Eglises d'Asie – Indonésie
Des voix chrétiennes s’élèvent contre un test d’éducation civique pour les fonctionnaires anti-corruption
Publié le 21/05/2021
Un prêtre et universitaire catholique s’est joint à plus de 70 autres professeurs éminents en Indonésie pour appeler le principal organisme anti-corruption du pays à ne pas limoger 75 employés, y compris des enquêteurs chevronnés, après avoir échoué à un examen controversé de la fonction publique.
Dans une déclaration signée par 74 professeurs d’universités à travers le pays, y compris par le père jésuite Franz Magnis-Suseno, professeur émérite à l’école de philosophie Driyarkara de Jakarta, les universitaires estiment que ce licenciement massif affaiblirait sérieusement la Commission d’éradication de la corruption (KPK).
La semaine dernière, le président du KPK, Firli Bahuri, a déclaré que 75 employés de la commission seraient licenciés pour ne pas avoir réussi un test obligatoire d’éducation civique, qui fait désormais partie d’un nouveau processus de sélection pour obtenir le statut de fonctionnaire.
De nouvelles règles introduites en 2019 exigent que tous les employés de la Commission passent l’examen de fonctionnaire de l’Etat dans un délai de deux ans. Le test a été introduit pour filtrer les candidats « exposés à » ou soutenant l’extrémisme religieux et politique.
Parmi les dizaines d’employés qui ont échoué au test, on trouve Novel Baswedan, un enquêteur confirmé. L’homme a perdu un œil en 2017 dans une attaque à l’acide qui aurait été perpétrée par des fonctionnaires corrompus, mécontents des sanctions de la commission contre eux.
Le test civique controversé a été accusé par certains employés d’outrepasser les limites de la vie privée et de la liberté de conscience. Plusieurs questions portaient sur des sujets tels que les motivations à porter le hijab (voile), les raisons derrière un divorce ou le fait de ne pas avoir d’enfants. D’autres questions portaient sur l’orientation sexuelle et les opinions personnelles au sujet des personnes LGBT.
Le père Magnis-Suseno a déclaré que le test faisait partie d’une opération de grande ampleur visant à affaiblir la commission anti-corruption. « J’ai lu la liste des questions, a-t-il déclaré, et je pense que beaucoup sont totalement déplacées et constituent une violation des droits humains des employés »
Pour lui, certaines questions n’ont rien à voir avec la façon dont les enquêteurs s’acquittent de leur mission « [Les questions] ont été clairement formulées de manière à éliminer certaines personnes », estime-t-il.
Le président indonésien Joko Widodo a appelé les directeurs de la commission à offrir une seconde chance aux employés qui ont échoué au test d’éducation civique. « Personnellement, je pense qu’il existe une opportunité de s’améliorer pour ceux qui ont échoué au test, à travers une formation professionnelle » a-t-il déclaré.
La récente ténacité de la commission dans plusieurs affaires de hauts fonctionnaires corrompus a jeté le trouble dans les rangs de certaines personnalités influentes. Le vice-président de la commission, Nurul Ghufron, a répondu en déclarant que la commission examinerait la marche à suivre pour les employés qui n’ont pas passé l’épreuve du test civique.
L’organisme anti-corruption a été créé en 2003 et a poursuivi avec succès des milliers de personnes, y compris des représentants du gouvernement, des législateurs et des hommes d’affaires, pour corruption. L’opiniâtreté de ses enquêteurs a suscité des critiques chez certains hauts fonctionnaires, qui ont lancé plusieurs initiatives pour tenter de limiter le pouvoir de la commission.
En 2019, le parlement indonésien a par exemple voté en faveur de la limitation de certains de ses pouvoirs, notamment sa capacité à procéder à des écoutes téléphoniques de suspects, ce qui a suscité de vives protestations de la part de groupes civils.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Siktus Harson / UCA News