Eglises d'Asie

Des preuves falsifiées contre le père Swamy, emprisonné et décédé en 2021

Publié le 03/01/2023




En décembre, la firme Arsenal Consulting a publié les conclusions d’une expertise affirmant que l’ordinateur du père Stan Swamy, décédé dans un hôpital de Mumbai le 5 juillet 2021, avait été piraté et que des éléments compromettants y avaient été installés. Ces preuves falsifiées ont conduit à des accusations de terrorisme contre le prêtre jésuite, puis à son arrestation et son incarcération. Après avoir passé huit mois en prison, sa santé s’est dégradée. Il est mort à l’âge de 84 ans. Le prêtre n’avait cessé de clamer son innocence.

Un homme rend hommage au père Stan Swamy, le 5 juillet 2022 au Tamil Nadu, à l’occasion du premier anniversaire de sa mort.

Le père jésuite Stan Swami, qui a œuvré dans l’État du Jharkhand pour défendre les droits des aborigènes, aurait été clairement ciblé. C’est ce qu’affirme le rapport de la firme américaine Arsenal Consulting, qui réalise des expertises informatiques dans le cadre d’affaires judiciaires. À la demande d’avocats mandatés par un groupe de prêtres qui réclament la réhabilitation posthume du jésuite, la firme a examiné une copie du contenu de son ordinateur.

D’après l’expertise, 44 documents compromettants auraient été secrètement introduits dans l’ordinateur personnel du prêtre, au moyen d’un logiciel malveillant appelé « NetWire ». Le piratage aurait été réalisé sur une durée de cinq ans, jusqu’à la saisie de l’ordinateur par la police en juin 2019, avant l’arrestation du prêtre en octobre 2020. « Il s’agit de l’un des cas les plus graves impliquant la falsification de preuves qu’Arsenal ait jamais rencontré », ont commenté les experts.

Moins de la moitié des preuves constituées ont été partagées par la NIA

Tout comme le prêtre Stan Swamy, quinze défenseurs des droits de l’homme, intellectuels, universitaires, avocats et autres personnalités ont été placés en détention en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme, dans le cadre de l’affaire « Bhima-Koregaon ». Ils ont été accusés d’avoir incité, en 2018, à des émeutes au village de Bhima-Koregaon, dans l’État du Maharashtra, et d’avoir fomenté un « complot maoïste » visant à assassiner le Premier ministre Narendra Modi.

Ces accusations ont été portées par l’enquête de l’Agence nationale d’investigation (NIA), mandatée pour lutter contre le terrorisme en Inde. Néanmoins, en dépit des demandes émises par une cour spéciale, la NIA a partagé moins de la moitié des preuves constituées, d’après les avocats de certains accusés.

Les incriminations portent notamment sur des liens que les accusés auraient entretenus avec un groupe armé maoïste, l’une des plus anciennes rébellions au monde, toujours active dans certaines jungles et régions aborigènes de l’Inde. Tous les accusés ont en commun un activisme auprès des populations aborigènes et des dalits (« Intouchables »).

Son décès a provoqué une profonde indignation de la part de nombreux citoyens indiens

Les « preuves » incriminant le prêtre Stan Swamy portaient notamment sur des échanges avec la rébellion maoïste. En 2021, des expertises informatiques indépendantes avaient déjà mis en lumière la fabrication de preuves retrouvées sur les ordinateurs de Rona Wilson et Surendra Gadling, deux autres personnes accusées dans l’affaire « Bhima-Koregaon ». D’après la firme Arsenal, il s’agit du même type de piratage.

La tragédie du père Stan Swami avait ému de nombreux Indiens, dans un contexte de répression contre la société civile et les opposants au régime du Premier ministre Narendra Modi. Atteint de la maladie de Parkinson et souffrant de complications pulmonaires après avoir contracté le Covid-19, le prêtre emprisonné s’était vu refuser la libération sous caution, demandée par ses avocats à plusieurs reprises pour raisons médicales. Les appels de l’Église en Inde et à l’étranger pour obtenir sa libération étaient également restés sans suite.

Le prêtre est mort le 5 juillet 2021, dans l’attente de son procès, dans un hôpital de Mumbai où il avait été finalement transféré. Son décès a provoqué une profonde indignation de la part de nombreux citoyens indiens, des partis d’opposition et des groupes de défense des droits de l’homme. Le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme a déclaré que sa mort resterait une tâche dans l’histoire des droits de l’homme en Inde. Alors que le dossier du prêtre a été rouvert par la Haute Cour de Mumbai, prêtres et militants continuent de se battre pour faire reconnaître l’innocence de Stan Swamy.

(EDA)


CRÉDITS

Ucanews