portes restent généralement ouvertes. « On nous fait confiance, nous sommes aimés et respectés, et nous sommes responsables de notre travail quotidien », se réjouit-il, insistant sur le contraste avec les rudes conditions des établissements du gouvernement. Le père bénédictin Francis Xavier Tran An, 47 ans, a fondé le centre en 2012, à côté du sanctuaire national de Notre-Dame de La Vang. Le centre offre des soins physiques et psychologiques, ainsi que le logement et une formation professionnelle, aux 44 anciens drogués du centre, dont Joseph Luu.

4 000 drogués accueillis en sept ans

Le père An, lui-même ancien drogué avant de rejoindre l’ordre bénédictin, confie que la vie au centre catholique est similaire à ce que l’on peut vivre lors de longues retraites, ce qui permet aux résidents de se rapprocher de Dieu qui les guérit. Le prêtre, qui vit au centre 24 heures sur 24, explique que les drogués ont besoin de sortir de l’isolement et de retrouver un environnement sain où ils peuvent trouver amour et respect. Cela passe par des temps de réflexion sur leur propre histoire, par la recherche de la miséricorde divine et par la réintégration au sein de leurs communautés. « Les anciens drogués doivent être prêts à vivre une vie communautaire, à respecter notre règlement et à accepter de n’avoir ni argent de poche ni téléphones portables », explique le moine bénédictin, qui ajoute qu’il leur est demandé de ne pas quitter le centre sans sa permission, ni de jurer, de boire de l’alcool, de voler ou de créer des tensions dans le centre. Le prêtre, qui leur offre un accompagnement spirituel, précise qu’il leur est proposé de participer à des visites de sites religieux et à des circuits touristiques, afin de leur donner l’occasion de se mêler à la vie de la société.

Ces sept dernières années, le centre s’est occupé de près de 400 drogués, pour des périodes de quatre à huit mois. Beaucoup s’en sont sortis, se sont mariés et ont obtenu des emplois stables. Dix d’entre eux ont même rejoint un monastère bénédictin situé dans la ville de Hué, dans le centre du pays. Le père An confie que le centre est parrainé par des bienfaiteurs comme des hommes d’affaires, des pèlerins et des familles d’anciens drogués. Truong Dinh Be, 26 ans, est sorti de la drogue en 2017 après avoir passé cinq mois au centre ; il assure que tous les résidents y vivent en paix, comme des frères. « Je suis profondément reconnaissant au père An, qui m’a appris à me comporter avec dignité et à éviter le mal », témoigne Truong Dinh Be, qui travaille dans un parc de stationnement pour deux roues de Hué. Truong Be a passé plusieurs années en prison et dans des centres de réhabilitation de l’État, où il explique que les résidents étaient battus, insultés et traités comme des prisonniers. De son côté, Luu se tourne vers un avenir meilleur. « Je retournerai auprès de ma famille en août », se réjouit-il en souriant, tout en lavant des légumes au centre. « Je compte élever des poulets et planter des arbres fruitiers, sur un terrain de terre de 5 000 mètres carrés », ajoute-t-il.

(Avec Ucanews, La Vang)


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Ucanews