Eglises d'Asie

En Asie-Pacifique, deux travailleurs sur trois sont employés dans le secteur informel selon un nouveau rapport

Publié le 09/09/2022




Selon un rapport publié le 6 septembre par la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (ESCAP) – basée à Bangkok, une des cinq commissions régionales de l’Organisation des Nations unies pour l’Asie et l’Océanie –, la population active en Asie est « insuffisamment productive, en bonne santé et protégée ». Le rapport souligne notamment que 68 % des travailleurs de la région sont embauchés dans le secteur informel, qui représente 1,4 milliard d’habitants dont 600 millions dans le secteur agricole.

Des pêcheurs à Fort Cochin, au Kerala dans le sud de l’Inde.

En Asie, « la population active est insuffisamment productive, en bonne santé et protégée » selon un rapport publié le 6 septembre par l’ESCAP (Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique). Intitulé « La main-d’œuvre dont nous avons besoin : perspectives sociales pour l’Asie et le Pacifique », le rapport estime que le manque de personnel qualifié est dû à la croissance du travail informel, qui concerne deux ouvriers sur trois (68 %) soit 1,4 milliard de personnes, dont 600 millions dans le secteur agricole.

Tous secteurs confondus, la croissance du PIB en Asie au cours des quinze dernières années n’a pas entraîné une hausse proportionnelle des embauches, à tel point que certains pays ont perdu des emplois. La majeure partie de cette « hausse du chômage » s’est produite en Asie du Sud, où plusieurs millions de travailleurs sont forcés d’accepter des emplois temporaires caractérisés par un manque de contrats, par des bas salaires, des horaires irréguliers et des conditions de travail dangereuses.

Dans la région Asie-Pacifique, l’emploi informel a augmenté dans 14 pays sur 19 dont les données sont disponibles, avec 20 millions d’emplois créés entre 2010 et 2021, et un développement encore plus fort que l’emploi total dans des pays comme l’Afghanistan, le Laos, la Corée du Nord, le Népal et la Papouasie Nouvelle-Guinée.

Le rapport souligne qu’actuellement, 100 % de la population bénéficie d’au moins une couverture sociale en Mongolie, au Kazakhstan, en Australie, en Nouvelle Zélande et à Singapour, suivis par le Japon (98 %) et la Géorgie (97 %). Toutefois, un travailleur asiatique sur deux n’a aucune forme de protection sociale et se trouve donc « particulièrement vulnérable aux chocs systémiques ».

La région Asie-Pacifique compte plus de la moitié de la population active mondiale

La vulnérabilité de la main-d’œuvre fragilise sa productivité. Le manque d’accès aux soins favorise l’absentéisme à cause de la maladie, augmente la pauvreté et réduit la productivité du travail, qui est inférieure à la moyenne globale en Asie. Le rapport note que l’état de santé des travailleurs est directement lié à la productivité et au développement : ceux des pays à revenu faible et intermédiaire décèdent treize ans plus tôt que ceux des pays à revenu élevé, tandis que le taux de mortalité infantile est dix fois supérieur en Asie.

Les frais de santé sont tellement élevés que des millions de familles basculent dans la pauvreté. Autre conséquence de l’augmentation du travail informel et précaire, la moitié des travailleurs asiatiques (sur une population active de 3,2 milliards de personnes, soit plus de la moitié de la population active mondiale) sont pauvres ou proches de l’être, avec moins de 5,50 dollars US de revenus par jour. Au moins 158 millions d’habitants vivent avec 3,20 dollars par jour (pauvreté modérée) et 85 millions survivent avec 1,9 dollar par jour (extrême pauvreté).

La plus forte augmentation du nombre de travailleurs pauvres est identifiée en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les Îles Salomon, au Timor oriental, au Cambodge, au Laos et en Inde. Même avant la pandémie et la guerre en Ukraine, plus de la moitié des travailleurs du continent asiatique n’avaient pas touché de revenu régulier sur l’ensemble des douze mois de l’année, plus d’un quart n’avaient pas suffisamment à manger et un tiers manquaient de d’accès aux soins. Tout ceci entraîne une perte de capital physique et humain et de main-d’œuvre.

Changements climatiques, numérisation et vieillissement de la population

Selon l’ESCAP, trois tendances à venir pourraient aggraver encore davantage la situation des travailleurs pauvres et précaires avec une augmentation des inégalités, à savoir les changements climatiques, la numérisation et le vieillissement de la population. En l’absence de politiques adaptées, les catastrophes naturelles affectent principalement les petites entreprises et les petits commerces. Si la tendance actuelle continue, les experts de l’ESCAP estiment que les risques sont élevés pour un tiers des travailleurs asiatiques, alors que huit des dix pays les plus exposés au monde aux changements climatiques se trouvent en Asie.

De même, la numérisation pourrait laisser de côté une part non négligeable de la population active. En Asie-Pacifique, moins des deux tiers de la population ont accès à Internet, contre une moyenne de 90 % dans les pays développés. Par ailleurs, dans la région, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus est passé de 171 millions en 1990 à 445 millions en 2021, et ce chiffre pourrait encore augmenter d’ici 2050 pour dépasser un milliard. Par conséquent, l’âge médian de la population totale risque de passer de 32,5 ans en 2020 à 40,3 ans en 2050 – avec une tendance similaire pour la population active. Ainsi, dans un futur proche, une main-d’œuvre moins nombreuse devra soutenir une population âgée plus importante. Pour le rapport, « il devient de plus en plus important de développer des opportunités d’emplois décentes pour les travailleurs plus âgés, et de les aider à rester productifs et en bonne santé via un système médical qui réponde à leurs besoins ».

(Avec Asianews)