Eglises d'Asie

Des steppes aux gratte-ciel, l’Église mongole accueille le pape François à Oulan-Bator

Publié le 31/08/2023




Le voyage du pape François en Mongolie débute ce jeudi 31 août. Parmi les étapes majeures de son séjour, qui se poursuit jusqu’au 4 septembre dans la capitale mongole, une messe sera célébrée dimanche au Steppe Arena. Une rencontre œcuménique et interreligieuse aura lieu au théâtre Hun, et une rencontre est prévue samedi soir avec les évêques, les prêtres, les missionnaires, les personnes consacrées et les agents pastoraux dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul d’Oulan-Bator.

Le père Pierre Sanjajav, 38 ans, un prêtre mongol ordonné il y a deux ans à Oulan-Bator.

Dans un bus bloqué dans les embouteillages sur l’avenue Chinggis, dans le centre d’Oulan-Bator, le père Ernesto traverse la capitale mongole en plaisantant avec un enfant et son grand-père. En 30 ans, la population de la ville a triplé pour atteindre 1,7 million d’habitants, avec des nouveaux bâtiments qui voient le jour sans cesse. Le père Ernesto Viscardi, 72 ans, indique les quartiers qui défilent par la fenêtre, qui accueilleront le pape François du 31 août au 4 septembre à l’occasion d’une visite historique auprès de la jeune et petite Église mongole.

Le prêtre italien connaît très bien les lieux. Il est arrivé en Mongolie en 2004 afin de rejoindre un petit groupe de missionnaires de la congrégation de la Consolata. Ces derniers étaient entrés dans le pays l’année précédente afin de s’installer dans cette terre des extrêmes (à commencer par la météo), alors que la Mongolie se cherchait une nouvelle identité après la transition démocratique qui a suivi près de 70 ans de communisme.

Pour le père Ernesto, « cette identité est en train d’être reconstruite autour de quelques éléments clés : La terre, la tradition bouddhiste, et le mythe du grand leader Genghis Khan [qui a réuni les tribus mongoles rebelles au début des années 1200 afin de mener une armée qui a conquis une vaste région, de la Corée à la Pologne] ». Durant la longue période sous influence soviétique, toute spiritualité a été bannie de force de la vie quotidienne. Après des purges lancées dès 1937, plusieurs milliers de temples ont été détruits, des monastères bouddhistes ont été saisis, et au moins 15 000 lamas (maîtres spirituels) ont été tués.

Trois premiers missionnaires étrangers arrivés en 1992

Le bus traverse le pont de la Paix, construit durant les années 1950 par la Chine, autre voisin encombrant de la Mongolie, avant de se diriger vers la place centrale, siège du gouvernement – où la population de la ville, irritée par la corruption et le coût de la vie de plus en plus élevé, organise régulièrement des manifestations. Près des deux tiers des habitants font l’expérience d’une forme de pauvreté. Au-delà des gratte-ciel du centre-ville, les collines qui entourent la capitale hébergent la plupart des habitants les plus pauvres. Leurs habitations apparaissent comme des taches blanches sur les versants des collines.

Alors que le bus progresse le long de rues moins encombrées, on s’aperçoit que les taches blanches sont des yourtes, tentes traditionnelles des bergers nomades mongols. « Ces dernières années, de plus en plus de familles des steppes se sont installées dans la capitale à la recherche d’un mode de vie moins rude, ou en raison des pertes de bétail dues à des hivers particulièrement rigoureux. Très peu d’entre eux ont les moyens d’habiter dans un appartement. »

La plupart dressent leur tente là où elles trouvent un terrain vacant. Plus de la moitié des habitants d’Oulan-Bator vivent dans les quartiers des yourtes, sans égouts ni eau courante.

La mission catholique contemporaine a également débuté dans ces tentes traditionnelles (des espaces organisés méticuleusement selon les symboles de la culture chamanique), de longs siècles après la disparition du christianisme qui était arrivé avec l’Église nestorienne au VIIIe siècle. En 1992, quelques mois après l’adoption d’une nouvelle Constitution, garantissant la liberté d’expression et de religion, trois missionnaires de la congrégation belge du Cœur Immaculé de Marie se sont installés à Oulan-Bator.

« La vie à la capitale peut être très difficile »

Parmi eux se trouvait le père Wenceslao Padilla, un prêtre philippin, nommé supérieur de la missio sui juris, ou mission indépendante (élevée au rang de préfecture apostolique en 2002). Il s’est immédiatement dévoué auprès des sans-abri, des handicapés, des personnes âgées et particulièrement des enfants des rues, qui étaient nombreux à traîner dans les rues de la capitale à cause d’une dure crise économique qui a suivi la chute du communisme. Quelques années plus tard ont commencé les travaux de la cathédrale, qui s’inspire des yourtes avec une forme ronde, un dôme conique et un plafond radial en bois. Aujourd’hui, elle se dresse à côté la clinique Sainte-Marie, destinée aux plus pauvres.

« Pour ceux qui viennent de la campagne sans compétences professionnelles, la vie à la capitale peut être très difficile », estime le père Paul Leung, un salésien originaire de Hong-Kong qui dirige un grand centre de formation qui compte près de 200 étudiants. « Grâce à nos cours, les jeunes peuvent trouver du travail sans problème », assure-t-il. « Il est interdit de parler de religion à l’école, mais nous transmettons les valeurs chrétiennes au quotidien. Certains décident d’aller plus loin et participent à des cours de catéchisme dans une des paroisses. »

« Mon histoire m’aide à servir de pont »

En trois décennies de présence missionnaire, six paroisses ont été fondées à Oulan-Bator. D’autres ont été créées à Erdenet, Darkhan et Arvaikheer (où des yourtes servent toujours d’église). Une petite Église a émergé de la première mission, avec 77 prêtres, religieux, religieuses et laïcs consacrés, et près de 1 500 baptisés dont beaucoup sont actifs comme catéchistes, éducateurs, choristes ou volontaires dans des œuvres caritatives.

Depuis l’an dernier, par la volonté du pape François, la petite communauté compte aussi un cardinal, le préfet apostolique Giorgio Marengo, également missionnaire de la Consolata. Ces dernières années, deux vocations locales ont fleuri avec les ordinations du père Joseph Enkh-Baatar (en 2016) et du père Pierre Sanjajav (il y a deux ans). Ce dernier explique qu’à son arrivée à Oulan-Bator depuis Arvaikheer avec sa famille, ils ont été accueillis par les sœurs de Mère Teresa puis par le père Kim Stephano Seon Hyeon, un prêtre sud-coréen fidei donum. « Un jour, je lui ai demandé ‘qu’est-ce qui te pousse à venir ici, loin de ton pays, dans le froid, pour t’occuper de nous ?’. Il m’a répondu en me montrant le crucifix. Quand je suis devenu prêtre, tous les membres de ma famille, même les bouddhistes, étaient heureux pour moi parce qu’ils voyaient ma joie. »

(Avec Asianews)


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Asianews