Eglises d'Asie

Éducation : un nouveau geste du gouvernement accueilli avec prudence par les minorités

Publié le 21/06/2019




Le 12 juin, le gouvernement fédéral indien, dirigé par le parti pro hindou du BJP, a annoncé une nouvelle dotation annuelle de dix millions de bourses d’études sur cinq ans, octroyées aux minorités religieuses du pays. Le ministre des Affaires des minorités, Mukhtar Abbas Naqvi, a notamment déclaré que les enseignants des madrasas, les écoles coraniques rattachées aux mosquées, recevraient des formations dans plusieurs matières principales dont la langue hindi. Certains ont salué la décision du gouvernement, même si les communautés musulmanes et chrétiennes restent prudentes, craignant une uniformisation du pays au détriment de la diversité culturelle, linguistique et religieuse du pays.

Les communautés chrétiennes et musulmanes ont réagi avec méfiance suite à l’annonce du gouvernement indien, le 12 juin, d’une dotation annuelle de 10 millions de bourses d’études aux minorités religieuses, pour les cinq prochaines années. Le ministre des Affaires des minorités, Mukhtar Abbas Naqvi, a également déclaré que les enseignants des madrasas, les écoles coraniques traditionnelles rattachées aux mosquées, recevront des formations dans plusieurs matières principales comme l’hindi, l’anglais, les mathématiques, les sciences et l’informatique. Le but est de permettre aux élèves des madrasas de recevoir un enseignement général en plus de leurs études religieuses. Bien que les nouvelles mesures ont été saluées par de nombreuses organisations musulmanes, certaines sont restées sceptiques quant aux intentions du gouvernement fédéral. « Pourquoi l’hindi devrait-il être obligatoire dans les madrasas du pays ? », a demandé un militant musulman, Syed Shahid. « L’enseignement et l’étude de n’importe quelle matière devraient dépendre uniquement du choix de chacun », a-t-il ajouté, en considérant les bourses d’études offertes avec méfiance. Lors des élections générales du mois dernier, le BJP (Bharatiya Janata Party), le parti pro hindou, a remporté 303 sièges au sein de la Chambre basse du parlement, sur un total de 545 sièges, s’assurant ainsi une confortable majorité. Narendra Modi a donc entamé un second mandat en tant que Premier ministre, après avoir déjà remporté les élections précédentes de 2014. Les minorités s’inquiètent depuis longtemps de l’affinité du BJP avec des groupes nationalistes hindous qui font pression pour la domination de la religion hindoue et de la langue hindi. « Nous savons que les membres du BJP cherchent à imposer la primauté de l’hindouisme dans le pays, mais ils devraient savoir que l’Inde est ce qu’elle est seulement par sa diversité culturelle, religieuse et linguistique », souligne Shahid Qadri, un responsable musulman basé dans le Cachemire. « Imposer partout l’infiltration d’une seule langue dans le cadre de bourses d’études, c’est inacceptable. » Michael Williams, un pédagogue reconnu de New Delhi, partage ces inquiétudes. Il a accueilli l’annonce du gouvernement avec prudence, face aux tentatives d’affaiblir les autres langues. Bien que l’hindi soit la langue nationale, 22 autres langues sont reconnues officiellement dans le pays. « Le gouvernement a déclaré ouvertement son intention de rendre l’hindi obligatoire dans toutes les madrasas, et il semble que même les sciences et les autres matières pourraient être enseignées en hindi », ajoute Michael Williams, en signalant que le gouvernement a déjà étudié la possibilité d’arrêter l’usage de l’anglais dans l’enseignement.

Manque de sensibilisation au sein des minorités

« S’ils font cela, ils feront de même pour la langue ourdoue, qui est largement répandue dans les écoles islamiques. C’est une épée à deux tranchants. Ces mesures ne soutiendront pas l’unité indienne », soutient-il, même s’il estime que le gouvernement voit peut-être les bourses d’études comme une main tendue aux minorités, inquiètes de la montée de l’extrémisme hindou et des violences contre les minorités chrétiennes et musulmanes. Patsy David, membre de l’ONG chrétienne Alliance Defending Freedom, une organisation internationale engagée pour la protection des droits des chrétiens, estime que le gouvernement devrait plutôt soutenir l’éducation des élèves provenant des familles pauvres dans leur ensemble, quelle que soit leur religion. Pour A. J. Philip, chronique politique, le problème principal vient du fait que les minorités religieuses ne sont pas toujours conscientes de la disponibilité des bourses d’études. Il ajoute que dans le passé, beaucoup d’élèves ont également refusé des bourses qui leur avaient été offertes, en partie à cause de processus bureaucratiques compliqués et inadaptés. Selon lui, les représentants des minorités doivent accompagner les élèves afin de les sensibiliser sur les diverses subventions et aides sociales accessibles aux musulmans, sikhs, chrétiens, bouddhistes, parsis et jaïns. La population indienne compte environ 80 % d’hindous. Sur 1,3 milliard d’habitants, la communauté musulmane forme la minorité la plus importante avec 72 millions de personnes, soit 14,5 % de la population. Les chrétiens représentent 2,3 % de la population, soit 28 millions de fidèles.

(Avec Ucanews, New Delhi)


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Ians