Eglises d'Asie

Diocèse de Cheju : l’Église sud-coréenne se souvient des victimes de la révolte de Jeju de 1901

Publié le 09/06/2021




Le 29 mai dans la cathédrale de Cheju, dans l’île de Jeju (une province autonome située dans le sud de la Corée du Sud, à environ 450 km de Séoul), Mgr Pius Chang-woo Moon, évêque de Cheju a célébré une messe spéciale afin de marquer le 120e anniversaire de la révolte de Jeju de 1901, une rébellion contre le féodalisme et le colonialisme dans l’île sud-coréenne.

Mgr Pius Chang-woo Moon, évêque de Cheju en Corée du Sud, a célébré une messe spéciale, le 29 mai dans la cathédrale, pour commémorer la révolte de Jeju de 1901.

Le diocèse catholique de Cheju, qui couvre Jeju, la plus grande île sud-coréenne – une province autonome –, a inauguré la Tour de la réconciliation après une messe commémorative, célébrée le 29 mai par Mgr Pius Chang-woo Moon, évêque de Cheju. L’inauguration de ce monument mémorial et cette messe spéciale ont permis de rendre hommage aux victimes de la révolte de Jeju de 1901, une rébellion violente qui a fait de nombreuses morts (dont plusieurs centaines de catholiques). Selon le diocèse, le programme est destiné à raviver les mémoires du passé en lançant un appel fort à l’harmonie entre les catholiques et non catholiques vivant sur l’île de Jeju. Pour la première fois, la messe commémorative a également prié pour les rebelles qui s’étaient opposés à l’Église et qui avaient provoqué un conflit violent avec les fidèles de Jeju. L’événement marque le 120e anniversaire de la révolte de Jeju de 1901, une rébellion contre le féodalisme et le colonialisme dans l’île sud-coréenne. La révolte s’est transformée en conflit entre les catholiques et non catholiques sur l’île, située à près de 450 km de Séoul. Sur 900 personnes tuées, on a compté 700 catholiques.

« Nous ne devons pas simplement commémorer mais nous réconcilier »

En 2003, l’Église locale et la Fondation commémorative de la révolte de Jeju de 1901 ont signé une déclaration commune, en soulignant que les deux parties avaient une part de responsabilité dans le bain de sang qui a eu lieu sur l’île il y a plus d’un siècle. Ainsi, Mgr Peter Kang Woo-il, alors évêque de Cheju, et les présidents et vice-présidents de la fondation, Kim Young-hoon et Kim Chang-seon, ont signé la Déclaration de réconciliation pour l’avenir. Le diocèse de Cheju a également organisé un colloque sur le thème « Nouveau plan d’Église, mémoire et harmonie » dans la cathédrale diocésaine, en présence de Mgr Moon et du père Cho Han-geon, de l’Institut de recherche sur l’histoire de l’Église coréenne. Durant les échanges, l’évêque de Cheju a confié que les catholiques comme les fidèles des autres confessions avaient le devoir de changer leur regard sur ce conflit survenu il y a plus d’un siècle et sur les violences qui en ont découlé, afin de construire un pont dans un esprit de réconciliation et de corriger les erreurs du passé.

« Nous ne devons pas simplement commémorer les souffrances causées mais nous réconcilier et nous allier pour l’avenir de Jeju », a déclaré Mgr Moon. « Beaucoup de personnes sont mortes pour l’Église, mais nous devons nous demander si l’Église locale est vraiment morte pour la culture de l’île de Jeju. » L’évêque a poursuivi en appelant à « un élan de nouvelle évangélisation, dans une attitude d’écoute au service de la culture de Jeju et d’une vraie réconciliation ». Selon le journal local Jeju Weekly, l’île est connue pour sa beauté naturelle, bien qu’elle ait hérité d’un passé sombre. Jusqu’au début du XIXe siècle, Jeju servait de pénitencier pour les nobles coréens jugés coupables de graves offenses, qui y étaient bannis. Ces derniers étaient toujours influents et ne se mêlaient pas aux natifs de Jeju, avec souvent un certain mépris envers leur culture et leurs traditions. Les autorités de Séoul nommaient également des gouverneurs pour Jeju, qui étaient vus comme des étrangers par les habitants de l’île. Ainsi, ces oppressions et ces abus vécus par les natifs de Jeju ont déclenché une série de révoltes, qui ont été rapidement et violemment réprimées par le gouvernement. Une cause majeure de ces rébellions était l’influence étrangère sous la forme de l’impérialisme occidental.

Les catholiques coréens vus comme des collaborateurs des forces étrangères

Un autre élément déclencheur a été la politique d’imposition sur l’île. Durant le règne de la dynastie Joseon (1392-1910), Jeju était exempte de taxes et se contentait d’envoyer des oranges. En 1897, le gouvernement de Séoul a commencé à lever des impôts à Jeju afin de rassembler de l’argent pour la modernisation du pays, en provoquant la colère de la population locale. Ainsi, le 4 mars 1898, presque 6 000 habitants de Jeju se sont soulevés et ont emprisonné le gouverneur de l’île et ses subordonnés. La foule s’est ensuite armée en pillant l’arsenal local, avant d’incendier les bâtiments du gouvernement (qui abritait les archives publiques). Le gouvernement a alors envoyé l’armée et réprimé brutalement la rébellion. Par un décret impérial, les insulaires restés « loyaux » ont été exempts de taxes. Cependant, la paix restaurée a été de courte durée, puisqu’une nouvelle révolte a éclaté en 1901. Cette fois-ci, il y avait une forte dimension chrétienne impliquée dans la révolte et ses conséquences.

Après la signature d’un traité d’amitié entre la France et la Corée, en 1886, des tensions sont apparues entre les catholiques et non catholiques à Jeju. Le traité garantissait notamment aux missionnaires français des droits extraterritoriaux sur le sol coréen. Les natifs de Jeju ont commencé à voir les catholiques coréens comme des collaborateurs des forces étrangères impériales. La colère populaire a également été influencée par la protection officielle des prêtres français et des catholiques coréens. Afin de profiter de cette protection, beaucoup d’habitants, dont des criminels, se seraient convertis au catholicisme. Selon l’Encyclopédie catholique coréenne, une attitude négative de l’Église locale envers la culture de Jeju et la religion indigène aurait également pesé dans la révolte.

Ainsi, les catholiques ont été accusés d’avoir détruit des arbres et des objets considérés comme sacrés par les croyances shamaniques locales. Par ailleurs, parmi les nobles coréens exilés, on comptait des chrétiens qui assumaient des responsabilités dans l’île et qui discriminaient les natifs de l’île. Ye Yin-yon, un ancien interprète de la légation française à Séoul, est devenu responsable de la collecte des impôts dans l’île, en imposant des taxes « sur presque tout sur l’île : filets de pêche, arbres, murs en pierre, porcheries, et presque tout ce qui pouvait être taxé ». Près de 10 000 insulaires se sont révoltés en attaquant des fonctionnaires locaux et des chrétiens. Plusieurs centaines de fidèles sont morts dans des échanges violents, et beaucoup se sont enfuis avant l’envoi de troupes par le gouvernement pour réprimer la rébellion. Selon des données de 2020, l’île de Jeju compte aujourd’hui environ 695 000 habitants, dont plus de 75 000 catholiques.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Cheju Diocese