Eglises d'Asie

Élections : une faible majorité pour le second mandat de Joko Widodo

Publié le 03/05/2019




Le 17 avril, plus de 192 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour les élections présidentielles et législatives indonésiennes. Bien que les résultats définitifs ne seront annoncés que le 22 mai – une fois les 813 350 bureaux de votes dépouillés –, les premiers jours suivant les élections annonçaient déjà Joko Widodo vainqueur malgré une faible majorité. Au 3 mai, sur 64 % des bureaux de vote dépouillés, Widodo emportait près de 56 % des voix contre 44 % pour son opposant, l’ancien général Prabowo Subianto. Malgré le manque d’une forte majorité pour appuyer la poursuite de ses réformes, beaucoup d’enjeux attendent le second mandat du candidat sortant. Notamment concernant le respect des minorités et la situation des droits de l’homme dans le pays, en principe défendus par l’idéologie d’État de la « Pancasila ».

Dès les premiers résultats suivant les élections du 17 avril, le président Joko Widodo en exercice semblait déjà avoir gagné, malgré les affirmations de son opposant Prabowo Subianto qui l’accusait d’avoir triché. Mais malgré ces résultats favorables, Joko Widodo ne peut s’appuyer sur une solide majorité au début de son second mandat. Il a pourtant profité au maximum des bénéfices de son titre de président sortant. Ces derniers mois, des tracts électoraux ont ainsi été distribués auprès d’importants groupes électoraux. En plus de ces manœuvres, la campagne de Joko Widodo s’est concentrée sur la moitié la plus défavorisée du corps électoral, sous la forme d’un véritable système de sécurité sociale, comprenant les soins gratuits et l’éducation pour tous. Un tel avantage aurait dû apporter une solide majorité en candidat sortant. Pourtant, ce dernier et son acolyte Ma’ruf Amin, un intellectuel et homme politique musulman choisi par Widodo comme futur candidat à la vice-présidence, n’ont obtenu que près de 56 % des voix – d’après les résultats estimés le 3 mai, alors que 64 % des bureaux de vote avaient déjà été dépouillés. Les résultats définitifs ne seront annoncés que le 22 mai, une fois l’ensemble des bulletins dépouillés.

Bien que Ma’ruf Amin n’ait joué qu’un rôle mineur durant la campagne électorale, sa présence aux côtés du candidat sortant a eu grande influence vis-à-vis des musulmans qui estimaient que le président Widodo n’était « pas assez islamique ». Ancien chef du Conseil islamique des oulémas, le plus haut conseil islamique du pays, le futur rôle de Ma’ruf Amin pourrait conduire le gouvernement à prendre une direction plus conservatrice. Joko Widodo lui-même a eu tendance à afficher sa religiosité ces dernières années, face aux critiques de la majorité musulmane. Le président sortant a même été jusqu’à faire un voyage éclair en Arabie Saoudite pour un court pèlerinage à la Mecque, juste après les élections du 17 avril. Concernant Subianto et ses revendications, une première vague de soutiens s’est rapidement dissipée quelques jours après les élections, faisant passer l’ancien général pour un mauvais perdant. Au 3 mai, selon la Commission électorale, Joko Widodo emportait 55,9 % des voix sur 64 % des 813 350 bureaux de vote dépouillés, face à 44,1 % des voix pour son adversaire Prabowo Subianto. Malgré les protestations de ce dernier, contestant les premiers résultats, les foules le soutenant se sont rapidement réduites. A l’étranger aussi, beaucoup de gouvernements ont rapidement félicité la réélection du président sortant.

Contrer l’intolérance religieuse

Malgré le manque d’une forte majorité pour appuyer la poursuite de ses réformes, beaucoup d’enjeux attendent le second mandat du candidat sortant. Joko Widodo se trouve conforté par ces résultats, mais ceux-ci ne garantissent pas un plus grand respect de l’État envers les minorités ou concernant les Droits de l’Homme. Même si Widodo a insisté sur l’importance de l’idéologie d’État de la « Pancasila », qui protège les six religions officiellement reconnues dans le pays, il n’a rien fait pour contrer la montée d’une vague d’intolérance envers les groupes religieux minoritaires. En outre, le secteur privé ne devrait pas se presser pour soutenir l’économie du pays puisque Widodo a sans cesse sollicité les entreprises d’État pour ses vastes projets d’infrastructure. Il ne devrait pas y avoir non plus quantité d’investisseurs étrangers. Même si le programme nationaliste du candidat Subianto s’est révélé impopulaire, trop de barrières continuent de dissuader un certain nombre d’investisseurs étrangers. Les élections du 17 avril n’ont pas non plus permis une victoire certaine de l’Indonésie séculière contre les mouvements qui voudraient un État plus islamique, une tension permanente qui existait déjà avant même la naissance de la république indonésienne. Une fois de plus, les partis islamiques ne sont pas parvenus à obtenir plus de 30 % des voix. Paradoxalement, un des partis islamiques qui s’en est bien sorti est le Parti du réveil national (PKB), qui est proche du parti modéré Nahdlatul Ulama (NU) ou « renaissance des oulémas ». Les musulmans indonésiens, selon beaucoup d’intellectuels, ont tendance à préférer séparer la religion de la politique. En effet, certains ont estimé que la tentative de Subianto de séduire certains éléments extrémistes prouvait qu’il était trop dangereux de lui faire confiance.

Aujourd’hui, pour Joko Widodo, le problème vient du fait que les élections ne lui ont pas apporté une forte majorité pour lui permettre de poursuivre ses réformes. Puisqu’il n’a pas su profiter de son statut de candidat sortant pour conforter sa majorité, le président Widodo devrait donc se demander ce qu’il devrait faire pour contenter davantage le corps électoral. Bien qu’il soit libre de s’atteler à ses réformes, le manque d’une large majorité risque de rendre les choses plus difficiles – à commencer par la bureaucratie. Durant la campagne électorale, Joko Widodo a vanté la perspective d’une Indonésie qui saurait dépasser les prédictions économiques en devenant la quatrième économie au monde d’ici 2035. Si le pays réussi à atteindre cet objectif contre toute attente, cela contredirait les critiques plus pessimistes qui annoncent beaucoup d’obstacles sur la route.

(Avec Ucanews, Keith Loveard)

Crédit : Biro Pers Setpres / public_domain